Outre l’assurance vie, l’immobilier ou encore le plan de retraite individuel, les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) s’intéressent de plus en plus à l’épargne collective, à savoir les plans d’épargne entreprise (PEE) et les plans d’épargne retraite collectifs (PERCOL) dans lesquels il est possible de loger des primes de partage de la valeur. Un intérêt qui est notamment lié à l’évolution récente de ces dispositifs. Depuis plusieurs années en effet, les réformes en matière d’épargne collective se succèdent, apportant à chaque fois des améliorations. « La loi Pacte adoptée le 11 avril 2019 a permis de réduire le forfait social pour les entreprises de moins de 50 salariés et a simplifié les plans d’épargne retraite. De même, les dispositifs de partage de la valeur ont été simplifiés et généralisés depuis le 1er décembre 2023 aux entreprises ayant au moins 11 salariés. Enfin, il existe maintenant de nombreux cas de déblocage anticipés », énumère Xavier Collot, directeur Actifs cotés et hybrides de Sienna IM. Ces changements réglementaires se sont traduits par une hausse de la collecte et du taux d’équipement des entreprises, en particulier des TPE et PME. Selon les dernières données de l’AFG, les encours en épargne collective avaient atteint les 188 Md€ à fin 2023. L’AFG note aussi une hausse de la diffusion de cette épargne dans les TPE avec une progression du nombre d’entreprises équipées de 5 % depuis 2022 et de 5,3 % dans celles ayant moins de 10 salariés. Ces catégories entreprises sont notamment fortement incitées par les financiers à mettre en place ces dispositifs. « L’association professionnelle France Invest, qui représente les fonds d’investissement dans le non coté, encourage les sociétés de gestion à associer le management et les équipes à la réussite des entreprises à travers le partage de la valeur créée », constate Xavier Collot. Il reste en effet encore une forte marge de progression : les spécialistes estiment à plus de 8000 le nombre d’entreprises dont les effectifs sont compris entre 11 et 50 salariés qui pourraient bénéficier de la loi de partage de la valeur. 

Des avantages multiples pour le CGP, les entreprises et les salariés

Il s’agit ainsi d’une véritable aubaine pour les CGP, qui depuis la loi Pacte constatent un plus grand intérêt des chefs d’entreprise pour l’épargne collective. « Les différentes réformes ainsi que la communication autour du partage de la valeur ont permis aux CGP et aux acteurs de la gestion privée d’augmenter le taux de transformation des dispositifs d’épargne entreprise auprès des dirigeants d’entreprise », confirme Vincent Martins, directeur général de Wakerstone. Ils sont en effet très attractifs pour les entrepreneurs et les professions libérales qui peuvent en bénéficier au même titre que l’ensemble de leurs salariés et de leurs éventuels conjoints collaborateurs. « Ces dispositifs doivent être proposés à toutes les entreprises qui intègrent au moins un salarié », affirme ainsi Simon Mallette, CGP associé du cabinet Gefinéo. Pour le CGP aussi, ces produits offrent des avantages. Ils apportent une certaine récurrence : une fois le plan adopté, tous les ans, des primes peuvent être versées. Certains groupes parviennent même en sus à facturer le conseil. « Nous disposons de l’expertise pour mettre en place des accords d’épargne salariale avec des critères adaptés à chaque secteur d’activité que nous facturons sous la forme d’honoraires de conseil et sommes par ailleurs rémunérés en matière de gestion financière au travers des frais d’intermédiation, comme c’est le cas pour l’ensemble de nos produits », explique Julien Male, directeur général adjoint Pôle Laplace International chez Crystal. La récurrence des plans constitue aussi l’occasion de rencontrer le chef d’entreprise et/ou les salariés bénéficiaires et d’évoquer la situation patrimoniale de chacun. L’épargne salariale peut ainsi constituer un produit d’appel. « C’est une porte d’entrée auprès des chefs d’entreprise afin de proposer des services pour l’entreprise et pour gérer le patrimoine du chef d’entreprise, souligne de son côté William Pulka, directeur offre et services chez Cyrus Herez. Les chefs d’entreprise sont souvent démarchés pour gérer leur patrimoine personnel, mais moins souvent pour optimiser leur patrimoine professionnel. Cette expertise permet alors de se différencier ». Enfin, l’épargne salariale permet aussi de développer l’interprofessionnalité, notamment avec les experts-comptables, et de mettre en place des partenariats. 

Vers un développement accéléré

Par conséquent, qu’il s’agisse des gros cabinets CGP ou des plus petits, tous cherchent à se développer sur ce segment de marché. « Nous observons un engouement des CGP pour le marché de l’épargne collective, relate Jean-Christophe Benzo, directeur général, Groupama Epargne Salariale. Nous avons ainsi des attentes fortes vis-à-vis de ce marché et comptons multiplier par trois le nombre de nos CGP partenaires dans les cinq prochaines années ». C’est le cas par exemple du groupe Crystal qui possède une équipe de six spécialistes. « Nous disposons d’une équipe dédiée à l’optimisation de la rémunération du dirigeant et des salariés qui intervient sur des sujets d’épargne d’entreprise, mais également en matière de prévoyance ou encore de santé », précise Julien Male. Si cette dernière est présente de longue date au sein du groupe, les dirigeants estiment que le potentiel de développement de ce marché n’en est encore qu’à son début, car les CGP disposent d’atouts par rapport aux banques à travers leur devoir de conseil. « Les banques occupent ce marché de l’épargne collective, mais elles ont du mal à assurer le suivi des plans sur la durée, contrairement aux CGP qui ont une mission de conseil », prévient Julien Male. Cyrus Herez dispose aussi d’une équipe d’experts qui viennent en appui des CGP du groupe. « Nous possédons une équipe de cinq spécialistes dédiés à l’épargne entreprise que nous avons structurée il y a maintenant plus de deux ans », relate William Pulka. D’autres structures ont choisi de détenir une filiale dédiée. Le groupe DLPK, qui s’est récemment rapproché d’April, a diversifié son activité en 2021 à travers l’acquisition de la société Epartim (ex Go Epargne Entreprise) spécialiste en épargne salariale & retraite collective. « Nous possédons notre propre équipe commerciale qui conseille et accompagne nos partenaires CGP sur toutes les étapes de mise en place des dispositifs d’épargne salariale de leurs clients », explique Louis Miravete, directeur du développement d’Epartim. Du côté des plus petits cabinets en revanche, ce sont les CGP qui interviennent sur l’ensemble des sujets. « Nous nous présentons comme la clinique du patrimoine et intervenons sur l’ensemble des placements financiers, sur l’immobilier et sur l’épargne d’entreprise, précise Vincent Martins. Certains de nos clients ont besoin de conseils dans le cadre de leurs dispositifs d’épargne entreprise pour savoir comment répartir leurs primes sur les différents supports proposés par l’entreprise ou comment optimiser ces dispositifs à la sortie, d’autres sont des entrepreneurs et des professions libérales et souhaitent monter des dispositifs ».  

Pour se développer auprès de la clientèle des CGP, les sociétés de gestion comme les teneurs de compte ont mis en place des offres spécifiques. « Nous avons lancé une offre simple et lisible et qui remplit toutes les conditions réglementaires à destination des CGP et de leurs clients, précise Xavier Collot. Nous poussons de plus en plus l’axe pédagogie pour apporter le meilleur éclairage sur nos stratégies de gestion, notamment via de courtes vidéos ». Des formations sont aussi souvent organisées. « La plupart des CGP ont abordé l’épargne salariale dans leur formation initiale, mais ce domaine a fortement évolué ces dernières années et ils ont besoin de se mettre à jour et de maîtriser tous les avantages de ces dispositifs pour en parler à leurs clients », avance Jean-Christophe Benzo. Mais ce n’est pas tout. « Nous pouvons aussi accompagner les CGP et les courtiers en support sur des dossiers complexes ou afin qu’ils soient à l’aise face à des directeurs financiers ou à des directeurs des ressources humaines, poursuit Jean-Christophe Benzo. Nous développons aussi des outils en marque blanche ». Il existe aussi des offres clefs en main proposées par des fintechs et/ou de nouveaux entrants sur ce marché. « Notre offre 100 % digitale permet au CGP de monter simplement et rapidement un plan d’épargne salariale adapté aux attentes de ses clients chefs d’entreprises », avance Louis Miravete. Une façon de s’initier à ce marché pour les plus petites équipes.