Un nouvel environnement crée des conditions plus équilibrées pour les actions mondiales. Aditya Shivram, gérant du fonds FF Global Equity Income Fund, souligne le risque de concentration sur le marché américain et les opportunités défensives offertes par certaines entreprises à l’échelle mondiale.
Depuis 20 ans, l’investissement a été porté par la surperformance du marché américain. Et si la présidence Trump, marquée par le protectionnisme, a généré un optimisme initial, les résultats semblent moins favorables que prévu. En toile de fond, une concentration de marché dépassant celle de la bulle tech des années 2000 soulève des risques structurels.
Le cycle de leadership du marché
La surperformance du marché américain sur 15 ans est l’une des plus marquées de l’histoire financière, mais cette dernière montre que ce type de domination ne dure jamais. Après le Japon dans les années 1980 et la Chine dans les années 2000, une nouvelle rotation pourrait émerger.
La concentration actuelle dépasse également les périodes de niveaux records. Une analyse utilisant l’indice Herfindahl-Hirschman, généralement utilisé pour évaluer la concentration industrielle, indique que le nombre effectif d’entreprises qui déterminent la performance du S&P 500 est passé d’environ 125 dans les années 2000 à seulement 52 à fin 2024, contre 80 au plus fort de la bulle Internet, créant ainsi des vulnérabilités structurelles. Le secteur technologique, en tête des indices mondiaux, suggère une tendance similaire dans l’indice FTSE World Index, avec un risque de concentration substantiel pour les investisseurs dans des fonds passifs.
Risques de valorisation
Les risques du marché américain dépassent la concentration géographique. Les valorisations y sont nettement plus élevées que dans le reste du monde, tous secteurs confondus. Pourtant, fait notable : hors « Magnificent Seven », la croissance des bénéfices américains sur la dernière décennie est comparable à celle des autres marchés.
Le cas de Microsoft illustre bien ces dynamiques. Depuis 2000, son bénéfice par action (BPA) a augmenté de 10 % par an sur une période de 11 ans. Cela témoigne d’une performance remarquable pour le plus grand contributeur du S&P 500 à l’époque. Cependant, le ratio P/E (Price to Earnings) a chuté de 65x à 9x, entraînant un rendement total annualisé de – 5 % pour les actionnaires. Au cours des 11 années suivantes, le BPA a continué de croître de manière impressionnante, surpassant à nouveau le S&P de 5 % par an. Durant cette période, les actionnaires ont bénéficié d’une performance annualisée de 27 %, grâce à une croissance de 12,7 % des bénéfices et à une hausse de son P/E de 9x à 33x.
Ces éléments démontrent que si, à long terme, les cours des actions tendent à suivre leurs bénéfices, ignorer leur valorisation peut s’avérer coûteux sur de longues périodes.
Le dicton « TINA » n’est plus d’actualité
Le principe de TINA (« there is no alternative » aux actions) n’est plus aussi pertinent, car les obligations offrent aujourd’hui des rendements attractifs. Mais contrairement aux obligations dont le rendement est fixe, les actions permettent de bénéficier d’une croissance potentielle des dividendes. Et en cas de reprise de l’inflation, les rendements générés par les actions surpasseraient sans doute ceux des obligations.
Ce changement affecte aussi les stratégies de rachats d’actions. Alors qu’il était auparavant facile d’emprunter à taux zéro pour racheter des titres, le coût de l’endettement dépasse aujourd’hui 5 %, ce qui réduit l’intérêt de cette pratique. Par ailleurs, le rendement des bénéfices a chuté depuis les années 1980, passant de 6-7 % au milieu des années 1980 à moins de 4 %, limitant le nombre d’actions pouvant être rachetées pour un même montant.
En conséquence, la croissance du bénéfice par action (BPA) liée aux rachats d’actions, qui a fortement soutenu les marchés (notamment le S&P 500), tend à s’essouffler.
L’avantage du rendement des actions
Les marchés américains présentent actuellement des risques de concentration, ce qui crée des opportunités intéressantes pour les stratégies de rendement axées sur les actions mondiales. En particulier, les portefeuilles qui s’éloignent de la composition des indices traditionnels peuvent tirer parti d’entreprises de qualité situées hors des Etats-Unis. Ces entreprises internationales bénéficient aussi de la demande américaine sans être soumises à des valorisations élevées.
La diversification géographique permet de mieux gérer les risques en capturant différents cycles économiques tout en réduisant l’exposition à un seul marché. Les stratégies de rendement mondial combinent ainsi potentiel de performance ajustée du risque et diversification stratégique, ce qui est particulièrement précieux en période de volatilité.
Enfin, l’accent est mis sur la sélection d’entreprises de qualité : bilans solides, visibilité sur les profits, et gouvernance efficace, plutôt que sur des sociétés misant sur la croissance agressive ou l’ingénierie financière.
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