Le nombre de cabinets de gestion de patrimoine affichant plus d’un milliard d’euros d’encours sous gestion se multiplie notamment grâce à des opérations de croissance externe. Pour attirer des talents dans leur giron, les cabinets développent des offres de services exhaustives, associent les collaborateurs au capital et mettent surtout en avant leur culture d’entreprise.
D’une année sur l’autre, la concentration du marché du conseil en gestion de patrimoine se renforce. Sur une population de plus de 5000 cabinets recensés par l’Autorité des marchés financiers (AMF), les 50 premiers acteurs représentent ainsi près de la moitié de l’industrie. En parallèle, le nombre de cabinets dont les encours dépassent le milliard d’euros, voire davantage, ne cesse de grandir. « Nous avons réalisé une collecte nette de plus d’un milliard d’euros en 2022 à périmètre constant et affichons maintenant plus de 6,8 milliards d’euros d’encours sous gestion, avance par exemple Jean-Maximilien Vancayezeele, directeur général du groupe Crystal. Nous prévoyons une collecte de l’ordre de 1,3 milliard d’euros en 2023. » Les grands cabinets se caractérisent ainsi par une croissance accélérée. « Astoria Finance a connu une très forte croissance sur les cinq dernières années, nous permettant de voir nos encours sous gestion progresser de 1 à 8,1 milliards d’euros », se félicite Malcolm Vincent, directeur général d’Astoria Finance. Une croissance qui relève à la fois de la clientèle patrimoniale et du tissu économique et industriel. « Depuis notre création il y a treize ans, nos encours sous gestion progressent grâce à une croissance organique comprise entre 15 et 20 %, relate Jean-François Fliti, associé fondateur d’Allure Finance. Nous nous développons à travers le métier de la gestion privée, de fortune et de patrimoine ainsi que dans la recherche de financement pour nos clients et dans le conseil, mais aussi, et ce segment est celui qui progresse le plus, dans l’accompagnement de PME et d’ETI à la mise en place de dispositifs d’épargne salariale. »
Plusieurs modèles de développement
Cette accélération de la croissance est parfois liée à l’entrée au capital de fonds d’investissement. Cyrus Conseil a par exemple accueilli Bridgepoint à son capital, tandis que le groupe Crystal a choisi Apax Partners comme principal actionnaire, mais d’autres, comme Allure Finance ou encore L&A Finance, souhaitent conserver une totale indépendance. Plus généralement, les stratégies de développement varient d’un groupe à l’autre. « Certains misent sur la digitalisation et l’industrialisation, ils développent des plateformes dédiées aux produits financiers qui sont mis à la disposition des conseillers du groupe ou de tiers, explique Jérôme Rusak, président de L&A Finance. D’autres s’appuient sur des fonds d’investissement pour multiplier des opérations de croissance externes. Enfin, certaines structures regroupent des services et des fonctions supports et les mettent à la disposition de conseillers qui agissent pour une marque, mais avec un statut d’indépendant ».
« La multiplication des opérations conduit à une augmentation des prix des cabinets qui cherchent un repreneur, explique, de son côté, Malcolm Vincent. En ce qui nous concerne, même si la croissance et la recherche de talents sont stratégiques pour le développement de nos structures, nous sommes attentifs aux prix de vente ».
Mais le prix ne fait pas tout, la culture d’entreprise est déterminante pour réussir un rapprochement et dans ce domaine, les cabinets cherchent à se prévaloir d’une certaine forme de singularité. Le groupe Crystal, par exemple, s’appuie sur une intégration de tous les métiers et dispose de nombreux bureaux à l’international. « Nous possédons en interne une société de gestion, une fintech et depuis récemment un multifamily office ainsi qu’une société holding qui apportent des solutions à nos conseillers regroupés dans une structure dédiée », explique Jean-Maximilien Vancayezeele. Ces différentes structures pouvant aussi être mobilisées au service de tiers. Le groupe se caractérise aussi par de multiples implantations, y compris en dehors de l’Europe. « Nous sommes présents en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Europe afin de servir une clientèle d’expatriés, souligne le directeur général de Crystal. Nous sommes un des leaders dans ce domaine avec environ 15 000 clients à l’international sur un total d’environ 50 000 clients. Nous cherchons en parallèle à monter en gamme afin de servir une clientèle fortunée, notamment parmi les entrepreneurs. » Le groupe vient à ce titre de lancer un service de multifamily office. « Nous avons monté une équipe avec quatre spécialistes afin de proposer des services complets qui vont de la recherche de financements à l’accompagnement pour les loisirs, comme l’achat et la gestion de résidences secondaires ou de bateaux. Notre offre de family office va ainsi bien au-delà de la conciergerie », explique Benoist Lombard, directeur général délégué de Laplace et président de Maison Laplace. Une stratégie proche de celle développée par Herez, qui mise aussi sur l’association des collaborateurs au capital. « Au sein de la Maison Herez, nous possédons une filiale de gestion, Fourpoints IM, ainsi qu’une structure spécialisée dans l’immobilier Herez Real Estate. Le cœur de notre métier reste la gestion privée, la gestion de fortune et le family office. En France, nous sommes présents à Paris, Lyon, et sur la façade ouest comme à Rennes ou encore à La Rochelle, et à l’international à travers Imani & You à Bruxelles et à Tel-Aviv, détaille Patrick Ganansia, président fondateur de Herez. Nous nous développons par le biais de la croissance externe et de la croissance organique. Dans le cadre de la croissance externe, nous proposons aux professionnels qui souhaitent nous rejoindre de valoriser leur cabinet, puis de répartir le prix de cession entre des liquidités et des actions Herez. Sur une centaine de personnes dans le groupe, plus de 60 % sont actionnaires. » Si Crystal et Herez se concentrent sur le haut de gamme, L&A Finance vise la démocratisation de la gestion de patrimoine. « Dès notre lancement en 2004, notre objectif était d’ouvrir la gestion de patrimoine au plus grand nombre et de proposer à une clientèle de particuliers des solutions développées dans le monde institutionnel », rappelle Jérôme Rusak. La structure regroupe maintenant environ 80 personnes, dont 55 gestionnaires de patrimoine, et comprend des indépendants agissant sous une même bannière et bénéficiant des services du groupe, comme la mise à disposition de locaux, de solutions financières, d’une aide en matière d’ingénierie patrimoniale ou encore pour répondre à des appels d’offres. De son côté, Astorias Finance assoit son développement sur un maillage intensif du territoire national. « Nos 26 bureaux répartis sur l’ensemble du territoire français nous permettent d’être au plus proche de nos clients », indique Malcolm Vincent. Cette présence en province lui permet de convaincre de nombreux cabinets de venir rejoindre le groupe. « La plupart de nos deals sont conclus de gré à gré, poursuit le directeur général d’Astorias Finance. Nous entretenons des relations avec de très nombreux cabinets et échangeons avec ceux qui nous intéressent depuis de nombreuses années. Les dirigeants d’entreprise savent, lorsqu’ils veulent passer la main ou s’ils cherchent à s’adosser à une grande structure, qu’ils peuvent nous rejoindre. »
Une architecture majoritairement ouverte
Reste que le métier conserve quelques intangibles : l’entrepreneuriat d’abord, tous les groupes insistent sur la nécessité de laisser des marges de manœuvre importantes aux conseillers, y compris lorsqu’ils deviennent salariés. Par ailleurs, la gestion financière doit s’appuyer sur une offre en architecture ouverte. « L’offre financière d’un conseiller en gestion de patrimoine doit être totalement indépendante d’une structure de gestion et s’appuyer intégralement sur une architecture ouverte », souligne Malcolm Vincent. Chez Astorias Finance, une équipe de cinq spécialistes analyse en permanence les offres, dresse une liste de fonds qui sont suivis dans la durée. De même, pour les groupes qui possèdent en interne une société de gestion, celle-ci est majoritairement utilisée pour réaliser de la sélection externe. « Notre société de gestion intervient dans le cadre de la sélection de gérants et élabore des solutions en interne lorsqu’elle ne trouve pas sur le marché les propositions de valeur nécessaires à nos clients », explique Benoist Lombard. Même approche pour Herez. « La vocation première de notre société de gestion est de proposer de la gestion sous mandat très performante en architecture ouverte et de nous concentrer sur notre rôle de conseil », explique Patrick Ganansia. Des approches qui permettent de se différencier des principaux concurrents des CGP, à savoir les banques.