les 50 sociétés de gestion qui comptent

L’intelligence artificielle, nouveau graal des sociétés de gestion ?

Publié le 26 mai 2025 à 9h00

Sandra Sebag

Parmi les chantiers évoqués par de nombreuses sociétés de gestion figurant dans la sélection 2025, l’intégration de l’intelligence artificielle occupe une place de choix. De nombreux projets ont en effet été initiés ces deux dernières années par les gérants en matière d’intelligence artificielle et en particulier dans l’IA générative (IA Gen). Si la plupart d’entre eux envisagent comme cas d’usage l’analyse des données, la rédaction de rapports ou encore le service aux clients, les gérants quantitatifs se distinguent en considérant que l’IA constitue un vecteur de surperformance.

Depuis l’essor de l’intelligence artificielle générative (IA gen), la majorité des gérants cherchent à exploiter le potentiel de cette nouvelle technologie. Dans le questionnaire rempli par les 50 sociétés de gestion qui comptent, elles sont nombreuses à avoir évoqué les travaux qu’elles ont engagé dans ce domaine.  Le gérant Oddo BHH AM indique ainsi utiliser depuis 2023 de la data et l’IA pour améliorer ses gestions et nourrir ses gérants avec davantage d’information. De son côté, BNP Paribas Asset Management précise qu’elle a structuré un programme AI pour l’entreprise dont l’objectif est de préciser les conditions de validation des cas d’usage et souligne qu’actuellement une dizaine de POC (proove of concept) a été identifiée. AG2R La Mondiale Gestion d’Actifs précise avoir déployé un nouvel outil d’IA générative développé en 2024 par le groupe. Les exemples pourraient encore être multipliés. De nombreuses enquêtes confirment d’ailleurs des avancées significatives en la matière. Le fournisseur mondial de solutions IT, Linedata, a publié à l’été 2024 un sondage réalisé auprès d’une centaine de gestionnaires de fonds et d’actifs. Il en ressort une répartition par tiers entre les sociétés de gestion qui n’ont pas encore commencé leur parcours IA, celles qui sont en phase d’expérimentation et celles qui l’utilisent activement. Et parmi ces dernières,14 % disposent déjà de plusieurs cas d’utilisation en production et prévoient même d’autres implémentations. Parmi les plus fréquents cas d’usage mentionnés par les gérants dans le cadre de cette enquête figurent la synthèse de documents (28 %) et aussi l’extraction de données (28 %).

«Alors qu’il faut 48 heures à un gérant pour analyser en détail les comptes d’une société, l’IA peut venir à bout de cette mission en une heure seulement !»

Franck Sabbah responsable de l’activité Asset Management (AM) ,  Berenberg

L’IA Gen est en effet surtout utilisée par les gérants pour optimiser leur process et renforcer leur capacité d’analyse des sociétés. Des sujets sur lesquels les équipes de Berenberg travaillent depuis 2023. « La banque a lancé un projet en 2023 afin de déterminer les usages possibles de l’IA dans nos métiers, relate Franck Sabbah, responsable de l’activité Asset Management (AM) de Berenberg. Les gérants se sont emparés de ce chantier et ont réfléchi à la façon dont l’IA pourrait améliorer leur capacité d’analyse. » Il paraissait clair dès le départ aux équipes de Berenberg que l’IA ne devait pas remplacer les gérants, ni faire évoluer drastiquement les process de gestion, mais plutôt constituer une aide. « Les gérants ont à leur disposition pléthore d’informations qui ne leur sont pas toutes utiles, ils peuvent grâce à l’IA accroître la pertinence de l’information retenue et augmenter le volume d’informations traitées sur un temps réduit, détaille Franck Sabbah. Alors qu’il faut 48 heures à un gérant pour analyser en détail les comptes d’une société, l’IA peut venir à bout de cette mission en une heure seulement ! »  Pour augmenter sa productivité, Berenberg a conclu un partenariat avec Google Allemagne et a construit un outil dédié. « Les gérants ont défini en amont une cinquantaine de points d’analyse et ont circonscrit le champ des données possibles à utiliser afin que le modèle puisse travailler sur des données de qualité. Ils ont également sélectionné un modèle d’IA parmi ceux proposés par Google Allemagne », poursuit Franck Sabbah. Il a fallu ensuite entraîner le modèle sur des données. Cet outil est pour l’instant utilisé uniquement sur les actions européennes et les petites capitalisations et pourrait l’être à terme sur l’ensemble des stratégies. « Nous prévoyons de continuer à le faire évoluer en fonction des avancées technologiques et des besoins de nos équipes de gestion », souligne Franck Sabbah. Cette vision de l’IA est assez commune aux gérants. « L’IA nous permet de mieux allouer nos moyens, d’augmenter nos capacités d’analyse et de recherche », précise également Thomas Maretti, analyste senior chez Russell Investments. Les exemples donnés par les équipes de Russell Investments sont, dans cette perspective, multiples. « La rédaction de notes d’analyse est plus rapide, le service clients est amélioré et nous pouvons ainsi consacrer plus de temps à la recherche et à la gestion, détaille Thomas Maretti. En revanche, pour l’instant, nous ne pouvons pas considérer que l’IA nous permet de générer de l’alpha ou de la surperformance ».

Les gérants quantitatifs se démarquent

Si l’ensemble du secteur explore les opportunités offertes par l’IA, les gérants quantitatifs et certains hedge funds bénéficient quant à eux d’une longueur d’avance. Leur expertise en matière de technologie et de mathématiques leur a permis d’intégrer cet outil plus rapidement et d’en tirer un avantage compétitif. « Bien avant l’engouement pour l’IA générative, les gérants quantitatifs utilisaient déjà des techniques de traitement automatique du langage dans leur modèle, relate Thomas Maretti. Ils disposent d’une grande familiarité avec la tech et sont ainsi en avance sur ces sujets dans la mesure où l’IA est intégrée dans le processus de sélection de titres et génère donc de l’alpha. » Cela fait d’ailleurs partie de la feuille de route de cette catégorie de gérants. « Les “quant” cherchent à identifier des signaux de marché à partir d’analyses statistiques ou de données et sont évalués sur leur capacité à en discerner de nouveaux, ce qui explique leur avance par rapport aux gérants fondamentaux en matière d’usage de l’IA », poursuit Thomas Maretti. Ces derniers peuvent aussi y recourir dans le cadre de la construction de portefeuille afin de discerner de nouveaux risques et améliorer ainsi le couple rendement/risque de leur stratégie.

«Posséder une expertise en gestion quantitative constitue un avantage car il est important de pouvoir analyser les variables, avoir un avis sur les résultats obtenus ainsi que sur les propositions faites par le modèle.»

Kamal Chancari responsable des stratégies diversifiées et gérant quantitatif ,  Palatine AM

Palatine Asset Management (AM) se situe dans cette dynamique. La société de gestion a récemment remodelé le process de gestion d’un fonds sur les actions américaines. « Nous disposions d’un fonds investi sur les actions américaines de longue date que nous souhaitions relancer, relate Michel Escalera, directeur général de Palatine Asset Management (AM). La gestion d’un fonds de conviction sur cette classe d’actifs constitue un défi pour une société de gestion de notre dimension car il est nécessaire de disposer d’une équipe conséquente de gérants et d’analystes pour suivre un marché de cette taille et de cette profondeur ». Le gérant utilise ainsi l’IA afin d’augmenter ses capacités d’analyse et de sélection de valeurs en s’appuyant sur un très grand nombre de données. Pour l’aider dans cette démarche, il a conclu un partenariat avec une fintech hispano-américaine, Finaipro, qui dispose d’une soixantaine de techniciens qui travaillent sur l’analyse des données et qui viennent compléter l’expertise en gestion quantitative de la société de gestion. « L’IA doit être manipulée par des spécialistes de l’investissement qui connaissent bien les marchés financiers, affirme Kamal Chancari, responsable des stratégies diversifiées et gérant quantitatif chez Palatine AM. Posséder une expertise en gestion quantitative constitue aussi un avantage car il est important de pouvoir analyser les variables, avoir un avis sur les résultats obtenus ainsi que sur les propositions faites par le modèle. »

«L’IA nous permet de mieux allouer nos moyens, d’augmenter nos capacités d’analyse et de recherche.»

Thomas Maretti analyste senior ,  Russell Investments

Concrètement, le process de sélection de valeur s’appuie sur plusieurs dimensions : le choix des variables, l’analyse des données et la sélection d’un ou de plusieurs modèles explicatifs des cours et in fine l’interprétation des résultats. L’une des particularités de cette approche réside dans son caractère évolutif. « Le choix des modèles utilisés dépend d’un régime de marché et/ou d’une configuration donnée et il est possible de faire évoluer les modèles en permanence », poursuit Kamal Chancari. Une cinquantaine de valeurs sont ainsi sélectionnées et des changements peuvent être apportés à cette sélection tous les mois. Une méthode qui a permis de faire remonter le fonds dans les classements. « Grâce au changement de process, le fonds possède maintenant quatre étoiles Quantalys », souligne Michel Escalera. L’équipe compte ainsi développer l’intégration de l’IA dans d’autres process de gestion. « Il nous semble pertinent d’utiliser l’IA pour la gestion ESG car celle-ci s’appuie sur un très grand nombre de données », avance Michel Escalera. La gestion sous mandat semble aussi constituer un cas d’usage intéressant, en particulier en ce qui concerne la gestion des titres vifs. « Les gérants ont parfois tendance lorsqu’ils connaissent bien les titres à les conserver trop longtemps ou hésitent à céder un titre qui corrige, déplore Kamal Chancari. L’IA introduit une plus grande objectivité et permet de faire tourner plus rapidement les portefeuilles en cas de besoin ». Une façon là encore d’optimiser et de dynamiser la sélection de valeurs.

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