Véritable révolution technologique, l’intelligence artificielle suscite beaucoup d’enthousiasme sur les marchés financiers, avec, pour conséquence, des excès de valorisation des acteurs de la filière. Pour Jacques-Aurélien Marcireau, gérant du fonds Edmond de Rothschild Fund Big Data, mieux vaut s’exposer à la thématique à travers les grandes entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, qui disposent d’une importante masse de données propriétaires leur permettant de tirer parti de ces nouveaux outils.
L’intelligence artificielle fait à la fois l’objet d’un engouement très fort et génère d’importantes polémiques. Quel regard portez-vous sur cette ambivalence ?
Jamais, dans l’histoire de l’humanité, une technologie n’a été diffusée aussi rapidement. Les controverses sur l’intelligence artificielle ne sont pas d’ordre technique mais politique et portent sur l’usage qui peut en être fait : permettre d’accélérer la recherche médicale comme favoriser la désinformation. En réalité, on extrapole beaucoup sur ce que l’intelligence artificielle est véritablement capable de faire, car il ne s’agit pas d’une intelligence générale dangereuse pour l’humanité. Tous ces débats sur le sujet créent un climat qui n’est pas sain, mais cela entretient l’euphorie des marchés et fait gonfler les cours de Bourse des acteurs de la filière.
Cela signifie-t-il que l’on se trouve dans une situation de bulle financière ?
De notre point de vue, les marchés sont effectivement déjà dans l’excès.
Un certain nombre de mégacapitalisations de la technologie – Google, Microsoft, Amazon, etc. – sont en surchauffe, car elles ont bénéficié d’un double appel d’air. Tout d’abord, elles ont joué le rôle de valeurs-refuges à la suite de la panique sur le secteur bancaire au mois de mars (elles sont rentables et ont du cash, ce sont des quasi-monopoles de fait, et les titres sont liquides). Ensuite, les investisseurs considèrent qu’elles sont les mieux placées pour capitaliser sur l’intelligence artificielle.
Que se passera-t-il si le déploiement de l’intelligence artificielle ne va pas aussi vite qu’escompté ? Si des limitations à son utilisation sont posées ? Si la demande de processeurs graphiques – qui servent à entraîner les grands modèles de langage – tarde à se matérialiser, aboutissant à un surstockage ? L’engouement actuel retombera-t-il comme un soufflé ou de manière graduelle ?