La période estivale a été troublée par une correction boursière de grande ampleur. Après le feuilleton grec, c’est la Chine qui a provoqué une baisse généralisée des marchés suite à la dévaluation de sa monnaie et à la publication de mauvais indicateurs économiques.La rentrée 2015 est marquée par un regain de volatilité et de nombreuses incertitudes, notamment sur la croissance économique mondiale. Dans ce contexte, Funds s’interroge sur les opportunités d’investissement sur le second semestre.
- Correction des marchés : quel impact à court terme ?
- Quel bilan pour les actions de la FED ?
- Les inquietudes liées au resseremet monétaire
- Doit-on s’attendre à d’autres phases d’ajustement dans les prochaines semaines ?
- Faut-il rester investis dans les actions ?
- Comment se positionnent les actions par rapport aux subordonnées sur les valeurs bancaires ? N’est-on pas en train de tuer le marché des actions bancaires ?
- Quels sont les classes d’actifs, les thèmes ou les secteurs à privilégier pour les prochains mois ?
Correction des marchés : quel impact à court terme ?
Après un début d’année placé sous le signe d’un alignement favorable des planètes, les marchés ont violemment décroché fin août. Comment analysez-vous cette correction ? Quel va être son impact à court terme ?
Gildas Hita de Nercy : Nous avons entamé, cette année, un nouvel acte de la crise qui a commencé aux Etats-Unis en 2007. L’année 2015 est une année charnière avec des points positifs pour la zone euro, qui se sort plutôt bien de la grise grecque. Le contexte a permis de valider que Mario Draghi et la BCE étaient crédibles. In fine, les excès de populisme ont été jugulés, du moins pour un temps. La zone euro n’est plus la principale zone de risques et se trouve dans un environnement plutôt favorable.
Par ailleurs, la politique monétaire va s’inverser, ce qui devrait provoquer de nombreuses réactions. Cette perspective est assez anxiogène, mais c’est une étape importante dans la résolution de la crise. Concernant la Chine, il y a eu une prise de conscience que le ralentissement de son économie était bien réel. La banque centrale chinoise a dû réagir dans la perspective du resserrement monétaire américain en dévaluant sa devise. C’est une décision complexe qui fait entrer la Chine dans le jeu mondial. Enfin, il y a les problématiques des pays émergents, et pas seulement des producteurs de matières premières. La crise a été plutôt bien maîtrisée au mois d’août, mais nous attaquons la fin de l’année avec des problèmes nouveaux qui constituent un vrai virage dans la gestion d’actifs. Les primes de risque reflètent une perception plus élevée du risque.
Alain Pitous : Nous nous habituons progressivement à vivre dans un monde en faible croissance et avec un fort endettement. Pratiquement tout ce qui a été entrepris ces dernières années n’a eu aucun effet sur les niveaux de dettes publiques et de dettes privées qui continuent à croître dans le monde.
Nous avons un socle de croissance – de l’ordre de 3 % au niveau mondial – qui est vécu comme anormal. Cette croissance est, dans beaucoup de pays, en dessous des niveaux habituels. Par ailleurs, nous avons traversé la période 2011-2013 avec des banques centrales agissant de concert, des baisses de taux simultanées et des injections de liquidité pour faciliter notamment l’accès au crédit.
Or, depuis quelques mois, les politiques des banques centrales divergent. Certaines ont accentué les mesures destinées à faire baisser leur devise, car c’est un moyen assez simple de transférer un peu de croissance mondiale vers sa zone. La petite baisse de l’euro a ainsi permis à la zone euro de sortir du marasme. Ce phénomène présente toutefois un danger, car il incite d’autres pays à dévaluer leur devise pour capter de la croissance. C’est sans doute la raison pour laquelle la dévaluation de la monnaie chinoise a été aussi mal perçue : elle a révélé la faiblesse de la croissance chinoise et le manque de réponse des autorités face à ce ralentissement. L’autre danger de la situation actuelle est la résurgence du risque de déflation, qui avait été un peu mis de côté depuis le printemps. Le retour de la déflation va relancer la problématique des niveaux d’endettement élevés des pays. Le cas de la Chine ainsi que celui des Etats-Unis, où la Fed doit prendre une décision qui peut soit affecter la croissance américaine soit envoyer un mauvais signal quant à la solidité de son économie, créent une situation assez explosive.
L’année 2015 s’inscrit dans la continuité des années précédentes, avec un premier semestre durant lequel le risque payait globalement et avec des résultats d’entreprises plutôt bons, mais nous sommes désormais à une période charnière.
David Benamou : Après le 24 août, il est tentant de comparer l’année 2015 à 2014, avec un nouveau faux départ pour l’économie européenne. Cependant, l’épisode estival est surtout la conséquence d’un krach chinois. En Chine, le nombre de comptes-titres ouverts ces six derniers mois s’élève à 50 millions. Les indices chinois ont connu une hausse de plus de 170 % !
En Europe, les anticipations de croissance début 2014 ont été déçues. L’année 2015 s’est ouverte sur la crise grecque et sur les tensions avec la Russie, mais aussi avec des éléments macroéconomiques favorables : la parité euro/dollar et la baisse des prix des matières premières. Pour un pays comme l’Espagne, où la consommation de pétrole représente 4 % du PIB, l’impact est considérable. Autre point important : la reconstruction du système bancaire européen. Notre économie est financée à 80 % par les banques. Quand le système bancaire ne fonctionne pas, il est impossible de faire redémarrer la croissance. Deux problèmes fondamentaux ont été réglés en Europe. Les banques manquaient de capital et ont été fortement contraintes à augmenter leurs fonds propres à partir de 2008. Cette étape de recapitalisation s’est achevée fin août avec les stress tests. Le système bancaire est de nouveau en état de marche.
Par ailleurs, les PME constituent l’essentiel du tissu économique européen. Or, les banques ne leur prêtaient plus à cause de la charge en capital que cela représentait. Une modification insérée dans le règlement européen qui transpose Bâle III (article 501) est entrée en vigueur en janvier 2014 et permet de réduire de 25 % le coût de capital des banques lorsqu’elles prêtent à des PME.
Nous avons donc fondamentalement de bonnes raisons d’être optimistes sur la reprise de l’économique européenne.
Christophe Besson : En début d’année, nous étions dans un régime d’anticipations plutôt favorables, avec une baisse des prix des matières premières et une évolution du dollar qui constituaient de vraies ruptures pour l’économie, la consommation et les résultats des entreprises. Puis il y a eu la crise grecque et quelques surprises au niveau des publications de résultats. Parallèlement, sont apparus des doutes sur l’efficacité des banques centrales et les atermoiements de la Fed. La dernière déclaration de Mario Draghi entérine une situation qui n’est pas flamboyante. Tous ces éléments ont amené les marchés à réagir.
D’autre part, entre le 13 avril et le 7 juillet, les marchés européens ont corrigé de 12 % environ, avec une correspondance sur les taux. Mais, curieusement, durant les dernières séances d’août, la baisse a atteint jusqu’à 16 %, sans que les taux bougent. Il s’agit là d’une rupture. Il est donc quasiment impossible de donner un prix d’équilibre du marché à court terme en fonction des taux. Nous manquons de signaux pour analyser les actions en tendance à court terme, la volatilité forte s’impose à nous.
Antoinette Valraud : La croissance de l’économie mondiale reste fragile, avec l’apparition de plusieurs facteurs de risques. Certains pays de la zone euro n’ont pas encore réalisé les réformes structurelles nécessaires à la relance de leur économie et des risques politiques demeurent. La Chine est actuellement au centre des préoccupations, et des facteurs de risques subsistent dans d’autres pays émergents, avec notamment la baisse des matières premières et des devises. Les mesures non conventionnelles des banques centrales ne peuvent pas à elles seules suffire à relancer la croissance et l’inflation, ni même résoudre les problèmes intrinsèques à chacun des pays.
Les marchés obligataires et actions avaient fortement augmenté depuis le début de l’année, atteignant selon nous des valorisations élevées à la fin du premier semestre. Dans ce contexte, nous avons décidé de prendre nos profits sur les poches obligataires et actions, augmentant ainsi la part en cash dans le fonds.
Aujourd’hui, la hausse de la volatilité et la forte baisse de certains titres représentent des opportunités d’investissement, mais la sélectivité reste clé. Nous pensons néanmoins que la volatilité devrait perdurer d’ici la fin de l’année.
David Benamou : Pour revenir à ce qui a été dit précédemment sur les résultats des entreprises, il faut rappeler que les résultats des banques sont un indicateur important de la reprise économique. Or, ils étaient très bons, voire supérieurs aux attentes pour des raisons très diverses selon les modèles économiques et les pays. En ce qui concerne les taux, nous avons constaté effectivement que les taux n’ont pas bougé, mais que les spread de crédit se sont élargis. Nous voyons clairement une augmentation du risque, qui s’analyse à travers les spreads de crédit des financières.
Gildas Hita de Nercy : Il faut distinguer les bons et les mauvais risques. Un bon risque est celui dont on peut penser qu’il est géré par quelqu’un. Les mauvais risques sont ceux que nous avons beaucoup de mal à analyser. Aujourd’hui, l’incertitude ne porte pas tellement sur l’économie, car il y a beaucoup de consommation, un peu d’investissements, des taux bas et une croissance faible qui devrait durer. L’enjeu est donc de savoir comment gérer cette situation. Les banquiers centraux ont fait tout ce qu’ils pouvaient, et plutôt pas mal. Leur principal problème concerne les interactions car, dès qu’un banquier central prend une décision, elle a un impact sur d’autres zones. C’est sans doute la raison pour laquelle la Fed a tardé deux ans pour mettre en place sa politique de resserrement monétaire, car il est très compliqué d’analyser les conséquences sur la stabilité financière mondiale.
Côté mauvais risque, il y a celui du «shadow banking» qu’on trouve partout, y compris en Europe. Avec l’évolution de la réglementation, de nombreuses activités, auparavant régulées dans le cadre des banques, se retrouvent dans des hedges funds ou autres véhicules d’investissement qui utilisent les bonnes vieilles pratiques de levier ou de «carry trade» (opération visant à profiter du différentiel de taux d’intérêt entre deux devises) dans un cadre moins facile à superviser. C’est la raison pour laquelle, après l’union bancaire, il y a un gros projet de Capital Market Union afin de répliquer le contrôle exercé sur les banques sur les entreprises d’investissements. Selon moi, le débouclage de carry trade constitue un mauvais risque qui peu provoquer, dans le cas d’un resserrement de la politique monétaire européenne, des effets inattendus.
Par ailleurs, comme les problèmes se sont déplacés vers la Chine et les pays émergents, ils sont plus difficiles à analyser pour les gérants. La Banque centrale chinoise ne semble pas partie pour une guerre des changes, mais elle a les moyens d’accompagner une transition longue de son économie.
Dans ce contexte mondial, la zone euro apparaît presque comme un havre de paix. Les facteurs de soutien sont toujours là : la BCE fait son travail, les résultats des entreprises sont satisfaisants et il n’y a pas de réelles tensions sur les valorisations. Pour la zone euro, le risque est désormais ailleurs.
Quel bilan pour les actions de la FED ?
Vous avez tous évoqué le rôle très important des banques centrales et de leurs interventions ces dernières années, particulièrement celles de la Réserve fédérale américaine. Quel bilan faites-vous de leurs actions, de l’effet de ces milliards qui ont été injectés dans le système et de leurs résultats sur la croissance économique ?
Alain Pitous : La principale mission des banques centrales a été d’éviter une catastrophe et de remettre des liquidités dans le système au moment où plus une banque ne prêtait d’argent. De ce point de vue, c’est un succès incontestable. Aucune banque centrale n’a fait d’erreur majeure depuis 2008. La deuxième mission qui leur est assignée est de relancer l’inflation dans le but de diminuer le poids de la dette. De ce point de vue-là, le résultat est plus discutable.
Enfin, les banquiers centraux ont beaucoup justifié leurs actions par les effets qu’elles produiraient sur la croissance. Dans leurs discours, il y avait cette idée que, après les injections de liquidités, si chacun faisait son boulot, la croissance repartirait. Et là, les résultats ne sont pas probants, mais ce serait difficile de les incriminer.
Quant aux bulles qui se seraient formées sur certaines classes d’actifs, les banques centrales n’y peuvent rien : elles ne sont pas responsables de l’utilisation que les agents économiques ont fait des liquidités qui ont été mises à leur disposition.
La Banque centrale japonaise, en allant plus loin que les autres banques centrales, a toutefois déréglé ces actions de concert et cassé la croissance en Asie en faisant baisser le yen de 25 à 30 %. La Chine en a subi les conséquences. Enfin, si on regarde le dernier quantitative easing (QE) de la BCE, on constate que 96 % des actions sont plus basses qu’au moment de son lancement en mars dernier, et les taux ont monté. Un QE ne signifie donc pas forcément une bulle sur les actifs.
Christophe Besson : Les banques centrales ont rempli une mission, celle de garantie en dernier ressort, qui n’était pas tout à fait la leur à l’origine. La plupart des stratégies établies partent du principe que nous sommes dans un régime de taux bas et que les banques centrales sont là pour le garantir. Nous arrivons toutefois un peu au bout de ce qu’elles peuvent faire. Nous le voyons pour la Fed : qu’elle relève ou pas les taux dans les prochaines semaines, cela ne changera rien car on en discute depuis des mois.
Les inquietudes liées au resseremet monétaire
Le resserrement monétaire est attendu, mais pourquoi inquiète-t-il autant ?
Christophe Besson : Sans doute parce qu’il s’agit du dernier recours. La Fed ne peut cependant pas maintenir cette politique indéfiniment. Il est clair que, d’un point de vue industriel, on peut difficilement parler de «haut de cycle» aux Etats-Unis. C’est aujourd’hui une économie pétrolière et de services dont le taux d’utilisation des capacités industrielles n’est que de 78 %.
Antoinette Valraud : L’incertitude autour d’un resserrement de la politique monétaire de la part de la Réserve fédéral américaine pèse à court terme sur les valorisations des actions et des obligations. En effet, plusieurs facteurs de risques sont présents, tels que le ralentissement de la croissance en Chine, la forte baisse des prix du pétrole, les pressions déflationnistes et la correction des devises des pays émergents. Néanmoins, les conditions du marché domestique américain restent favorables à une première hausse des taux, et nous pensons que ce processus devrait être long et progressif. En zone euro, la Banque centrale européenne devrait poursuivre sa politique accommodante l’année prochaine, faisant suite à la révision en baisse des perspectives de croissance et d’inflation.
Alain Pitous : Le problème central reste l’endettement élevé des Etats. On ne peut pas demander aux banques centrales de le réduire. Nous sommes dans une période incertaine. Il n’y a pas de surplus de croissance dans le monde pour résorber l’endettement. Il n’y a pas non plus d’inflation et les anticipations de croissance ont été revues à la baisse un peu partout, y compris dans la zone euro qui était dans une phase lente de reprise. Or, il va bien falloir que la croissance accélère à un moment donné, sous peine de se retrouver à nouveau dans une situation explosive.
Dans ce contexte, il est normal que les marchés financiers doutent. Les signaux techniques envoyés par les actions sont plutôt baissiers à court terme. Il reste un peu de dynamique dans la zone euro mais, aux Etats-Unis, après six mois de congestion, les marchés sont plutôt orientés à la baisse. Quant aux marchés de crédit, ils envoient un mauvais signal, même si on exclut le high yield américain. Il y a une phase d’ajustement qui doit se faire durant laquelle il est préférable d’avoir du cash pour profiter d’éventuelles exagérations sur les marchés européens.
Doit-on s’attendre à d’autres phases d’ajustement dans les prochaines semaines ?
Antoinette Valraud : Nous pensons que la volatilité devrait perdurer d’ici la fin de l’année et nous souhaitons dans ce contexte rester prudents et sélectifs, même si nous pensons qu’une partie importante des ajustements a déjà été réalisée.
L’allocation flexible du fonds Fidélité offre une souplesse de gestion importante qui nous permet d’atténuer les risques liés à des ajustements de marché.
Gildas Hita de Nercy : La réunion de la Fed, mi-septembre, a créé des incertitudes car les avis étaient très partagés sur la décision que prendrait la banque centrale. Or, chaque fois que les banquiers centraux ont annoncé des décisions imprévisibles, les marchés ont été déstabilisés. Les surprises sur le plan monétaire déstabilisent l’investisseur classique, et particulièrement pour les opérations de levier. Les banques centrales doivent donner de la visibilité sur les politiques à venir.
David Benamou : Nous voyons depuis longtemps une hausse potentielle des taux dans l’eurozone. Nous avons vécu toute l’année avec une compression très forte des spreads et des anticipations de QE qui ont précipité le Bund dix ans à 7 points de base en mars 2015. Subitement, les intervenants ont réalisé que nous avions touché le fond et le Bund est revenu à 1 % en avril. Aujourd’hui, il y a une zone de stabilité aux alentours de 0,7 % qui montre encore une fois les incertitudes concernant l’avenir. Les chocs à venir pourraient donc surtout concerner les taux.
Christophe Besson : Nous pouvions, fin 2014, faire des anticipations en raison de la baisse du prix du pétrole et du choc du dollar. Il n’est plus possible aujourd’hui de faire des anticipations aussi puissantes, d’avoir un fil conducteur dans la perspective d’un rendez-vous économique. Ce sont les doutes qui ont pris le dessus. Il pourrait y avoir dans les prochaines semaines des séances comme celles que nous avons connues fin août.
Faut-il rester investis dans les actions ?
Depuis fin 2014, les actions, et particulièrement européennes, ont été considérées comme la classe d’actifs à privilégier au détriment des obligations. Faut-il toujours arbitrer dans ce sens ?
Antoinette Valraud : Cette année, l’une des contributions les plus importantes à la performance de la poche actions a été l’allocation géographique. Notre allocation tactique a privilégié les actions européennes et nous n’étions pas investis dans les pays émergents. Certaines valeurs françaises, d’Europe du Sud ainsi que les actions de petites et moyennes entreprises ont particulièrement bien performé.
La sélection de titres basée sur l’analyse fondamentale est également un moteur de performance essentiel.En ce qui concerne l’allocation tactique de la poche obligataire, nous avons bénéficié du resserrement des primes de risque des pays souverains périphériques par rapport aux pays cœurs de la zone euro. Nous avons également investi de façon opportuniste dans le marché primaire en étant très sélectifs, dans des obligations d’entreprises bien notées et offrant une prime de risque attractive telles que celles des Banques Cantonales Suisses, Deutsche Börse, ou Scor SE. Ces titres ayant surperformé dans un marché baissier.
L’allocation flexible est un atout considérable dans l’environnement de marché actuel, puisqu’elle permet de moduler le poids relatif des actions et des obligations en fonction de nos perspectives et de nos vues sur les marchés.
Alain Pitous : Contrairement à ce que l’on peut entendre, il n’y a pas de bulle généralisée sur les actifs. Depuis un an, les actions émergentes ne trouvent pas preneurs et, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, il y a de grandes différences de valorisation entre les secteurs et les valeurs. Durant la crise grecque, les mid & small ont plutôt bien résisté. Les marchés actions seront peut-être orientés à la hausse dans les prochains mois, mais sans doute avec des écarts de performance importants entre les valeurs. Les sociétés très exposées à la croissance des pays émergents risquent par exemple de souffrir.
Christophe Besson : Avec les Etats-Unis et la Chine en mutation et les pays émergents sous pression, les actions européennes se portent plutôt bien. La croissance de la zone euro est lente, mais il n’y a pas de phase de rupture alors que les Etats-Unis et la Chine sont toujours appréhendés comme il y a cinq ans. Ces pays ne sont pourtant plus sur les mêmes modèles de croissance.En ce qui concerne l’arbitrage actions/taux, dans l’absolu, il faudrait tout investir en actions.
D’un point de vue d’allocataire, la question est de savoir comment compenser le degré de risque par du taux. Le portage est très faible, surtout lorsque l’actif est très liquide. L’allocation ne peut donc être envisagée qu’en fonction de l’objectif du client et de l’exigence de son passif. Qu’est-il prêt à perdre sans céder à la panique ? On en déduit ainsi le pourcentage d’actions à mettre dans son allocation en ayant un prisme plutôt européen.
Rester en portage sur une proportion significative d’obligations ne fait pas rêver, mais ça ne fait pas peur. Or, rien n’est pire que de prendre des décisions contraintes par la peur.
Gildas Hita de Nercy : Entre actions et obligations, il y a les obligations convertibles qui sont une des expertises phares d’Ellipsis AM. Une convertible est une obligation avec un rating moyen BB et une duration courte, émise plutôt par des midcaps, surtout françaises. Les convertibles ont la capacité de battre les actions avec trois fois moins de volatilité et réalisent une bonne année. Les risques de valorisation sont assez faibles, alors qu’acheter de la couverture coûte cher, actuellement. Prendre position sur une classe d’actifs asymétrique a donc du sens dans le contexte actuel. Les investisseurs institutionnels s’intéressent beaucoup à cette classe d’actifs, sur laquelle nous avons réalisé une bonne année en termes de collecte.
David Benamou : Chez Axiom, nous sommes à la fois bond-pickers et stock-pickers, mais dans l’univers des financières. Du côté des obligations, il y a beaucoup de valeur dans la partie subordonnée. Une asymétrie d’origine réglementaire va se produire entre le différentiel de valeur senior/subordonnée. Par ailleurs, nous attendons un volant d’émissions important, de l’ordre de 400 milliards d’euros dans les prochaines années. Les spreads restent relativement élevés : le rendement de la dette subordonnée peut osciller entre 3 et 8 %. Dans la perspective d’un risque de taux, nous avons décidé de conserver une sensibilité basse dans nos portefeuilles.
Comment se positionnent les actions par rapport aux subordonnées sur les valeurs bancaires ? N’est-on pas en train de tuer le marché des actions bancaires ?
David Benamou : L’univers des dettes subordonnées est très large et hétérogène : les anciennes dettes, pour lesquelles il y a encore un put réglementaire fort, qui peuvent délivrer 5 % avec un risque raisonnable ; sur les nouvelles subordonnées, il y a clairement un alignement avec les actions bancaires puisque s’appliquent les MDA (maximum distributable amount), qui limitent l’enveloppe de distribution d’une banque (dividendes, coupons ou bonus).
Si la banque est en perte sur une année, elle doit faire des choix sur ce qu’elle va pouvoir distribuer. Mais les banques ont constitué d’importants coussins pour protéger les suspensions de paiement de coupons. Enfin, certains établissements bancaires comme Barclays ont fixé des priorités : en cas de limitation de sa capacité de distribution, la banque suspendrait les dividendes, les bonus et, en dernier lieu, les coupons.
Gildas Hita de Nercy : Dans ce cas-là, l’intérêt des actions paraît limité… Les actions apparaissent comme un levier sur les subordonnéesDavid BenamouOn peut l’envisager ainsi, mais les valeurs financières sont à des niveaux de prix historiquement bas. Le price-to-book se situe autour de 0,9, contre 1,6 à 3 fois les fonds propres dans le passé. Certes, le business a changé, mais les banques aussi ont évolué. Elles sont passées d’un quasi-statut de hedges funds à des utilities. Une valeur comme UBS offre un rendement de 7 %. Nous anticipons une revalorisation des banques européennes de 50 % a minima au cours des trois prochaines années.
Christophe Besson : Les banques ont le poids le plus important dans la croissance des bénéfices à venir.
David Benamou : Les banques sont un call sur l’économie européenne. Le retail permet aujourd’hui de profiter de la reprise de l’économie. Cette thématique peut être jouée à travers des titres comme KBC, ING, Intesa ou les banques populaires en Italie. L’Espagne et l’Allemagne étaient deux pays surbancarisés. La crise a rationalisé le secteur : il y a moins de banques pour un marché équivalent, ce qui accroît la profitabilité de ces acteurs. En revanche, il faut être prudent vis-à-vis des banques d’investissement ou des banques très impliquées dans les commodities.
Quels sont les classes d’actifs, les thèmes ou les secteurs à privilégier pour les prochains mois ?
Christophe Besson : Certains secteurs comme la construction ou la santé affichent une belle performance depuis le début de l’année. Depuis la baisse des marchés entamée le 10 août, il y a eu pas mal de différenciation entre les valeurs. Nous gardons une préférence pour les actions européennes. La volatilité nous offre le temps de la réflexion et de la sélection. Il devrait y avoir des opportunités dans tous les secteurs en maintenant le cap du fondamental par valeur dans les décisions.
Antoinette Valraud : Dans l’environnement actuel, notre allocation flexible surpondère légèrement le poids des actions dans le portefeuille, tout en privilégiant les sociétés européennes à fort potentiel de croissance. La poche taux, quant à elle, est surpondérée en obligations d’entreprises et la sélection rigoureuse des titres via notre accès au marché primaire est essentielle. Les primes de risque des obligations souveraines des pays périphériques devraient poursuivre leur convergence par rapport aux pays cœurs de la zone euro et nous devrions bénéficier, à terme, du resserrement de l’Espagne une fois que les incertitudes politiques seront levées.
Gildas Hita de Nercy : Il me semble important de regarder la soutenabilité des modèles économiques des entreprises pour s’assurer qu’elles seront capables de supporter plusieurs années de croissance faible ainsi que la solidité des cash-flows. Dans une situation inédite, il est important d’être prospectif. Plus que jamais, nous avons besoin de ressources en recherche et en analyses.
David Benamou : Nous sommes très positifs sur le secteur bancaire européen et en particulier sur les actions.
Alain Pitous : Nous privilégions les actions européennes, ce qui ne nous empêche pas de regarder ponctuellement d’autres zones. Sur la partie taux, nous sommes plutôt prudents car il n’y a pas assez de rendement et, là où il y en a, le risque nous semble trop élevé. D’autant qu’il y a un risque de liquidité. Tactiquement, nous conservons du cash pour saisir des opportunités dans les phases de correction, notamment sur les mid & small caps.