Table ronde

Comment concilier performance et faible niveau de risque ?

Publié le 24 novembre 2020 à 16h09    Mis à jour le 10 décembre 2020 à 10h44

Propos recueillis par Catherine Rekik

Si les clients privés, plutôt averses au risque, n’ont pas hésité à se positionner sur certains fonds actions investis dans des thématiques porteuses après la chute des marchés en mars, ils sont surtout enclins à privilégier les placements peu risqués. L’érosion des rendements des fonds en euros et leur limitation dans les contrats d’assurance les amènent à s’intéresser à des unités de compte ayant des niveaux de risque assez faibles. Comment les sociétés de gestion répondent-elles à ces attentes ?

A quoi correspond l’indicateur de risque qui est aujourd’hui associé à chaque fonds proposé aux investisseurs ? Cet indicateur est-il le plus pertinent pour apprécier réellement le risque auquel on s’expose ?

Michel Menigoz

L’indicateur SRRI est un indicateur de risque a priori. Il repose sur une estimation de la volatilité : une formule permet de calculer la volatilité d’un produit sur les cinq dernières années en données hebdomadaires. Cet indicateur n’est pas toujours pertinent lorsqu’il s’agit de nouveaux fonds. Si un fonds n’a pas d’historique, le calcul de la volatilité se fait sur l’indice de référence. Par ailleurs, en phase de stress, la volatilité augmente, et l’indicateur associé à un produit peut ainsi se trouver sous-estimé.

Louis Jambut

Si l’on exclut l’année 2020, nous sortons d’une longue période durant laquelle la volatilité n’a cessé de baisser sur l’ensemble des classes d’actifs. La pertinence du SRRI s’est affaiblie en parallèle : certains fonds profilés, agressifs, avaient, par exemple, des SRRI très bas, presque comme les fonds prudents, en raison de la disparition de la volatilité. Cela donnait l’illusion que le risque avait disparu, alors que le risque intrinsèque des classes d’actifs était toujours présent, mais masqué par l’action des banques centrales. Fin 2020, les classements SRRI vont évoluer, puisque cet indicateur va prendre en compte la volatilité très élevée de cette année. Nous allons avoir des échelles de risque plus pertinentes. Ce qui pose problème, c’est que la volatilité est un indicateur de risque au comportement irrégulier, avec de longues périodes durant lesquelles elle est à des niveaux très bas, suivies de pics soudains. L’indicateur est ainsi peu fiable et donne à court terme une illusion de sécurité.

Anne-Laure Frischlander

Le SRRI est un assez bon indicateur, même s’il n’est basé que sur la volatilité. Il est facilement calculable sur toutes les classes d’actifs, peut être analysé sur différents horizons de temps et permettre ainsi des comparaisons intéressantes. Mais il est vrai qu’il repose sur des données passées et, s’il y a une hausse de la volatilité, il ne permet pas d’appréhender le risque de perte sèche. La volatilité n’est qu’un élément du risque qu’il faudrait considérer avec d’autres éléments comme le maximum drawdown. Les classes d’actifs peuvent être peu volatiles pendant un temps, puis connaître des pics dont cet indicateur ne peut rendre compte en temps réel, puisqu’il repose sur des données passées. Le SRRI est un indicateur intéressant, mais il ne peut pas être un gage de sûreté. Nous l’avons constaté en mars quand toutes les classes d’actifs ont dévissé, y compris les actifs réputés les plus sûrs.

Luca Sibani

Il s’agit d’un indicateur de risque qui repose sur la volatilité. Il répond à des critères spécifiques tels que la facilité de calcul, de compréhension, et la difficulté de manipulation, facilitant et renforçant l’activité de contrôle des autorités de marché. C’est une bonne synthèse avec ses défauts. Le plus évident concerne les OPCVM dont l’indice de référence est associé à la volatilité de l’actif sous-jacent qu’il reproduit, avec une migration du régime de volatilité. Par exemple, sur le high yield, nous passons aisément de la catégorie 5 il y a dix ans à 3 avant le coronavirus, pour se retrouver à 4 aujourd’hui. A contrario, il est stable pour les fonds à rendement absolu et total return, à moins d’un mauvais calibrage dès l’origine ou que la société de gestion ne change le prospectus. Il ne dispense en rien la société de mettre en place un certain nombre de mesures, d’analyses et d’évaluations pour rendre l’objectif crédible et durable dans le temps, en particulier pour les nouveaux fonds.

Cet indicateur n’est pas complètement pertinent, mais c’est quand même celui qui est communiqué aux investisseurs pour appréhender le risque des produits dans lesquels ils investissent. Est-ce qu’il ne faudrait pas repenser cette échelle de risque ?

Michel Menigoz

Dans la mesure où cette échelle de risque bouge dans le temps, il est difficile pour un investisseur privé d’avoir conscience que le niveau de risque à un instant T peut devenir plus important quelques mois plus tard, parce que les marchés ont dévissé, alors que c’est le même produit. Cependant, dans tous les produits, il y a une notion d’incertitude impossible à résumer sur un indicateur de risque unique.

Luca Sibani

Cet indicateur trouve toute sa valeur lorsqu’il est utilisé en comparaison avec d’autres classes d’actifs ou instruments. L’échelle de classement est très bien expliquée dans le prospectus, et il n’y a pas lieu d’y apporter des nuances ou de nouveaux indicateurs. Cela ne ferait que complexifier la lecture et laisserait les investisseurs perplexes.

Anne-Laure Frischlander

Je pense qu’il reste un bon indicateur, mais il ne faut pas le prendre comme un gage absolu d’un simple niveau de risque. Il est toutefois revu régulièrement : on peut voir les produits évoluer. Il est donc important d’avoir accès à ces mises à jour. Nous savons que le risque peut évoluer, il est ainsi important de bien l’expliquer et d’être transparent sur le sujet. Cela dépend aussi de la nature et de la complexité d’un produit, certains fonds absolute return peuvent avoir une décorrélation mécanique par rapport au risque de marché, même si on se rend compte que l’exercice est compliqué.

Le travail du sélectionneur de fonds est de considérer cet indicateur avec d’autres indicateurs de risque, y compris ceux qui ne sont pas forcément calculables comme le risque de contrepartie, de liquidité d’un marché, le risque de fraude, etc. Dans une due diligence, il faut évaluer l’ensemble de ces risques, sachant quand même que le SRRI est un bon indicateur : un fonds noté 2 ne devrait pas basculer sur un niveau de 7.

Louis Jambut

Le SRRI est facile à utiliser. Il faut, en effet, le considérer avec les autres indicateurs de risque car, lorsqu’un investisseur privé ou un CGP regarde le DICI, il n’a que la photo à un instant T d’un fonds, pas l’évolution du SRRI. Mais il présente l’avantage d’être simple et compréhensible pour tous, et d’être quand même assez représentatif. C’est tout de même rare de voir le SRRI d’un fonds passer de 2 à 7, sauf en cas de fraude avérée. L’indicateur est donc intéressant, mais il faut bien en comprendre le fonctionnement.

Michel Menigoz

L’indicateur SRRI est nécessaire et compréhensible pour la plupart des investisseurs. En revanche, un professionnel doit aller plus loin dans l’analyse du fonds pour apprécier tous les risques.

Il y a eu plusieurs épisodes de crise ces dernières années. Pourquoi la crise récente a-t-elle fait davantage évoluer cet indicateur pour de nombreux fonds ?

Michel Menigoz

Dans toutes les phases de stress des marchés, nous assistons au même phénomène : la recorrélation des classes d’actifs. On dit souvent que, dans les phases traditionnelles de marché, il faut être diversifié pour réduire le risque, mais cela s’entend quand les classes d’actifs sont peu corrélées les unes aux autres. Or, en phase de stress, toutes les classes d’actifs évoluent dans le même sens, mais pas forcément dans les mêmes proportions. Le phénomène de diversification disparaît, et donc le risque du produit augmente. La recorrélation explique la hausse de la volatilité des marchés actions et de tous les produits diversifiés. Nous avons connu ce phénomène en mars, mais aussi fin 2018 et, bien avant, en 2008.

Louis Jambut

Il faut également noter qu’il s’agit d’une des crises les plus violentes de l’histoire. Sur un mois, nous avons connu la baisse des marchés la plus importante depuis la Grande Dépression, en 1929. Etant donné la méthodologie de calcul de la volatilité, assez sensible aux valeurs extrêmes, l’ampleur de la crise – 40 % de baisse sur un mois – a fait exploser les chiffres de volatilité de l’ensemble des fonds. Or, la formule d’estimation de la volatilité est symétrique : que l’on ait de la volatilité à la baisse comme à la hausse, cela se traduit de la même manière. La phase de hausse qui a suivi la phase de baisse a également fait monter la volatilité des fonds, puisque nous avons eu une reprise rapide avec les interventions massives des Etats et des banques centrales.

C’est l’ampleur de cette crise, assez inédite, qui a fait exploser le risque dans la plupart des fonds, car l’effet «décorrélation» a disparu et la volatilité a très fortement augmenté, atteignant des niveaux supérieurs à ceux de 2008. La soudaineté et la rapidité de cette crise expliquent la réaction de cet indicateur de risque.

Anne-Laure Frischlander

En effet, toutes les classes d’actifs ont été corrélées à la baisse, y compris celles qui jouent le rôle de valeur refuge, avec le «sell-off» très fort même sur l’or et les emprunts d’Etat. Le rebond a été également très fort avant de se normaliser. En annualisé sur un an, on arrive donc à lisser ces effets, mais le calcul de la «standard deviation» du fonds reste à court terme néanmoins élevé. Durant cette période, peu de fonds ont toutefois réussi à conserver leur SRRI, dès lors qu’ils avaient une directionnalité positive avec les marchés.

Luca Sibani

L’extrême volatilité que les marchés financiers ont connue cette année a engendré des drawdowns inattendus que l’indicateur n’était pas en mesure de saisir à l’avance. L’incertitude et les événements imprévisibles entraînent des comportements grégaires qui provoquent souvent une plus grande volatilité, des corrélations plus élevées entre les classes d’actifs et une liquidité dégradée. Cela ne fait que renforcer l’importance de classer ou d’insérer les produits financiers dans des groupes qui sont similaires en matière de sensibilité/réaction aux événements.

Michel Menigoz

Cette période est tout à fait intéressante pour évaluer la pertinence du SRRI, dans la mesure où toutes les classes d’actifs se recorrèlent. Pour certaines, le SRRI est relativement faible, mais elles se sont quand même inscrites en baisse. Il faut donc analyser, dans les fonds proposés, non pas le niveau de risque intrinsèque à un produit, mais plutôt leur directionnalité au marché. Dans quelle mesure ces produits sont-ils corrélés au marché ? Si un produit est peu risqué mais très corrélé au marché, il sera en perte quand les classes d’actifs se recorrèlent. Un produit alternatif, sans directionnalité au marché, a plus de chance de bien se comporter dans les périodes de stress et les phases de correction.

Comment qualifiez-vous, pour votre part, des fonds ayant un faible niveau de risque ?

Michel Menigoz

Tout dépend encore de ce que l’on qualifie comme risque, même si la plupart du temps on retient le risque action. Au-delà de la volatilité, le risque d’un produit par rapport au marché actions est justement sa sensibilité à ce marché. Un fonds investi dans les actions européennes aura une sensibilité proche de 100, alors qu’un fonds long/short market neutral devrait avoir une sensibilité proche de 0. Or, beaucoup de produits alternatifs ont conservé une sensibilité au marché actions de l’ordre de 20 ou 30 %, car les gérants estiment que, sur le long terme, les marchés actions sont en hausse. C’est vrai, mais cela les expose à des phases de correction sur des périodes courtes. A mon sens, c’est là que se trouve l’appréciation du risque. Si on veut réduire le risque d’un produit, il faut aller au-delà de la volatilité et recourir à différentes techniques de gestion pour suivre la directionnalité au marché actions.

Anne-Laure Frischlander

Il faut distinguer la gestion alternative – comme la gestion long/short dont l’objectif est de réduire la sensibilité aux marchés et dont les sources de performance seront liées à d’autres positionnements – d’autres produits qui cherchent, eux, à profiter du marché. Il faut donc raisonner par typologie de produits.

Notre vision de l’investissement repose avant tout sur l’horizon d’investissement. Nous appréhendons le risque sur une durée de placement minimum de trois ans, avec un objectif de rendement minimum et celui de de rechercher une préservation du capital.

La question est de savoir comment construire aujourd’hui un portefeuille qui va pouvoir remplacer en matière de risque/rendement le rôle joué par les obligations ces vingt dernières années. C’est ce que nous essayons de mettre en place en tant que gérants d’actifs : optimiser le risque/rendement et rester sur un niveau de risque proche de celui observé par l’obligataire sur le long terme.

Louis Jambut

La vision liée à l’horizon de placement est difficilement séparable du niveau de risque. Le temps qui passe a tendance à tasser le risque. Un produit ayant un risque de perte élevé à court terme peut avoir un niveau de risque de perte moins élevé sur le long terme si on tient compte de la prime de risque associée à ce risque à court terme supérieur. Lier les deux est donc pertinent dans l’analyse et la sélection d’un fonds. Finalement, l’important pour un investisseur, c’est la préservation du capital, et ce qu’il va avoir quand il aura besoin de son capital pour financer un projet ou partir à la retraite. Aujourd’hui, l’investisseur a accès presque en temps réel aux performances de ses fonds. Est-ce une bonne chose pour lui ? Je n’en suis pas sûr, car cela peut entraîner des réactions disproportionnées selon le contexte et faire oublier l’horizon de placement. Il est donc important de caler une allocation en fonction du niveau de risque acceptable pour l’investisseur en fonction d’un horizon de temps, et de bouger cette allocation le moins possible pour éviter les frais de transactions et les mauvais timings d’investissement. Entre 30 et 40 ans, ça n’a pas de sens d’investir dans des fonds monétaires, tout comme une personne proche de l’âge de la retraite n’a pas intérêt à investir toute son épargne dans des fonds actions.

Par ailleurs, il existe des techniques qui permettent de réduire le niveau d’exposition à une classe d’actifs sans parler de stratégies long/short. On peut sélectionner des valeurs défensives dans un fonds long only ou recourir à des stratégies optionnelles. Dans la classe obligataire, on peut sélectionner des obligations avec une maturité plus courte pour réduire la sensibilité par rapport à la courbe des taux.

Luca Sibani

Dans ce contexte de taux d’intérêt négatifs dans la zone euro, il existe un besoin énorme de substituts aux obligations et aux liquidités. Au sein de notre groupe, nous proposons des produits multi-actifs ou multi-stratégies gérés selon une approche conservatrice, c’est-à-dire bien diversifiés en matière de classes d’actifs utilisées, mais aussi de profils de risque au fil du temps. Pour ce type de produits, des plafonds spécifiques s’appliquent à l’exposition aux actions, aux taux d’intérêt et à la sensibilité au crédit, ainsi qu’à l’exposition aux devises.

Est-ce parce que l’horizon de placement n’est pas assez respecté que certaines unités de compte ont déçu ? Ces dernières années, on a beaucoup reproché aux fonds flexibles et aux fonds patrimoniaux de ne pas tenir leurs promesses.

Michel Menigoz

La déception sur les produits diversifiés et patrimoniaux vient en grande partie de leur sensibilité au marché actions. Cette exposition est nécessaire si on veut du rendement sur une période donnée, mais il faut aussi pouvoir gérer les phases de correction. C’est la méconnaissance des niveaux de sensibilité au marché actions de ces produits qui engendre la déception. Certes, un fonds patrimonial affiche en général un SRRI inférieur à celui d’un fonds actions, car il investit dans des classes d’actifs moins volatiles. Mais, en phase de stress, c’est un niveau de corrélation trop élevé entre ces classes d’actifs qui pénalise la performance. La véritable diversification s’obtient en combinant des classes d’actifs décorrélées les unes des autres.

Luca Sibani

Il existe un décalage entre l’horizon d’investissement tel que l’envisage le gérant et l’anxiété d’un investisseur particulier souvent effrayé par des aléas momentanés, qui réduisent sa tolérance au risque et aux pertes. Si le produit financier est bien construit et expliqué aux investisseurs, l’objectif est atteint en temps voulu. Lorsque le processus d’investissement et la construction du portefeuille ne reposent pas sur des bases solides, de nombreuses interventions discrétionnaires compromettent les résultats finaux.

Anne-Laure Frischlander

Le désamour des investisseurs pour les fonds flexibles et diversifiés ne date pas de cette année. Il n’est pas lié au retour de la volatilité. On a beaucoup reproché à ces fonds de ne pas avoir bien profité de la hausse des marchés. Les investisseurs cherchaient peut-être à profiter davantage des performances des marchés qu’à se protéger contre la volatilité.

L’épisode de 2018 a également entraîné des déceptions, un grand nombre de fonds n’ayant alors pas su se protéger face à une remontée des taux surprise. Néanmoins, cela ne dénature pas les bénéfices d’une telle gestion, qui doit se juger sur une durée plus longue que sur les épisodes de court terme. Je ne serais pas surprise qu’il y ait un regain d’intérêt pour cette classe d’actifs car, dans le contexte actuel, avoir une allocation optimale et obtenir du rendement est un exercice compliqué. Il faut, plus que jamais, être très diversifié, ne pas être cantonné aux seules classes d’actifs traditionnelles et pouvoir associer d’autres actifs tels que les real assets, les métaux précieux et certains outils de gestion comme les couvertures dans un portefeuille. Cet ensemble d’outils de gestion est aujourd’hui accessible dans certains fonds flexibles, on aurait tort de s’en priver.

La déception a surtout été grande fin 2018 quand nombre de ces produits n’ont pas réussi à limiter la baisse des marchés, voire l’ont amplifiée…

Michel Menigoz

En effet, durant cette période, les fonds patrimoniaux censés protéger contre la baisse n’ont pas joué leur rôle. Certains ont baissé autant que les marchés. Or, je suis convaincu que les clients investis dans ces fonds acceptent plus facilement de ne pas participer complètement aux phases haussières, à condition de ne pas subir l’intégralité de la baisse. La plupart des fonds patrimoniaux ont failli, sur ce point-là.

Anne-Laure Frischlander

Il y a une volonté d’avoir plus de transparence et de compréhension des comportements des fonds dans les différentes phases de marché. Certains fonds flexibles ou à performance absolue n’ont pas tenu leurs promesses mais, pour autant, ces classes d’actifs conservent leur intérêt. Certains aspects techniques des marchés ont pris le pas sur l’approche fondamentale, rendant compliquée la création d’alpha pour certaines gestions. C’est pourquoi il convient de repenser l’analyse du comportement des marchés et de repositionner des couvertures face à des corrélations mécaniques. Encore une fois, il faut regarder le comportement d’un fonds sur trois ans et non sur trois mois et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Louis Jambut

Une partie de la déception vient également des anticipations de rendement des investisseurs eux-mêmes. Les investisseurs particuliers ont été poussés par leurs conseillers à basculer du fonds en euros vers les unités de compte, à la demande des assureurs. On leur a expliqué que les perspectives de rendement étaient plus élevées, ce qui est vrai dans les phases haussières mais, quand les marchés baissent, le risque n’est pas le même. Dans le cas des fonds en euros, les assureurs ont mobilisé leurs réserves pour maintenir des taux de rendement élevés pendant des années, ce qui a créé une concurrence déloyale par rapport aux fonds en «mark-to-market», pour lesquels tous les actifs sont valorisés à leur valeur de marché. Ces derniers ne peuvent pas accumuler les performances des bonnes années pour les redistribuer lors des mauvaises. Donc, dans les phases de baisse des marchés, la vision qu’offrent ces fonds est défavorable par rapport aux fonds en euros.

Que peut-on proposer aujourd’hui à des clients ayant un profil prudent ? Comment sont gérés ces produits ?

Anne-Laure Frischlander

Chez BNY Mellon, nous avons depuis 2004 une stratégie multi-assets dont l’objectif de performance annualisée sur trois ans est Euribor 1 mois + 4 %. Un objectif que la stratégie BNY Mellon Global Real Return parvient à remplir, y compris sur une année comme celle que nous connaissons. La performance n’a jamais été négative, ni en 2008 ni en 2018, donc l’objectif de préservation du capital a été rempli également. Le niveau de risque de ce fonds est plus élevé qu’un fonds en euros, avec un SRRI de 4 et un niveau de volatilité annualisé sur trois ans actuellement proche de 7 %. L’idée est d’avoir un portefeuille cœur qui va investir dans l’ensemble des actifs de rendements (actions, obligations corporate, actifs émergents…), mais également des actifs alternatifs (énergie renouvelable, infrastructures) et d’associer à cela une poche d’actifs de stabilisation avec des valeurs refuges telles que l’or, les emprunts d’Etat, des stratégies de couverture. C’est un fonds très diversifié avec un long track record. Nous avons récemment lancé la version «sustainable», et il a été intéressant de constater cette année la résilience de certains titres ESG face à la crise. Cette tendance pourrait perdurer. Dans notre gamme, nous avons également une stratégie «durable», dont le profil risque/rendement est plus conservateur, avec un objectif sur trois ans d’Euribor + 2 %. Il s’agit d’une gestion obligataire flexible et très diversifiée, avec une gestion active de la duration. Cette stratégie, dont le SRRI est de 3, se rapproche plus du rendement recherché en investissant dans des fonds en euros, mais il faut avoir conscience que, contrairement à un actif amorti sur un bilan de l’assureur, il est soumis à des valorisations de marché.

Louis Jambut

Chez Swiss Life AM, nous avons une gamme de fonds profilés dont un fonds modéré qui est notre plus gros succès commercial. Il répond aux attentes de notre clientèle patrimoniale qui ne souhaite pas trop s’exposer au risque. Nous utilisons des modèles pour prévoir les comportements des principales classes d’actifs à moyen terme et en déduire une allocation optimale, c’est-à-dire une allocation dont l’espérance de gain est la plus élevée possible compte tenu du profil de risque visé, variable selon le fonds. Nous avons quelques contraintes qui ne nous permettent pas d’être complètement flexibles sur notre allocation. Par construction de nos modèles et par sélection de nos véhicules d’investissement, nous avons un biais assez prudent sur l’ensemble de la gamme. Nous sélectionnons beaucoup de stratégies défensives : des fonds actions qui utilisent des options pour limiter les risques de baisse ou des stratégies de type minimum variance. Sur la poche obligataire, nous allons investir dans les emprunts d’Etat les plus sûrs. Sur la poche à haut rendement, la sélection de titres est assez prudente également. Nous essayons de contrôler les risques pris en sélectionnant des stratégies dont les objectifs de gestion sont en ligne avec notre objectif d’offrir à nos investisseurs du rendement avec un risque maîtrisé et, dans les phases de baisse, des mauvaises surprises contrôlées.

Michel Menigoz

Sanso IS a lancé récemment un nouveau fonds, Sanso ESG Market Neutral, avec un double objectif : d’une part, délivrer une performance positive régulière indépendamment de l’évolution des marchés actions pour bien résister dans les phases de baisse des marchés et, d’autre part, investir dans les actions européennes uniquement sur des considérations extra-financières. Le débat concernant la création de valeur apportée par les critères ESG est aujourd’hui dépassé. La performance des indices ISR comparée à celle des indices standards le prouve. C’est le premier fonds market neutral labellisé ISR, éligible au PEA. Il connaît un bon démarrage depuis son lancement.

Luca Sibani

Nos fonds Absolute Prudent et Absolute Active, comme leurs noms l’indiquent, ont un objectif de rendement absolu. Ils sont censés être performants dans n’importe quelles conditions de marché. L’évolution des conditions financières et l’expérience nous ont amenés à nous concentrer sur la construction de portefeuilles capables de minimiser leur dépendance vis-à-vis des marchés actions et, au contraire, de protéger les investisseurs contre les baisses des cours des actions. Les deux produits sont assez similaires en matière de construction de portefeuille et de mise en œuvre de la stratégie. La principale différence réside dans la volatilité maximale des deux fonds : 4 % pour Absolute Prudent et 7,5 % pour Absolute Active.

La stratégie implique deux portefeuilles distincts : le portefeuille stratégique et le portefeuille tactique. Le portefeuille stratégique est constitué d’obligations d’Etat et d’entreprises à court terme, d’une durée maximale de trois ans, avec une approche buy and hold. Le portefeuille tactique, à l’inverse, reflète les vues du comité d’investissement en mettant l’accent sur la diversification du portefeuille.

Quelle place faut-il accorder à ces fonds dans un portefeuille ?

Luca Sibani

Si nous supposons que l’environnement des taux d’intérêt négatifs persistera sur une longue période, les fonds Eurizon Absolute peuvent devenir un substitut permanent pour le cash ainsi que pour la composante obligataire. Ils ne nuisent pas à la performance d’un portefeuille multi-actifs dans les bonnes années, mais amènent une véritable diversification lorsque les marchés sont instables, comme le faisaient auparavant les obligations.

Michel Menigoz

Tout dépend de l’horizon de placement du client. Si l’horizon est inférieur à un an, il est possible d’accorder une place importante au fonds que nous lançons dans un portefeuille, voire à sa totalité. Sur un horizon plus lointain, un investisseur va aussi chercher à profiter de la dynamique des marchés et donc intégrer ce produit market neutral dans une moindre proportion. Mais quel que soit l’horizon défini, ce produit a sa place dans un portefeuille diversifié.

Anne-Laure Frischlander

Beaucoup d’investisseurs ont adopté des positionnements de type «barbell» avec, d’un côté, une approche sécuritaire, quitte à sacrifier le rendement et, d’un autre côté, des investissements plus risqués dans les actions ou des stratégies illiquides comme le private equity. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles les investisseurs ne remettaient plus au cœur du portefeuille des produits diversifiés avec un objectif de performance. Or, un fonds core flexible pourrait constituer l’ensemble du portefeuille ou être utilisé comme benchmark de l’ensemble du portefeuille.

Louis Jambut

Un portefeuille diversifié comprend la plupart des classes d’actifs à l’exception de l’immobilier. Si on le mixe avec des expositions en direct à certaines classes d’actifs, le niveau de risque devient difficilement appréciable. Je suis donc d’accord avec l’idée qu’un fonds diversifié doit être la base du portefeuille de l’investisseur. Ce dernier peut compléter avec des stratégies absentes du produit diversifié dans lequel il est investi.

Propos recueillis par Catherine Rekik

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