Depuis quelques mois, les actions européennes sont mal aimées et peu présentes dans les allocations d’actifs. Le rebond de début d’année s’est fait dans de faibles volumes. La classe d’actifs est pourtant incontournable pour un investisseur de la zone euro. Funds s’interroge sur la meilleure façon de s’y exposer.• Faut-il privilégier la gestion active ou les ETF ?• Quelles sont les perspectives pour les marchés actions européens ?• Quelles sont les prévisions de résultats ?• Quid des valorisations ?• Quels secteurs ou styles de gestion faut-il privilégier ?
- Comment analyser ce début d’année sur les marchés actions européens ?
- Dans le contexte actuel, comment convaincre les investisseurs de privilégier des gestions de conviction plutôt que des ETF ?
- Quel bilan faites-vous de ces publications trimestrielles ?
- A l’intérieur de la zone euro, les valorisations sont-elles homogènes ou bien certains pays offrent-ils plus d’opportunités que d’autres ?
- La difficulté de trouver des idées d’investissement dans le contexte actuel rend-elle plus difficile la vente des titres lorsqu’ils ont atteint leurs objectifs de cours?
- Quel est votre sentiment sur l’évolution des marchés d’ici à la fin de l’année ? Et sur moyen terme ?
Comment analyser ce début d’année sur les marchés actions européens ?
Comment expliquer le rebond rapide de janvier après une fin d’année «noire» pour la gestion ?
Caroline Lamy, responsable de la gestion actions Europe, CM-CIC AM : Le mois de décembre a surpris tout le monde par l’ampleur de la correction. Pour les stock-pickers, cette correction a aussi donné l’opportunité de revenir sur des titres qui avaient corrigé de façon excessive. En janvier et février, on observe un retour à la normale par rapport aux craintes de fin d’année : les tweets de M. Trump, la guerre économique entre les Etats-Unis et la Chine et ses conséquences pour le commerce international, sans compter l’environnement des taux. Aujourd’hui, nous ne sommes pas plus avancés sur la plupart de ces sujets mais, d’ici juin, il devrait y avoir une avancée quant à un accord commercial sino-américain, et les marchés sont étonnamment optimistes sur cette issue. En parallèle, en ce qui concerne les prévisions de résultats des entreprises, le consensus s’est ajusté, sans doute avec un effet retard par rapport au marché, ce qui redonne un peu de visibilité et de sérénité pour les perspectives de la seconde partie de l’année.
Eric Turjeman, directeur des gestions actions et convertibles, OFI AM : Il y a eu, en décembre, la conjonction de beaucoup de craintes : la guerre commerciale, le Brexit, l’Italie, ainsi que la perspective d’un changement de politiques monétaires. Tous ces éléments sont arrivés au même moment et, les marchés fonctionnant de plus en plus avec des algorithmes et de manière automatique, la baisse a été importante. A partir du mois de janvier, les marchés ont acté que les taux ne remonteraient pas pendant un bon moment. Ce changement de perspective des politiques monétaires a été le déclencheur auquel se sont ensuite ajoutées des publications plutôt meilleures qu’attendu. Sans surprise, ce sont les valeurs taux qui ont le plus rebondi.
Stéphane Furet, directeur général, Dorval AM : Avec du recul, nous considérons que ce quatrième trimestre n’aurait jamais dû se dérouler de la sorte. Avant Noël, deux tiers des prévisionnistes attendaient une récession aux Etats-Unis en 2019. Nous en sommes loin, comme le montrent les chiffres macroéconomiques que nous avons eus ces dernières semaines. La Fed est rapidement venue en soutien pour accompagner la décélération économique sur 2019. En Chine, les chiffres d’activités sont résilients et les mesures prises par le gouvernement ont rassuré les investisseurs.
Par ailleurs, en fin d’année, les valorisations très dépréciées ont favorisé le rebond. Les marchés ont également compris que l’unique objectif de Donald Trump était désormais sa réélection. Il a compris que cette réélection ne serait pas possible si la Bourse américaine dévissait. Toute sa communication est désormais orchestrée en fonction du comportement de Wall Street.
Les marchés actions européens ont bien réagi au changement de cap de la politique monétaire et à la perspective de voir les taux rester durablement bas. Pour autant, les investisseurs ne sont toujours pas revenus sur la classe d’actifs. Comment expliquez-vous l’absence de flux sur les actions européennes ?
Stéphane Furet : La baisse de décembre puis le rebond ont été faits dans de faibles volumes ! Derrière ce constat, il faut reconnaître que la plupart des sociétés de gestion continuent d’enregistrer des retraits depuis le début de l’année, à peu près compensés par la performance des marchés. Les investisseurs, aussi bien institutionnels que privés, ne sont pas revenus sur la classe d’actifs. Comme souvent, de nombreux investisseurs ont investi dans les actions après trois années de hausse, au cours des premiers mois de 2018, et ont subi la baisse. Les gestions de conviction ont très mal performé l’an dernier. De surcroît, les cours sont remontés brutalement et certains estiment que, dans un contexte de visibilité réduite, il est peu probable qu’il y ait de nouveaux plus hauts.
Par ailleurs, nous assistons à une montée en force des ETF. Depuis plusieurs semaines, un tiers des volumes quotidiens est fait sur le fixing de clôture et sur les grands indices. Sur les cinq premiers mois de l’année, nous constatons également que les valeurs moyennes, durement sanctionnées en 2018, n’ont pas fait mieux dans le rebond. Cela n’encourage pas les investisseurs à revenir sur cette classe d’actifs non plus.
Eric Turjeman : Les volumes sont structurellement plus faibles. Il y a de moins en moins de gérants de conviction, alors que la part des ETF et des fonds indiciels ne cesse de progresser. Les gérants de ces fonds travaillent en fonction des entrées et des retraits mais ne font pas d’arbitrage. Les décalages de cours se font alors sur de faibles volumes.
Caroline Lamy : Ça ne va pas s’arranger avec le temps. D’autant que l’exposition des assureurs à la classe d’actifs a été réduite pour des raisons réglementaires de gestion du risque.
Dans le contexte actuel, comment convaincre les investisseurs de privilégier des gestions de conviction plutôt que des ETF ?
Stéphane Furet : Il faut pouvoir montrer notre capacité à générer de la performance sur la durée recommandée de placement pour les actions. Sur un horizon de cinq ans, les performances de la gestion de conviction restent souvent au-dessus des indices.
Eric Turjeman : C’est une question d’horizon. Sur un horizon d’un an, il est difficile de se battre contre les ETF, car les marchés ne sont pas rationnels. Si le gérant a bien fait son travail, la performance est au rendez-vous sur trois ou cinq ans. La recherche de la performance à court terme peut amener le gérant à courir après son ombre ! La seule possibilité pour un gérant actif est de faire de la performance, d’avoir des convictions et de tenir les positions. Chez OFI AM, nous privilégions plutôt les fondamentaux. Nous avons également une approche ISR, donc notre gestion est plutôt de long terme.
Caroline Lamy : Certains types de gestion comme les fonds flexibles ou multi-asset vont préférer des produits «faciles» et peu coûteux comme les ETF pour gérer leur allocation d’actifs. C’est moins le cas dans la gestion privée en Europe, contrairement aux Etats-Unis où les ETF représentent 80 %, voire 100 % des encours.
De notre côté, nous essayons de nous différencier, notamment en intégrant des critères ESG dans la gestion et en élargissant la gamme ISR. Cela permet de faire de la pédagogie sur l’épargne financière et responsable auprès des clients particuliers. C’est un autre axe qui permet de replacer la gestion actions dans une perspective de long terme.
Pour les allocataires d’actifs, les actions restent incontournables pour avoir du rendement.
Stéphane Furet : Les investisseurs doivent comprendre qu’il faut accepter un minimum de risque pour viser des performances positives. Dans le cas contraire, autant conserver les liquidités.
Vous évoquiez précédemment un mois de décembre compliqué, mais qui a offert des points d’entrée sur le marché. Avez-vous pu mettre à profit cette baisse ? Que dire aujourd’hui des valorisations qui, dans le courant de l’année 2018, n’étaient pas forcément attractives ?
Eric Turjeman : Globalement, les marchés parient sur une croissance faible pour les années à venir, et ce pour des raisons structurelles : la démographie mondiale, le développement des technologies, etc. La croissance mondiale devrait être de l’ordre de 3 % en 2021, un niveau qui permet aux entreprises européennes de maintenir leurs profits d’une année sur l’autre, avec, pour corollaire, l’idée que les banques centrales resteront durablement accommodantes. Cette perspective a créé une dichotomie importante dans le marché avec, d’un côté, des valeurs de croissance de plus en plus chères grâce à la bonne visibilité sur l’évolution de leurs profits – considérées comme des quasi-obligations –, et, d’un autre côté, les valeurs cycliques et bancaires massacrées. Certains titres méritent sans doute d’être si peu valorisés, mais il nous semble qu’il y a une exagération sur certains pans entiers de la cote qui se paient cinq ou six fois les estimations de profits alors que l’économie n’est pas en récession. Parler du PE du marché, qui se situe entre 13 et 14 fois les profits, ne signifie finalement pas grand-chose. Les écarts de valorisation durent déjà depuis quelques années.
Caroline Lamy : Le marché paie cher la croissance des résultats, et cette croissance n’est visible que dans certains secteurs, alors que le pétrole, les bancaires ou les utilities sont faiblement valorisés depuis longtemps à cause des niveaux faibles attendus de croissance des résultats. Pour les valeurs bancaires s’ajoutent la réglementation ainsi que la faiblesse des taux, laquelle pèse sur le potentiel d’appréciation du secteur.
En décembre, la baisse a permis de se repositionner sur des valeurs comme LVMH, qui se payait alors 18 fois les profits contre 22 fois aujourd’hui. Le secteur du luxe continue de réviser régulièrement à la hausse ses perspectives de croissance.
Stéphane Furet : En 2018, après trois années de hausse des marchés, les prévisions de hausse des profits ont été réajustées, et ce pour deux raisons : la stabilisation de l’économie européenne et la montée en puissance des craintes liées à la guerre commerciale au cours des trimestres. Les attentes sur la croissance mondiale ont été révisées à la baisse tout au long de l’année. De facto, les investisseurs ont cherché à s’abriter dans des secteurs où la profitabilité n’est pas en risque, même si elle n’est pas très élevée.
Comment le cycle va-t-il évoluer désormais ? Si les tensions commerciales s’apaisent, les projets repartiront un peu partout dans le monde, ainsi que la consommation. Dans ce cas le, momentum pourrait s’inverser, puisque les attentes sont très basses. Les valeurs cycliques pourraient alors faire mieux que les grandes valeurs défensives, qui sont chères et dont la croissance des profits ne va pas réaccélérer sensiblement.
Nous sommes dans un monde où il n’y a pas d’inflation, les banques centrales sont accommodantes, les valorisations sont correctes et les attentes de bénéfices ont été fortement revues à la baisse par les analystes : 4 % de hausse prévus cette année aux Etats-Unis et en Europe en 2019 et en 2020. Or, 80 % des publications ont été au-dessus des attentes. Il suffit de peu de chose pour que la tendance s’inverse en matière de prévisions de résultats et, plus nous allons avancer dans l’année, plus l’effet de base sera favorable.
Quel bilan faites-vous de ces publications trimestrielles ?
Dans quel état d’esprit sont les chefs d’entreprise ?
Stéphane Furet : Les chefs d’entreprise n’ont pas forcément intérêt à se montrer trop optimistes pour l’année en cours mais, lors de la publication des résultats annuels, ils n’ont pas non plus sombré dans le catastrophisme. Les carnets de commandes sont remplis, et leurs clients ne semblent pas paniqués. Les publications trimestrielles sont globalement satisfaisantes, y compris pour les cycliques et dans la construction.
Eric Turjeman : Les résultats trimestriels sont en effet plutôt satisfaisants, mais les chefs d’entreprise sont plus inquiets de la conjoncture en général que de leur propre activité. Ils sont prudents, y compris en Chine où ils ne sont pas forcément attaqués sur leur marché. Mais le doute est là, comme pour tous les observateurs des marchés.
Le Brexit et les élections européennes affectent-ils beaucoup la zone euro ?
Eric Turjeman : Ce n’est pas dans les cours de Bourse, notamment la perspective d’un «hard Brexit».
Stéphane Furet : Le scénario du «hard Brexit» a été écarté. Dans les faits, les chiffres macroéconomiques du Royaume-Uni – PIB, consommation, etc. – restent résilients, voire au-dessus de la moyenne européenne, malgré un environnement guère favorable à l’économie britannique. Quelques sociétés emblématiques ont déplacé une partie de leurs centres d’activités, mais on ne peut pas parler de fuite de la production.
A l’intérieur de la zone euro, les valorisations sont-elles homogènes ou bien certains pays offrent-ils plus d’opportunités que d’autres ?
Caroline Lamy : Nous ne faisons pas d’allocation par pays, nous avons plutôt une approche sectorielle. Néanmoins, le marché allemand pourrait offrir des opportunités sur la deuxième partie de l’année, ne serait-ce que par un effet de base favorable comparé au contexte difficile pour le secteur automobile et la chimie l’an dernier.
Stéphane Furet : Il faut souligner un élément important : fait rarissime, la croissance allemande est à la traîne dans la zone euro. Du jamais vu depuis des années ! Est-ce que cela va durer ? L’économie allemande souffre des difficultés du secteur automobile et du ralentissement de ses exportations vers la Chine, notamment.
Caroline Lamy : Certes, mais l’Allemagne est en plein-emploi, avec une inflation salariale considérable.
Stéphane Furet : L’Etat a beaucoup de moyens et n’a pas de déficit budgétaire. Il y a de vrais savoir-faire industriels et technologiques.
Eric Turjeman : Les performances intra-zone euro sont plus la résultante de la composition sectorielle des indices que de problématiques spécifiques aux pays. L’indice allemand est composé de valeurs industrielles et exportatrices, donc plus sensibles à la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis que l’Espagne. En France, le CAC 40 est de plus en plus défensif avec le poids du luxe dans l’indice. Tant qu’il y a des doutes sur le cycle, le CAC 40 est plutôt préservé, relativement aux autres indices européens.
En matière de secteurs, constatez-vous des disparités importantes de valorisation ? Certains offrent-ils aujourd’hui plus d’opportunités d’investissement ?
Caroline Lamy : Le secteur automobile est un véritable sujet boursier, surtout pour la seconde partie de l’année. Comme évoqué précédemment, le secteur bancaire reste un sujet d’actualité dans cet environnement de taux bas. Il a besoin de se restructurer. Même avec une valorisation d’à peine 0,5 fois les fonds propres, il reste globalement sous-pondéré dans les allocations. Pour le second semestre, les valeurs cycliques pourraient retrouver de l’attrait, mais uniquement quand la visibilité s’améliorera, notamment sur le contexte en Chine : l’activité industrielle a ralenti, mais la consommation résiste bien et l’économie reste compétitive. Enfin, nous apprécions toujours la croissance, et il nous semble que la performance de ces valeurs n’est pas terminée. Nous avons toujours du luxe dans le portefeuille.
Eric Turjeman : Chez OFI AM, nous regardons de près les fondamentaux. Il nous semble qu’il y a beaucoup de valeurs cycliques massacrées. Du côté des valeurs de croissance, l’appréciation des cours est supérieure à la perspective de hausse des résultats. Le ratio valorisation d’entreprise sur chiffre d’affaires ne cesse d’augmenter pour les entreprises des secteurs des spiritueux ou des biens de consommation durables. Certes, les résultats ne déçoivent pas, mais l’appréciation des cours est importante. Il nous semble que la situation est un peu tendue, et nous ne sommes pas à l’aise avec ces valorisations. D’un autre côté, il est vrai que les perspectives des financières ou de l’automobile ne sont pas attrayantes, mais il y a une limite à tout. A 0,5 fois les fonds propres, on se pose des questions : les taux sont bas et pèsent sur la rentabilité, la concurrence des fintechs s’accentue, etc., mais les ratios sont trop faibles. Il devrait y avoir une consolidation du secteur, car les bilans ont été nettoyés ces dix dernières années. Nous n’avons donc pas envie d’être à l’écart de ce secteur, même s’il est compliqué d’être optimiste.
Caroline Lamy : Nous n’avons jamais vécu une période combinant croissance faible et taux bas. Bien évidemment, nous nous posons la question de la valorisation des banques, mais le problème est qu’elles ne couvrent pas leur coût du capital. A cela s’ajoute un régulateur qui vient régulièrement émettre de nouvelles exigences en matière de fonds propres. Ce qui constitue des freins à l’aspect valorisation. A l’opposé, la cherté des valeurs de croissance est relative au regard du rendement offert par les autres actifs.
Stéphane Furet : Nous sommes également plutôt orientés vers la croissance, même si nous n’aimons pas la payer trop cher. Nous n’avons donc pas de valeurs de luxe en portefeuille. Nous acceptons de payer un peu cher certaines valeurs de croissance si nous estimons que le marché offre encore un potentiel pour réviser à la hausse les profits. La numérisation croissante de l’économie fait partie des thématiques que nous apprécions, car les taux de progression des résultats sont élevés, supérieurs à 20 %. Nous sommes également investis dans des valeurs de consommation, car nous pensons que le pouvoir d’achat va s’améliorer en Europe, notamment en France. Nous n’apprécions pas particulièrement les banques ni les valeurs «value» mais, si le contexte s’améliore d’ici à la fin de l’année, la perception du marché pourrait évoluer. Nous avons donc investi dans quelques titres au moment de la publication des résultats annuels, de façon tactique.
La difficulté de trouver des idées d’investissement dans le contexte actuel rend-elle plus difficile la vente des titres lorsqu’ils ont atteint leurs objectifs de cours?
Eric Turjeman : En général, un gérant achète mieux qu’il ne vend ! Il faut avoir une discipline, pour vendre.
Caroline Lamy : Les valorisations nous amènent à prendre nos bénéfices, même lorsqu’un gérant a plutôt un biais croissance. Prenons le cas de LVMH : encore une fois, le PER était de 18 fois en décembre. Cette valorisation pouvait constituer un point d’entrée mais, aujourd’hui, à plus de 22 fois les estimations de résultats, la perspective de performance n’est plus la même et incite à alléger, au moins partiellement. Pour vendre lorsqu’un titre a atteint l’objectif de cours, il faut avoir une idée d’investissement. On trouve des idées décotées, de la cyclique longue comme Airbus, une valeur industrielle qui bénéficie des aléas de Boeing avec le 737 MAX, ou certaines valeurs de santé qui allient croissance et valorisations attractives dans un secteur en consolidation.
Stéphane Furet : La consolidation peut en effet être un facteur important de soutien du marché. La croissance mondiale tient, les bilans des entreprises sont sains et il est facile et peu coûteux d’emprunter pour financer de la croissance externe relutive. Le flux de M&A n’est pas aussi nourri qu’il y a un an, mais il est toujours positif. Les sociétés raisonnent à un horizon de trois à cinq ans et ne vont pas se priver de réaliser des opérations stratégiques : Arkema vient par exemple de racheter l’Américain ArrMaz, Total a été récemment actif en Afrique, etc.
Eric Turjeman : Toutes les conditions sont réunies pour que le M&A continue, d’autant que la croissance n’est pas si forte. Les acquisitions permettent de compenser la faiblesse de la croissance organique des entreprises.
La capacité à faire des acquisitions ou le statut de cible potentielle sont-ils des critères dont vous tenez compte pour acheter une société ?
Stéphane Furet : Nous tenons compte de ces aspects. La mise en place de synergies de coûts et de revenus peut permettre des relutions significatives. Cela peut être capté via la cible avec la prime de contrôle ou par l’acquéreur sur un horizon plus long.
Quel est votre sentiment sur l’évolution des marchés d’ici à la fin de l’année ? Et sur moyen terme ?
Eric Turjeman : Nous ne sommes pas spécialement optimistes quant à l’évolution des marchés. Nous l’étions un peu plus en décembre, car les cours étaient bradés. Nous avons eu le bon timing, même si les valeurs détenues dans les portefeuilles ne sont pas celles qui ont le mieux performé. Nous sommes redevenus neutres en mars, sans doute un peu tôt, parce que les valeurs défensives nous semblaient chères, alors qu’elles constituent l’essentiel des indices. Il faudrait qu’il y ait une révision positive des perspectives de croissance économique pour que nous soyons plus à l’aise.
Caroline Lamy : Les marchés devraient continuer à corriger en l’absence de publications macroéconomiques. Il faut laisser passer certaines échéances politiques (élections, G20…). D’ici à la publication des résultats semestriels, les sociétés ne devraient pas réviser leurs objectifs annuels. En revanche, l’effet de comparaison sera plus favorable au second semestre et, si l’environnement géopolitique se stabilise, les marchés auront retrouvé un potentiel d’appréciation. Il y aura des raisons de revenir sur les actions dans le courant de l’été.
Stéphane Furet : A court terme, la volatilité devrait revenir sur les marchés et perdurer jusqu’à l’été. Si le conflit sino-américain trouve une issue, et avec des effets de base plus favorables, le second semestre devrait être meilleur.