table ronde

ETF actifs : le meilleur des deux mondes ?

Publié le 22 novembre 2024 à 11h24

Catherine Rekik    Temps de lecture 25 minutes

Si les encours sont encore modestes en Europe, les ETF actifs apparaissent à la fois comme un relais de croissance prometteur pour les fournisseurs de solutions passives et comme une diversification stratégique pour les gérants actifs. Qu’est-ce qu’un ETF actif ? Quels sont les principaux atouts de ces produits cotés (accessibilité, frais, transparence…) ? Quelles sont les expertises nécessaires pour lancer un ETF actif et proposer des frais compétitifs ? Faut-il être accompagné pour un acteur jusque-là absent du marché des ETF ? Les ETF actifs peuvent-ils se substituer à n’importe quelle stratégie active sur les actions ou les obligations ? Quelle place leur accorder dans un portefeuille ? Est-ce plus difficile de sélectionner un ETF actif qu’un ETF passif ou un OPCVM ? Les ETF actifs vont-ils permettre une meilleure pénétration du marché retail en France ? Ou vont-ils surtout répondre aux besoins des sélectionneurs de fonds et des allocataires d’actifs ?

Les intervenants : 

  • Lorraine Sereyjol-Garros, responsable globale du développement ETF et fonds indiciels, BNPP AM 
  • Roxane Philibert, responsable produits ETF, Fidelity International
  • Michael Srour, responsable des ventes Europe francophone, HANetf
  • Mara Dobrescu, directrice de la recherche fonds, Morningstar

Comment définissez-vous un ETF actif ?

Roxane Philibert - Un ETF, au départ, définit simplement une enveloppe, alors que le terme actif indique avant tout qu’on ne cherche pas simplement à répliquer un indice de marché. Il existe alors différents types d’ETF actifs. Certains cherchent à surperformer un indice de référence à travers une gestion active s’appuyant sur diverses sources, comme des données fournies par des outils quantitatifs ou une recherche fondamentale propriétaire de la société qui gère ces ETF. Ceux-ci vont donc avoir un objectif de surperformance tout en gardant des caractéristiques très proches de l’indice du marché en général, avec notamment des contraintes de risque pointues. Dans cette même typologie, certains ETF actifs sont plus libres en termes d’allocation, ils vont avoir une tracking error plus importante puisque le gérant va avoir plus de flexibilité pour pouvoir prendre des paris sur certains secteurs par exemple. Il existe également une catégorie d’ETF actifs dont l’objectif sera autre. Ils ne vont pas forcément chercher à surperformer un indice de référence, mais plutôt à adresser un objectif bien particulier, comme générer du rendement ou diminuer la volatilité, souvent fondés sur des produits dérivés. Enfin, on trouve des ETF actifs multi-assets. Ce sont des ETF un peu plus installés qui investissent dans d’autres ETF en faisant des arbitrages, des sortes de fonds de fonds au sein d’un ETF. La définition d’un ETF actif est donc assez large…

Mara Dobrescu - Un ETF actif reste un ETF, donc il en possède les caractéristiques. Il est coté en Bourse et peut être acheté et vendu à tout moment, contrairement à un fonds ouvert classique dont on ne peut acheter ou vendre des parts qu’une fois par jour dans le meilleur des cas. La liquidité constante de l’ETF est une caractéristique qui s’applique aussi aux ETF actifs et qui en fait aussi l’un des arguments principaux en sa faveur. Les ETF actifs comme les autres ETF doivent communiquer leurs inventaires de portefeuille quotidiennement. Les ETF actifs doivent donc satisfaire à ces deux critères de liquidité et de transparence des portefeuilles.

Michael Srour -Les ETF existent depuis une trentaine d’années et, longtemps, ils ont été uniquement passifs. Il y a beaucoup de pédagogie à faire pour expliquer qu’un ETF n’est qu’une enveloppe au sein de laquelle on peut loger toutes sortes de stratégies. Il faut arriver à se défaire de cet adjectif de passif qui lui a été accolé au départ. C’est déjà le cas aux Etats-Unis où les ETF actifs captent une part croissante des flux sur les ETF.

Mara Dobrescu - En effet, 30 % des flux totaux sur les ETF aux Etats-Unis se dirigent vers les ETF actifs. Cette part n’est que de 7,2 % en Europe (sur les données à fin septembre 2024).

Lorraine Sereyjol-Garros - Le taux de croissance des ETF actifs est élevé, mais la part de marché est encore faible : ils ne représentent que 7 % environ du total des encours aux Etats-Unis contre 2,3 % en Europe. Pour revenir à la définition des ETF actifs, un ETF est en effet une enveloppe à l’intérieur de laquelle il est possible de loger n’importe quelle stratégie en respectant certains critères comme la transparence, etc.  Cette enveloppe a été utilisée initialement avec de la gestion passive, raison pour laquelle, dans l’esprit de tout le monde, les ETF sont passifs, mais rien n’empêche de mettre dans un ETF un moteur de performance actif. Les ETF actifs ont généralement un objectif de surperformance par rapport à un benchmark ou un univers d’investissement de référence. Chez BNPP AM, nous avons construit une offre un peu différente puisque nous cherchons à répliquer le bêta du marché, donc l’indice au plus près, mais en intégrant notre propre méthodologie ESG.

Pourquoi ce format a-t-il été aussi longtemps réservé à la gestion passive ? Qu’est-ce qui a déclenché cette accélération de lancements d’ETF actifs ?

Lorraine Sereyjol-Garros - Le covid a été un facteur d’accélération de cette tendance. Durant les périodes de confinement, beaucoup de gens ont développé un intérêt pour la Bourse et pour les placements financiers en général, et ceux qui avaient l’habitude d’utiliser des applications, les jeunes actifs notamment, se sont tournés vers des plateformes qui proposent des ETF. Ils ont été séduits par la facilité d’acheter et de vendre immédiatement des produits cotés, ce qui est impossible avec des fonds classiques qui ne sont même pas référencés sur ces plateformes de trading. C’est à la fois simple, ludique et transparent puisqu’il est possible d’accéder à l’intégralité d’un portefeuille alors qu’un OPCVM ne donne souvent accès qu’aux 10 premières positions. Le covid a ainsi permis d’améliorer la culture financière et c’est important, car il y a beaucoup de pédagogie à faire sur les ETF.

La préparation de la retraite en Europe constitue un second catalyseur. La constitution d’une épargne en vue de la retraite devient cruciale avec les difficultés des systèmes de retraite par répartition. Les jeunes générations sont désormais conscientes de la nécessité d’avoir une source de revenus complémentaire à l’âge de la retraite et s’intéressent à des solutions d’investissement leur permettant de se constituer un patrimoine. Parfois même, elles veulent se constituer rapidement un patrimoine leur permettant d’être indépendants financièrement pour prendre leur retraite bien avant l’âge légal. Ces gens-là commencent à investir très tôt via des plateformes de brokers, des néo-brokers, des banques en ligne, etc., et donc ils s’intéressent aux ETF.

Roxane Philibert - Après le covid, les clients institutionnels ont également constaté qu’il y avait plus de dispersion et donc d’opportunités pour les stratégies actives, ce qui nécessite d’être plus granulaire, plus précis dans les allocations. De nombreux clients ont souhaité avoir un peu plus de contrôle sur leur alpha, ramenant ainsi les stratégies actives sur le devant de la scène. De nombreux managers pour qui les ETF étaient déjà devenus des outils de référence ont estimé que la combinaison d’un ETF et d’une stratégie active pouvait devenir très intéressante dans un contexte de volatilité accrue. La question des frais a également été importante pour les clients plutôt investis dans des fonds traditionnels chargés en frais de gestion. Dans un contexte général de bascule en faveur des ETF, ils se sont intéressés à ces nouveaux véhicules proposant une gestion active à moindres frais.

«L’offre d’ETF actifs fixed income avec des stratégies intéressantes devrait  se développer.»

Lorraine Sereyjol-Garros responsable globale du développement ETF et fonds indiciels ,  BNPP AM

En ce qui concerne les frais, les ETF actifs sont plus attractifs qu’un OPCVM, mais moins que les ETF passifs, pour lesquels les fournisseurs se sont livré une bataille féroce. Les frais des ETF actifs sont-ils amenés à se réduire également ?

Lorraine Sereyjol-Garros - Les frais légèrement plus élevés que pour un ETF passif se justifient, car il y a dans ces produits un moteur de gestion actif, avec des gérants et de la recherche. Le coût est donc supérieur à une pure réplication d’un indice. De plus, pour les ETF indiciels, le rebalancement est trimestriel pour les actions en général et mensuel pour le fixed income. Pour les ETF actifs, les rebalancements sont plus fréquents, en fonction des actualités de marché ou des changements de notes ESG par exemple. Donc, il y a aussi plus d’interventions de la part du gérant.

Mara Dobrescu - Pour l’instant, les volumes gérés sont encore assez faibles, mais ces frais pourraient baisser. Au fur et à mesure que ce segment va croître, on peut s’attendre à ce que les nouveaux produits lancés soient un peu moins chers, avec des frais qui se rapprocheront davantage de ceux des ETF passifs.

Michael Srour - Tout dépend de la stratégie ou du marché que l’ETF actif va adresser. Les produits sur l’Inde ou la Chine vont avoir des frais plus élevés, car ces marchés sont plus compliqués à appréhender pour un gérant. On n’achète pas des actions chinoises de la même façon que des actions américaines, il y a plus de frais de structure à prendre en compte.

Autre atout dont nous n’avons pas parlé : les ETF domiciliés en Irlande bénéficient d’avantages fiscaux par rapport aux ETF de droit luxembourgeois et aux fonds traditionnels. Par exemple, l’impôt sur les dividendes américains que les Etats-Unis prélèvent au moment du versement est seulement de 15 % pour les ETF domiciliés en Irlande contre 30 % pour le Luxembourg ou en France.

Mara Dobrescu - Les frais moyens sur les ETF actifs domiciliés en Europe sont de 0,29 % contre 0,2 % pour les ETF passifs. On constate bien une tendance à la baisse si l’on regarde les chiffres sur le long terme, de 2013 à aujourd’hui.

Comment les clients français accueillent-ils cette nouvelle offre d’ETF actifs, notamment les investisseurs institutionnels, qui représentent l’essentiel du marché des ETF en France ?

Lorraine Sereyjol-Garros - Nous avons lancé des fonds qui sont actifs sur la partie ESG en réponse à la demande des clients institutionnels pour qui nous avions déjà développé une offre sous format de fonds dédiés ou de mandats : les clients choisissaient un indice à répliquer en incorporant leur propre liste d’exclusions, leur méthodologie ESG ou souhaitant bénéficier de la nôtre. Progressivement, nous avons constaté l’intérêt des investisseurs institutionnels pour une approche différente de celles des fournisseurs d’indices américains. D’où notre décision de lancer cette gamme active en incorporant notre propre méthodologie ESG afin de répondre à leurs besoins, avec des exclusions sur le tabac, le charbon, etc. Par ailleurs, durant la période 2022/2023, la tracking error des ETF passifs ESG dans les portefeuilles des clients a été importante par rapport aux indices non ESG. Ils ont souhaité minimiser ce risque avec des ETF actifs qui, non seulement, incorporent notre méthodologie ESG, mais vont aussi minimiser la tracking error par rapport aux indices non ESG.

Michael Srour - Chez HANetf, nous n’avons pas de stratégies répliquant des indices. Nous essayons plutôt d’apporter aux investisseurs français l’accès à des stratégies de gérants actifs qui n’étaient disponibles qu’aux Etats-Unis. Nous avons lancé des ETF thématiques, sectoriels et fixed income, gérés par des sociétés de gestion américaines ou européennes avec qui nous travaillons en marque blanche. Les clients apprécient d’avoir accès à des stratégies de gérants spécialistes au sein d’un ETF, et donc les avantages qui leur sont liés. C’est, selon nous, un axe de développement important.

«Le  track record d’une stratégie existante est important pour les clients qui veulent  investir dans la version ETF actif.»

Roxane Philibert responsable produits ETF ,  Fidelity International

Un ETF actif réplique-t-il uniquement des stratégies actives existantes ?

Mara Dobrescu - Dans la pratique, il existe deux modèles. Aux Etats-Unis, les asset managers ont surtout lancé des ETF sur la base de stratégies déjà existantes, et dans certains cas, ont même ajouté des share classes sous format ETF au sein de fonds ouverts, puisque la législation américaine le permet. Un investisseur peut ainsi avoir accès à la même stratégie, la même expertise, soit en format fonds ouvert, soit en format ETF. Ce qui peut nous amener à nous interroger sur l’intérêt de conserver le format fonds ouvert… Mais pour des raisons diverses, certains investisseurs ne peuvent pas détenir d’ETF.

En Europe, déjà, cette possibilité de dual share classes n’existait pas, jusqu’à récemment, donc les sociétés de gestion ont plutôt lancé des ETF actifs sur des stratégies différentes de celles proposées en OPCVM. Il ne faut pas s’attendre à trouver dans des formats ETF des gestions de conviction, très discrétionnaires et très concentrées. Dans la pratique, nous voyons plutôt des stratégies gérées de façon systématique, avec une réplication du bêta, à laquelle s’ajoutent des moteurs d’alpha basés sur des processus quantitatifs, un overlay ESG, etc. C’est ce que nous appelons des stratégies timidement actives. Quand on regarde certains critères comme l’active share ou la tracking error, on est loin d’une gestion de conviction qui se différencierait fortement d’un benchmark. Nous avons regardé, par exemple, le degré de diversification des portefeuilles dans ces ETF actifs : dans la catégorie actions grandes capitalisations internationales, un fonds ouvert actif a 70 positions en moyenne quand un ETF actif en compte entre 140 à 150. L’ETF actif est donc deux fois plus diversifié en termes de nombre de titres et a, par conséquent, des tailles de position plus faibles. Dans l’obligataire, nous constatons également que ces produits ont des tracking errors moins élevées que celles des fonds ouverts.

Les investisseurs doivent avoir en tête tout cela et modérer également leurs attentes de surperformance. C’est ce qui explique aussi des frais plus attractifs que la gestion active classique.

Roxane Philibert - Nous n’en sommes qu’au début de l’adoption des ETF actifs en Europe. Aux Etats-Unis, nous avons déjà vu qu’il existait plus de variations entre les différentes stratégies, des gestions plus discrétionnaires, d’autres plus benchmarkées. Ce qui s’explique aussi par la possibilité pour les gérants américains de convertir certains fonds actifs sous une enveloppe ETF, ou la création de share classes ETF sur la base de fonds mutuels existants, le tout dans un cadre fiscal très avantageux pour l’investisseur. L’Europe est donc naturellement un peu en retard et, aujourd’hui, la plupart des stratégies sont benchmarkées et ont de faibles tracking errors, avec des frais de gestion assez faibles. Mais je pense que l’offre peut évoluer vers des gestions plus discrétionnaires, avec plus de tracking error et plus de potentiel d’alpha. Quant aux stratégies disponibles, certains fournisseurs d’ETF utilisent en effet des stratégies déjà existantes ou ont recours à des équipes de stratégies actives, systématiques, quantitatives, déjà en place au sein de la société de gestion, pour pouvoir justifier un historique de performance. C’est important pour les clients de pouvoir se référer au track record d’une stratégie existante dans un fonds ouvert par exemple, pour voir comment elle fonctionne au cours du temps avant d’investir dans la version ETF actif.

Michael Srour - De nombreux ETF actifs relèvent plutôt de stratégies semi-actives. C’est la raison pour laquelle nous voyons une opportunité pour de vrais gérants actifs, qui ont un active share élevé, de venir sur le marché des ETF afin d’avoir accès à de nouveaux investisseurs, notamment au travers des plateformes. Ces investisseurs, souvent plus jeunes, ont tendance à préférer l’enveloppe de l’ETF, et nous avons fait le choix de proposer uniquement des ETF complètement actifs reposant sur les mêmes stratégies que celles déployées dans des fonds ouverts avec un track record, car, comme cela a été dit précédemment, il est important pour le client d’avoir une idée du comportement de la stratégie ainsi que de la performance et de la volatilité attendues.

Comment sélectionne-t-on un ETF actif ?

Lorraine Sereyjol-Garros - La sélection repose sur une analyse plus poussée que pour un ETF indiciel pour lequel le client va s’intéresser à la réputation de la société de gestion, la qualité de réplication et surtout à la méthodologie de l’indice. Le process est relativement rapide. Quand on s’intéresse aux ETF actifs, notamment ceux qui ont des objectifs de surperformances importants, l’approche peut être pratiquement celle d’une due diligence sur un fonds actif. Il faut regarder le track record sur trois ans, comprendre le moteur de performance et la façon dont il se comporte en cas de crise, etc. Le client va être plus investi dans la sélection que pour des ETF indiciels.

Roxane Philibert - La transparence des ETF actifs est un atout également pour la sélection. Pour choisir un ETF indiciel, l’investisseur va regarder les frais, la structure du véhicule, etc. Choisir un ETF actif est plus complexe, mais le client va avoir accès aux données journalières sur le long terme, il va même pouvoir faire une analyse plus fine que sur un fonds ouvert.

«Nous essayons d’apporter aux clients français l’accès à des stratégies de gérants actifs qui n’étaient disponibles qu’aux Etats-Unis. »

Michael Srour responsable des ventes Europe francophone ,  HANetf

Avoir une transparence totale du portefeuille dans un ETF actif alors que ce n’est pas le cas pour cette même stratégie dans un fonds ouvert ne pose-t-il pas problème ?

Mara Dobrescu - L’expérience des ETF semi-transparents aux Etats-Unis n’a pas été concluante du tout ! La législation américaine autorise les ETF actifs à ne pas dévoiler quotidiennement leur portefeuille. Au départ, cette possibilité a suscité beaucoup d’enthousiasme, mais il est vite retombé. Actuellement, les ETF semi-transparents représentent moins de 2 % de la totalité des ETF actifs sur le marché américain. Beaucoup de sociétés qui en avaient lancé sont revenues à la transparence complète. Avec cette recommandation de semi-transparence, l’AMF tente d’attirer les lancements de fonds cotés à Paris plutôt qu’au Luxembourg ou en Irlande. Mais il faut être cohérent : on ne peut pas inciter les investisseurs à acheter des ETF parce qu’ils sont liquides et transparents et ensuite leur dire que la transparence ne sera pas totale. On les priverait ainsi d’un des avantages du format ETF auquel ils sont vraiment attachés.  

Lorraine Sereyjol-Garros - Ce qui motive surtout les investisseurs institutionnels avec les ETF actifs à ce stade, c’est la perspective d’avoir le bêta du marché et un peu d’alpha pour couvrir les frais de gestion. Il y a une forte demande pour la transparence également.

Michael Srour - Les ETF actifs semi-transparents ne représentent que 2 % des actifs aux Etats-Unis et 5 % des lancements. Ce n’est pas un succès, mais, cependant, c’est une option qui reste intéressante pour attirer de nouveaux entrants avec une part active importante sur le marché des ETF. Nous avons constaté que la transparence totale des portefeuilles ne gêne pas tant que ça les gérants même si les gérants actions ont plus de réticences. Les clients, eux, apprécient. 

Roxane Philibert - Aux Etats-Unis, la semi-transparence a eu un succès limité malgré l’avantage fiscal très important des ETF. Même en faisant un compromis sur la transparence, les clients pouvaient toujours profiter des moindres taxes. En Europe, cet avantage fiscal est moins important, donc si on enlève aussi la transparence, le potentiel de croissance de ces produits pourrait être limité. A court terme, je pense que cela peut tout de même rester intéressant en incitant certains acteurs à proposer de nouvelles stratégies et donc participer au développement du marché. Je suis convaincue que d’avoir de l’innovation et de nouveaux entrants prêts à offrir du choix aux clients sera toujours positif pour l’écosystème.

En proposant des ETF actifs sur des stratégies ayant un active share élevé, ne risque-t-on pas de voir des arbitrages se faire au détriment des fonds actifs ? Et donc, à terme, de dégrader la qualité de cette gestion active ?

Michael Srour - Nous constatons déjà des flux sortants des fonds traditionnels pour aller sur les ETF. C’est une tendance de fond qui va perdurer, mais il faudra encore pas mal de temps pour que la part des ETF soit prépondérante dans le total des encours gérés. De plus, certains sélectionneurs ont surtout une expertise sur les fonds actifs, et beaucoup de stratégies n’existent pas encore au format ETF.

Lorraine Sereyjol-Garros - Toutes les classes d’actifs ne se prêtent pas au format ETF actif. Pour un ETF, il faut une certaine liquidité du sous-jacent et une profondeur du marché. Il y aura toujours de la place pour des gérants qui créent de l’alpha, investissent sur des niches de marché et souhaitent garder secrète leur approche. Les deux mondes vont continuer à coexister.

Quelle place accorder aux ETF actifs dans les portefeuilles ? Comment arbitrer entre un ETF passif ou actif ?

Mara Dobrescu - Au sein d’une allocation d’actifs, il est évident que l’investisseur ne va pas privilégier un ETF pour certaines classes d’actifs, tout simplement parce qu’il n’est pas adapté. S’il souhaite une exposition aux small caps ou au high yield par exemple, l’ETF ne va pas être performant parce que la profondeur de marché n’est pas là. Il est préférable de se tourner vers la gestion active traditionnelle.

En revanche, pour toutes les classes d’actifs liquides – les obligations de bonne qualité ou les large caps –, la question du support d’investissement peut se poser. Faut-il choisir un ETF passif ou préférer un ETF actif pour avoir accès à un surcroît d’alpha suffisant pour absorber des frais plus élevés ? Avec un ETF passif, l’investisseur ne va pas se poser de questions sur les choix du gérant, la stabilité de l’équipe de gestion, la robustesse du processus de gestion, bref, sur tous les risques inhérents à la gestion active.

Lorraine Sereyjol-Garros - Certains clients ne peuvent investir que dans des ETF. L’offre est aujourd’hui large, bien diversifiée et il est possible d’avoir de la granularité dans les ETF. Cependant, ce n’est pas parce que ces ETF existent qu’ils sont performants par rapport à un fonds actif.

Michael Srour - L’ETF actif peut être un vecteur de surperformance dans les marchés dans lesquels l’indice, déjà répliqué par un tracker, ne comprend pas une grande partie du marché. Dans le cas des large caps américaines, le S&P 500 représente environ 87 % du marché total américain. C’est très compliqué d’aller chercher de l’alpha en dehors de la solution passive. En revanche, pour le fixed income américain, l’indice de référence ne couve qu’une partie négligeable du marché obligataire américain et donc il est plus facile pour les gérants actifs de surperformer en s’exposant à des poches du marché qui sont sous-pondérées dans l’indice.

Beaucoup de gérants actifs se lancent désormais sur les ETF. Quelles sont les barrières à l’entrée ?

Lorraine Sereyjol-Garros - Je pense qu’il faut déjà avoir une expertise en gestion ETF. Un ETF est coté en bourse, donc il faut avoir des relations avec les acteurs du marché, les fournisseurs d’indices et les market makers. Il se traite en primaire et en secondaire, avec des participants autorisés. Cela peut prendre du temps de construire cet écosystème, cela requiert aussi des moyens financiers, et les infrastructures sont beaucoup plus importantes et différentes d’une gestion active. Pour un producteur d’ETF, qui gère déjà des fonds actifs, le passage aux ETF actifs est assez simple, car il n’y a que le moteur de performance qui change. Pour un gérant actif sans activité ETF, un accompagnement est nécessaire.

Michael Srour - C’est vrai qu’il faut déjà avoir des relations dans plusieurs domaines, le trading, les échanges, la création de produits, etc. Mais il faut aussi avoir une expertise en termes de distribution, car on ne distribue pas un ETF actif de la même façon qu’on distribue un ETF passif, et on s’adresse parfois à deux interlocuteurs différents au sein d’une même structure. Il faut également connaître les plateformes. Tout cela demande du temps, des ressources et une infrastructure adaptée. Les gérants actifs se lancent soit après des acquisitions soit en en faisant appel aux services de White Label. Ce que nous observons, c’est que la plupart des gérants actifs se posent la question de savoir s’ils vont faire leur entrée dans le monde des ETF actifs au cours des deux prochaines années.

«À mesure que le segment des ETF actifs se développera, les frais  se rapprocheront de ceux des ETF passifs. »

Mara Dobrescu directrice de la recherche fonds ,  Morningstar

Roxane Philibert - Il est effectivement important d’avoir de bonnes relations avec tout l’écosystème, mais un ETF reste un véhicule et, une fois qu’on est capable de gérer le fonctionnement de ces véhicules, il faut surtout être en mesure de proposer une stratégie active avec des résultats de performance ! On voit d’ailleurs que ce sont principalement des gérants actifs qui se tournent vers les ETF actifs puisqu’ils peuvent mettre à profit leur expérience et leur expertise de gestion active. Car ce qui compte à la fin, c’est la qualité de la stratégie proposée et donc de l’expertise du gérant, de ses modèles quantitatifs, de sa recherche, etc. Il ne faut pas oublier que bien que le véhicule soit différent, la stratégie d’investissement restera l’un des éléments les plus importants au moment de choisir un ETF actif.

La dynamique de lancements d’ETF actifs sera donc portée par les gérants actifs dans les prochaines années ?

Lorraine Sereyjol-Garros - Oui, ne serait-ce que parce qu’ils sont plus nombreux. Il existe quelques centaines de gérants passifs dans le monde et des milliers, voire des millions, de gérants actifs… Les coûts inhérents au lancement de chaque produit sont importants, coûts de listing, de market making… Il faut avoir des volumes importants. Pour que ce soit rentable pour un émetteur, il faut avoir un projet de développement de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’actifs à terme.

Mara Dobrescu - Une boutique de gestion ne lancera pas toute seule un ETF actif si elle n’a pas déjà une expertise ETF. C’est une question d’échelle ; cela ne vaut pas le coup de bâtir une infrastructure pour avoir une poignée de stratégies. Quelques sociétés de gestion se sont lancées puis ont abandonné, faute d’encours suffisant. Ce qui m’amène à un autre sujet, celui du taux de mortalité de ces ETF actifs. Pour l’instant, c’est assez nouveau, mais, en cumulé depuis 2003, près de 15 % des ETF créés ont déjà été liquidés, car ils n’ont pas trouvé leur public cible ni grossi suffisamment pour permettre à l’asset manager de les gérer de façon optimale et générer des économies d’échelle. C’est aussi un point que l’investisseur doit garder à l’esprit quand il fait sa due diligence, pour s’assurer que le fournisseur a vraiment investi dans ce domaine et compte garder ce type de produit sur la durée. Et, comme il s’agit de gestion active, le produit peut aussi ne pas performer et, dans ce cas, disparaître.

Ce n’est donc pas si simple de choisir un ETF actif… Comment faire de la pédagogie autour de ces produits ?

Lorraine Sereyjol-Garros - L’ETF est un produit coté en bourse, il faut déjà expliquer aux clients comment traiter ses ordres, quels sont les éléments à prendre en compte, etc. Il y a beaucoup de pédagogie à faire et a fortiori sur les ETF actifs puisqu’il faut aussi expliquer également les moteurs de performance.

Roxane Philibert - Il faut également mettre en relation les équipes de due diligence, car la plupart des clients ont une équipe dédiée aux ETF comme des véhicules passifs historiquement et une équipe pour les fonds actifs. Dans les cas des ETF actifs, les deux équipes sont obligées de travailler ensemble puisqu’il faut faire une due diligence sur une stratégie active dans un ETF. En tant que fournisseurs, nous devons faire de la pédagogie en interne, mais aussi auprès des sélectionneurs de fonds pour qu’ils puissent choisir ces ETF de façon efficace.

Que peut-on attendre de ce nouveau marché des ETF actifs en termes de croissance, de dynamique de lancement, de pénétration auprès du retail, etc. ?

Lorraine Sereyjol-Garros - L’engouement des fournisseurs, notamment de gérants actifs venus des Etats-Unis qui veulent s’implanter en Europe, devrait porter la croissance de ce marché. Pour l’instant, c’est l’offre qui crée la demande. Beaucoup de fournisseurs d’ETF passifs se mettent aux ETF actifs, des gérants actifs viennent sur les ETF. Les taux de croissance attendus du marché sont de l’ordre de 10 % par an pour les ETF dans leur ensemble et, pour les ETF actifs, de l’ordre de 20 %.

Roxane Philibert - La plupart des flux se dirigent vers des ETF actifs ayant une faible tracking error. C’est la principale catégorie en termes d’actifs dans le monde indiciel (trackers sur le S&P 500, le MSCI World…), et parvenir à en capter ne serait-ce que 5 à 10 % représente un potentiel de croissance très important pour les ETF actifs. La tendance est donc très positive pour ces produits puisqu’ils visent un marché déjà très large et existant en Europe.

Lorraine Sereyjol-Garros - Le fixed income est une classe d’actifs dans laquelle les ETF actifs peuvent également bien se développer. Les clients institutionnels et le retail sont venus aux fonds indiciels obligataires plus récemment qu’aux ETF actions, il y a moins de stratégies disponibles. L’offre d’ETF actifs fixed income avec des stratégies intéressantes devrait donc se développer.

Michael Srour - L’offre va en effet créer la demande sur ce marché. Actuellement, les fournisseurs lancent des ETF actifs, ce qui attise la curiosité des investisseurs et devrait se matérialiser dans les flux prochainement. A court terme, je ne suis pas convaincu que les ETF actifs séduisent vraiment le retail, car les particuliers n’ont pas encore fini leur apprentissage des ETF en général versus les fonds actifs. En France, il reste encore beaucoup de progrès à faire en matière d’investissement en Bourse. L’intérêt va plutôt venir des clients institutionnels, des family offices et des investisseurs professionnels avant de se diffuser, on l’espère, aux investisseurs retail. 

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