Table ronde

La gestion sous mandat, source de renouveau pour la multigestion

Publié le 26 novembre 2018 à 10h58

Propos recueillis par Catherine Rekik

De nombreuses sociétés de gestion développent une activité de gestion sous mandat en réponse à la demande de clients institutionnels, des banques privées ou de CGP. Une opportunité pour la multigestion qui a souffert, après la crise de 2008, d’une désaffection des investisseurs. Funds s’interroge sur la façon dont la multigestion répond aux attentes des clients via la gestion sous mandat. • Quelles sont les synergies entre ces deux types de gestion ? • Quelle est la valeur ajoutée de la multigestion, le savoir-faire du multigérant ? Comment la multigestion répond-elle à la problématique de l’allocation d’actifs ? • Comment a évolué cette offre de multigestion ? Dans quels types de supports investit-elle (fonds, trackers, etc.) ? Comment aborde-t-elle l’ISR ?• La multigestion permet-elle à la gestion sous mandat de sortir des classes d’actifs traditionnelles (actions, obligations) pour investir dans des supports moins liquides (loans, private equity, etc.) ? • Comment répondre aux exigences de transparence des clients ?

La gestion sous mandat s’est développée ces dernières années. A quels besoins des clients répond-elle ? Quelles formes peut prendre l’offre?

Loïc L’Hermitte : La gestion sous mandat existe depuis une trentaine d’années chez Federal Finance Gestion. Elle s’adresse aussi bien aux investisseurs institutionnels qu’aux clients privés. Pour ces derniers, la gestion sous mandat connaît un grand essor depuis plusieurs années, en particulier grâce aux mandats d’arbitrage en assurance vie. L’assureur du groupe Arkéa, Suravenir, comme la plupart des assureurs, souhaite de plus en plus privilégier les unités de compte et lancer ou relancer des offres en mandats d’arbitrage depuis 2015. Ce n’était pas une nouveauté pour le groupe, car nous le faisions déjà depuis 2005 via Fortuneo France, avant de le dupliquer pour l’ensemble de nos réseaux distributeurs. Aujourd’hui, la gestion sous mandat pour le compte de personnes physiques représente un poids conséquent sur les encours gérés pour nos réseaux distributeurs.

Notre offre revêt deux formes principales. La première, via de la multigestion, commence à partir de 300 euros pour les caisses locales, au travers de plusieurs contrats dont un vendu également par Internet depuis neuf mois, NaviG’Options. La seconde s’adresse prioritairement aux clients de la banque privée en gestion personnalisée qui intègrent des fonds et des titres vifs. Ces offres sont déclinables dans tous les formats : compte-titres, PEA donc mandats d’arbitrage.

Charles Lacroix : L’architecture ouverte est ce qui pourrait relier la gestion sous mandat à la multigestion. Après la crise de 2008, il y a eu une remise en question par certains investisseurs du modèle du fonds de fonds liée à la double couche de frais et à des questions de transparence. De plus, l’environnement de taux permettait encore aux fonds en euro de générer des rendements attrayants. Les problématiques de diversification sur les différentes classes d’actifs et stratégies étaient alors importantes, mais pas cruciales. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. En outre, les assureurs sont désormais contraints de diversifier leurs risques et de privilégier les unités de compte. Face à l’érosion des rendements, il est indispensable de construire des portefeuilles globaux et diversifiés. D’où le besoin croissant d’architecture ouverte. L’offre peut ensuite prendre plusieurs formes : des fonds de fonds ou de la gestion sous mandat, la plupart du temps, en architecture ouverte. L’offre de gestion sous mandat s’est développée de manière importante et, pour l’architecture ouverte, la multigestion a également retrouvé un intérêt certain.

Chez Rothschild & Co Asset Management, nous disposons depuis toujours d’une offre en architecture ouverte très développée. Nous avons des expertises en direct sur quelques classes d’actifs, mais nous ne sommes pas un acteur global. Or, les clients de la banque privée ont des besoins globaux. L’équipe dédiée à l’architecture ouverte compte 27 personnes pour répondre à ces besoins et à ceux de clients externes grâce à une offre de fonds de fonds et de gestion sous mandat. Nous travaillons avec des partenaires auxquels nous fournissons des portefeuilles modèles, à charge pour l’assureur en France, ou pour des banques dans d’autres pays, de les implémenter pour le compte de leurs clients.

Par ailleurs, en plus des fonds long-only, les investisseurs cherchent de nouvelles sources de rendement à travers les fonds alternatifs Ucits. Nous constatons un fort développement à l’échelle nationale, mais également européenne, de cette gestion «hybride», avec une poche long-only et une poche alternative. Certains clients banques privées ou family offices n’ont pas le savoir-faire en interne pour sélectionner des fonds alternatifs et construire un portefeuille complémentaire à la poche long-only. Si l’allocation de cette dernière s’avère très «agressive», la poche alternative aura tendance à être plus prudente, et inversement. Sur ce type de gestion «hybride», nous constatons un retour en grâce des fonds de fonds.

Pierre Burnand : Chez Sanso IS, nous définissons la gestion sous mandat comme l’ensemble des solutions dédiées à des clients individuels. Elle regroupe dans une première offre la gestion profilée ou pilotée, à travers les contrats d’assurance vie. Nous envoyons des grilles d’allocation par profils, dans lesquels les clients décident de rentrer. Ensuite, nous proposons de la gestion sous mandat personnalisée : les allocations types sont adaptées à chaque client pour offrir une solution sur mesure. Enfin, nous avons une offre de fonds de fonds – qui incluent également des expositions en titres vifs –, pour des montants supérieurs à 10 millions. Dans ce cas, nous construisons avec le client une allocation qui correspond à ses besoins. Cela concerne aussi bien la gestion des actifs liquides d’une famille que la trésorerie d’une entreprise. Considérant que nous n’avons pas non plus toutes les expertises en interne, nous travaillons en architecture ouverte pour sélectionner les meilleures expertises afin de construire les portefeuilles. Pour la sélection en titres vifs, nous faisons appel aux expertises maison.

Est-ce le montant investi qui définit le choix entre gestion sous mandat et fonds de fonds? Quelle est la valeur ajoutée de la multigestion ?

Pierre Burnand : En effet, c’est souvent le montant de l’investissement qui détermine le choix, mais aussi le véhicule à travers lequel investit le client. Un mandat de gestion est destiné, en général, à un ou à des particuliers qui investissent dans des contrats d’assurance vie. Un fonds de fonds peut être construit sur mesure pour un CGP à destination de l’ensemble de ses clients. Cela justifie la création d’un fonds de fonds, ce qui, pour des questions de frais, requiert un minimum d’encours.

Loïc L’Hermitte : Nous pratiquons également cette segmentation en fonction de la typologie de la clientèle, entre l’entrée de gamme à 300 euros en mandat d’arbitrage en assurance vie et les fonds de fonds ou de mandat personnalisés avec un cahier des charges parfois spécifique pour la gestion de fortune.

La multigestion possède une véritable valeur ajoutée qui ressort encore davantage. Aujourd’hui, il existe environ 15 000 à 20 000 fonds dans le monde et des centaines de sociétés de gestion. Effectuer de l’architecture ouverte, comme c’est le cas dans le groupe Arkéa, nécessite un travail important de présélection des sociétés de gestion et d’analyse des fonds, sous forme d’analyse quantitative et qualitative. La multigestion a un rôle essentiel, car nous nous adressons à des clients finaux dans un environnement réglementaire de plus en plus contraignant. La sécurité des épargnants et leur confiance passent aussi par une excellente connaissance des sociétés sélectionnées et donc des fonds. Chez Federal Finance Gestion, la multigestion s’adresse à l’ensemble des entités du groupe pour sécuriser ce processus avec des analyses régulières effectuées sur environ 150 sociétés de gestion couvertes après un premier filtre quantitatif appliqué à un univers de 350 sociétés.

Charles Lacroix : Au sein de la banque privée de Rothschild Martin Maurel, la gestion discrétionnaire sous mandat est au cœur de l’offre et se déploie sous deux formes : une gestion modélisée ou une gestion dédiée, sur mesure, en fonction des profils et des besoins spécifiques des clients. Nous avons des profils de clients très différents avec des patrimoines élevés. La banque privée sélectionne des titres vifs, des trackers et, par ailleurs, recourt à des fonds externes pour compléter ses expertises. L’équipe de multigestion fait tout le travail de due diligence d’investissement ou de due diligence opérationnelle et assure le suivi des fonds figurant dans la «buy list». Les «fonds maison» représentent moins de 40 % des portefeuilles gérés. Nous fonctionnons donc véritablement en architecture ouverte.

Comment travaillent les équipes de gestion sous mandat et de multigestion ?

La multigestion est-elle associée à la construction des profils ou bien intervient-elle uniquement dans la sélection de fonds destinés à ces différents profils ?

Pierre Burnand : Chez Sanso IS, la multigestion est totalement intégrée à la gestion sous mandat, mais aussi à l’ensemble des autres équipes de gestion. La multigestion peut aussi faire de la sélection de fonds actions employés dans certains de nos produits en gestion collective. La construction des profils de gestion se fait à deux niveaux : des profils de risque respectés de façon très stricte dans le cadre de la gestion profilée, ainsi que des portefeuilles types qui s’adaptent aux besoins dans le cadre de la gestion sous mandat personnalisée.

Nous construisons des portefeuilles pour lesquels sont définis des objectifs de gestion, en fonction desquels nous allons chercher des solutions grâce aux outils quantitatifs et qualitatifs que nous avons mis en place. Un fonds que nous avons sélectionné peut être investi dans les différents profils de la gestion pilotée, à condition d’être référencé dans les contrats d’assurance vie, et dans le cadre de la gestion sous mandat personnalisée. Dans ce dernier cas, nous n’avons pas la contrainte du référencement dans les contrats d’assurance vie, ce qui nous permet de sélectionner des fonds de sociétés de gestion moins connues sur la place.

Charles Lacroix : La multigestion comprend les analystes sélectionneurs de fonds et les gérants de fonds de fonds. Notre manière de travailler avec les clients dans le cadre de la gestion sous mandat prend plusieurs formes. En interne, nous disposons d’une «buy list» dans laquelle le gérant sous mandat va sélectionner des produits selon ses besoins et échanger avec l’analyste pour bien cerner les avantages et les inconvénients d’un fonds ainsi que les risques auxquels le client va être exposé, puis l’intégrer de façon discrétionnaire. En externe, certains clients souhaitent uniquement accéder à cette «buy list» alors que d’autres nous délèguent la gestion de portefeuille ou la création de portefeuilles modèles, à charge pour eux de les implémenter. Le sélectionneur de fonds peut être un prestataire de services dans le cadre de la gestion sous mandat discrétionnaire ou un gérant de fonds de fonds dans d’autres cas.

Dans notre approche, nous servons la banque privée Rothschild Martin Maurel comme tout autre client. De même, le gérant sous mandat dispose d’une totale indépendance dans ses choix. Il nous paraît particulièrement important de conserver les deux métiers séparés afin d’éviter tout conflit d’intérêts.

Loïc L’Hermitte : L’équipe de multigestion agit à la fois comme sélectionneur de fonds et comme gestionnaire de fonds de fonds, ce qui crédibilise l’approche développée en tant que sélectionneur. Courant 2017, nous avons mené une réflexion qui a abouti début 2018 à un rapprochement des équipes de multigestion et de gestion sous mandat. Nous avons souhaité le regroupement de ces deux activités pour gagner en cohérence sur le choix des fonds et des sociétés de gestion, et in fine de rationalisation des «buy lists». Cela passe actuellement par la mise en place de binômes entre les deux équipes sur cinq classes d’actifs principales. Conjuguée à des développements informatiques supplémentaires, cette organisation permettra aux gérants sous mandat et multigérants de gagner en efficacité.

Deux exemples en démontrent la pertinence cette année. Le groupe, via Suravenir, a remporté récemment un appel d’offres pour Préfon, pour la mise en place d’un mandat d’arbitrage en ISR. Les deux équipes ont travaillé de concert avec l’équipe ISR pour la mise en place du processus de sélection des fonds et l’élaboration d’une solution satisfaisante pour le client. Par ailleurs, au printemps dernier, la gestion sous mandat a passé commande auprès de la multigestion d’un fonds de fonds autour de thématiques axées sur le mieux-vivre. En cours d’instruction auprès de l’AMF, ce fonds sera exposé à quatre thèmes principaux : la santé, l’alimentation, l’eau et l’environnement. Nous sommes convaincus que la clientèle privée s’intéresse de plus en plus à ces thématiques et souhaite donner du sens à son épargne. La création de sens sociétal n’est pas incompatible avec la création de valeur en termes financiers, bien au contraire. Ce projet innovant mobilise conjointement ces deux équipes.

Pourquoi créer en interne un fonds de fonds sur des grandes thématiques, alors que des fonds «megatrend» existent déjà dans d’autres sociétés de gestion ?

Loïc L’Hermitte : Nous avons souhaité nous concentrer sur quatre thématiques structurellement porteuses et boursièrement homogènes avec un profil de croissance défensive. En ce sens, notre fonds de fonds se distingue des «megatrends», qui peuvent investir aussi bien dans des thématiques défensives que cycliques, avec des comportements boursiers hétérogènes. Il nous semble que ces fonds sont plus difficilement lisibles.

Comment abordez-vous l’ISR dans le cadre de la gestion sous mandat et de la multigestion ?

Pierre Burnand : L’ensemble de nos stratégies sont couvertes par le spectre ISR. Cela se traduit de différentes façons. La gestion applique des principes stricts pour la sélection d’actions ou d’obligations. Elle tient compte des critères ESG, de l’impact carbone et de l’exposition aux objectifs de développement durables définis par l’ONU. Dans la multigestion, nous avons adopté une démarche d’accompagnement des sociétés de gestion avec lesquelles nous travaillons. Nous sélectionnons des stratégies ISR et, lorsqu’une société de gestion n’a pas d’offre ISR, nous veillons à ce que ses pratiques aillent dans la bonne direction. Cela nous permet de sélectionner des fonds qui ne sont pas ISR, tels que les fonds alternatifs. Construire un mandat de gestion 100 % ISR est compliqué, sauf à se limiter à quelques classes d’actifs et à renoncer à d’autres alors que la recherche de rendement est cruciale.

Charles Lacroix : Aujourd’hui, il y a beaucoup de communication autour des fonds thématiques, de l’ISR ou de l’«impact investing». Une des missions de la multigestion consiste à aller vérifier et à analyser ce qui est réellement mis en place. Certains gérants ont une démarche transparente et cohérente, tandis que d’autres font le minimum nécessaire pour obtenir un label et pensent ainsi faciliter leur collecte.

Au début de l’ISR, il y avait cette idée que la sélection des entreprises ayant une démarche responsable surperformerait les indices sur la durée. Aujourd’hui, nous constatons dans la clientèle de la banque privée que, pour les générations plus jeunes, l’ISR est un prérequis avant même la performance. Nous devons donc accompagner nos clients sur ces sujets. En Italie, par exemple, nous travaillons avec une banque privée sur une offre investie significativement en fonds ISR sans pour autant se limiter à des produits estampillés ESG. Autre exemple, nous lancerons l’année prochaine un fonds de microfinance en architecture ouverte afin de répondre au besoin croissant d’«impact investing» de notre clientèle privée.

Loïc L’Hermitte : En matière d’ISR et d’ESG, il ne faut pas être dogmatique mais plutôt pragmatique. Notre approche ISR utilise pour les titres vifs des critères best in class, mais aussi des critères d’exclusion. En matière de multigestion, et dès lors que l’on favorise l’architecture ouverte, il est important de tenir compte des pratiques des sociétés de gestion sélectionnées. Lors des due diligences, nous avons inclus dans le questionnaire envoyé aux sociétés de gestion des questions concernant ces pratiques, de telle sorte que nous aboutissons à un classement entre sociétes de gestion leaders, intermédiaires et déficientes. Parfois, notre analyse nous amène à nous interroger sur la pertinence de la mention ISR apposée à certains fonds.

Charles Lacroix : Parfois, un fonds s’inscrit bien dans une approche ISR, mais les pratiques de la société de la gestion laissent à désirer en matière de gouvernance ou de traitement des salariés ! C’est le rôle de la multigestion d’aider l’investisseur en évaluant la réalité de la démarche engagée par le gérant : est-ce seulement du marketing ou bien cette démarche se trouve-t-elle au cœur du processus de gestion et de la société ?

Par ailleurs, nous constatons une évolution intéressante concernant la gestion alternative et l’approche ISR grâce à l’émergence de fonds Ucits. Mais cela prend du temps, notamment dans le cas des gestions long/short. Quelle logique adopter avec ce type de stratégie ? Faut-il exclure en amont certaines sociétés ne remplissant pas les critères ESG, ou bien avoir uniquement des positions vendeuses sur des titres mal notés ? Tout le travail normatif réalisé ces dernières années dans le cadre de la gestion long-only en est à ses balbutiements pour la gestion alternative. Nous avons, par exemple, monté un partenariat avec un gérant alternatif qui reverse 40 % de ses bénéfices à une fondation qu’il a créée. Nous ne l’avons bien sûr pas choisi uniquement pour cette raison, mais cela donne plus de sens à cet investissement.

Pierre Burnand : Une société qui reverse une partie de son chiffre d’affaires à des associations ou qui met en œuvre des pratiques liées au développement durable sans que ce soit pour autant inclus dans ses processus de gestion peut rentrer dans le spectre des sociétés de gestion dans lesquelles nous avons envie d’investir.

En plus des fonds alternatifs, la multigestion permet-elle d’investir dans des classes d’actifs moins liquides?

Loïc L’Hermitte : L’assureur du groupe, Suravenir, a élargi il y a quelques années la diversification de ses investissements sur des fonds de dette privée. Les gérants de la multigestion ont répondu à cette problématique et, aujourd’hui, l’encours de cette classe d’actifs atteint un montant très significatif. C’est typiquement un exemple de la valeur ajoutée apportée par l’équipe de multigestion. Le private equity est quant à lui traité par une autre entité d’Arkéa Investment Services.

Charles Lacroix : Le groupe Rothschild & Co a développé une activité de dette privée et de private equity gérée par une entité dédiée, qui a notamment mis au point une offre de fonds de fonds en private equity pour répondre à la demande des clients. Pour investir dans un fonds de private equity, il faut avoir une surface financière importante. Le faire à travers un fonds de fonds permet de diversifier davantage les investissements, pour un montant de départ plus faible. La diversification porte aussi bien sur les millésimes que sur la typologie des gérants sous-jacents.

Devant la nécessité de trouver du rendement, et pour cela d’investir dans des classes d’actifs illiquides, la multigestion rend accessible ce type de stratégies en étant particulièrement rigoureuse sur l’adéquation actif/passif. La liquidité d’une enveloppe doit correspondre à la liquidité du moins liquide de ses actifs sous-jacents.

Pierre Burnand : Pour construire des solutions sur mesure, nous devons être capables de sélectionner des actifs illiquides, et même des placements privés. Les équipes obligataires de Sanso IS ont accès à des placements privés très intéressants. Les souches sont plus ou moins importantes, ce qui suppose des portefeuilles d’une taille suffisante pour que cela ne nuise pas à la diversification. La gestion sous mandat permet l’accès à une palette large de produits et de stratégies.

Dans un environnement de marché compliqué, la gestion sous mandat et la multigestion peuvent-elles être réactives ?

En multigestion, comment combiner la réactivité du multigérant avec celle qui peut être déployée dans les fonds sélectionnés ?

Charles Lacroix : Un fonds de fonds peut se révéler très réactif alors que, pour la gestion sous mandat, cela dépend de l’enveloppe. En assurance vie, il n’est pas possible d’opérer des arbitrages fréquents. Dans le cadre d’un mandat, la réactivité du gérant discrétionnaire dépend de la liquidité des actifs sous-jacents.

En règle générale, en multigestion, nous allons rechercher des fonds sous-jacents «purs», plutôt que des fonds d’allocation flexible. Pour certains fonds de fonds d’allocation, nous allons privilégier des produits disposant d’une faible «tracking error», ou bien des ETF. Certains fonds adoptant des approches de décorrélation et de diversification très fortes vont rechercher des stratégies alternatives sur lesquelles l’inertie sera plus importante, dans la mesure où les fonds sélectionnés vont avoir des profils variés et des réactions différentes selon l’évolution des marchés d’actions.

Pierre Burnand : Le savoir-faire du gérant sous mandat réside dans sa capacité à construire des allocations d’actifs et à prendre des expositions tactiques mais aussi, dans le cadre de la sélection de fonds, dans sa capacité à connaître parfaitement le comportement d’un fonds sélectionné en fonction des circonstances de marché.

Loïc L’Hermitte : Dans la gestion des fonds de fonds, les gérants ont tendance à privilégier des fonds indiciels et des ETF pour les allocations cœur, tandis que la partie tactique repose sur des fonds privilégiant plutôt l’alpha. Les multigérants vont également avoir recours à des futures pour ajuster leur allocation aux marchés actions ou obligataires. En gestion sous mandat, la réactivité est moindre, notamment dans le cadre de mandat d’arbitrage Mais elle peut être compensée par l’utilisation de fonds de type total return ou à pouvoir de décorrélation… Ces stratégies composent près de 20 à 25 % de nos portefeuilles modèles, mais l’essentiel de l’allocation repose sur des briques pures en actions et produits de taux. Le prérequis de cette double stratégie réside bien sûr dans l’excellente connaissance et un suivi rigoureux de ces fonds.

Comment répondez-vous aux exigences de transparence des clients ?

Loïc L’Hermitte : Le souhait et la volonté des clients d’avoir plus de transparence obligent les sociétés de gestion à renouveler leur manière de communiquer. La multigestion a un rôle important, notamment en matière de collecte d’informations via les reportings Ampere. La pratique historiquement dévolue aux assureurs dans le cadre de Solvency 2 s’élargit à d’autres typologies de clientèle. En matière d’ESG et d’ISR, la multigestion et l’équipe ISR contribuent également à cette exigence de transparence, tant à destination des investisseurs institutionnels que demain à destination du grand public.

Charles Lacroix : Cela pose de nombreux problèmes de référentiel et représente un travail colossal à mener au niveau des fonds de fonds, en raison des différentes domiciliations juridiques des fonds sous-jacents et de l’hétérogénéité des classes d’actifs concernées.

Pierre Burnand : La transparence est un des critères de la gestion ISR et du respect des critères ESG !

Les compagnies d’assurance ont-elles toutes la même capacité à optimiser le ratio de SCR ?

Roger Caniard : Il faut bien distinguer les compagnies d’assurance qui utilisent un modèle standard et celles qui ont développé un modèle interne. Les premières sont davantage pénalisées dans leur prise de risque, au contraire des secondes qui ont la capacité d’investir davantage dans les actifs à risque en prenant en compte de façon plus fine les sous-jacents. Elles disposent de ce fait d’un avantage compétitif ; pour autant, rien ne prouve jusqu’à présent qu’elles ont réussi à dégager davantage de rendements pour les clients finaux.

Christophe Cattoir : Nous avons décidé de nous faire accompagner d’un cabinet de conseil externe qui vient en appui de nos équipes en interne. Cela nous permet de faire face à la complexité et à la fréquence croissante des états réglementaires que nous devons établir. A ce jour, nous n’envisageons pas de recourir à des modèles internes. En revanche, nous nous concentrons sur notre capacité à modéliser notre SCR notamment, à travers des études d’impact et de stress tests.

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