Table ronde

L’attrait de la gestion thématique reste intact 

Publié le 25 janvier 2023 à 17h59

Catherine Rekik    Temps de lecture 21 minutes

Après avoir rencontré un vif succès auprès des investisseurs ces dernières années, la gestion thématique n’a pas été épargnée par la baisse des marchés en 2022. Certaines thématiques très orientées croissance ou ayant une forte composante technologique ont été arbitrées au profit de thématiques liées à la transition énergétique ou à la gestion de l’eau. Alors que le contexte de récession ne plaide toujours pas en faveur des actifs risqués, Funds s’interroge sur la place à accorder dans un portefeuille à ces fonds thématiques. Comment sont-ils conçus ? Ont-ils tous un biais croissance ? Comment s’assurer de la pureté d’un thème ? Comment appréhender les nouvelles thématiques à la mode (économie bleue, hydrogène, métavers…) ? La gestion thématique est-elle le meilleur moyen d’adresser des objectifs de développement durable ?

Les intervenants :

  • Nathalie Pelras, directeur de la gestion, Fourpoints IM
  • Jacques-Aurélien Marcireau,co-responsable de la gestion actions, Edmond de Rothschild AM
  • Bassel Choughari, gérant, Montpensier Finance
  • Arnaud Chesnay, gérant, Athymis Gestion

2022 a été une année très difficile sur les principaux marchés financiers, et la gestion thématique n’a pas été épargnée. Les encours des fonds thématiques sont pourtant restés relativement stables. Les clients investis dans ces fonds sont-ils plus résili

Nathalie Pelras : Chez Fourpoints, en gestion thématique, nous avons deux offres : un fonds bien lisible sur les thématiques du bien-être de l’homme et la préservation de la planète, et un mandat de gestion qui peut investir dans tous types de fonds actions thématiques. Sur l’année 2022, les performances du fonds et du mandat de gestion sont globalement identiques. En revanche, les principaux contributeurs de performance sont totalement différents. On constate toutefois que toutes les thématiques avec un biais croissance et donc investies dans des entreprises ayant des niveaux de valorisation élevés ont plus souffert du contexte de hausse des taux. Mais les clients ont assez bien supporté cette baisse, car ils ont adhéré à une approche thématique qui s’inscrit sur le long terme. On ne peut pas investir dans la gestion thématique pour du court terme ! Une thématique n’est pas conjoncturelle, même si dans un mandat, il est possible d’arbitrer entre les thématiques en fonction de l’aversion au risque et du niveau de cyclicité du marché. 

Jacques-Aurélien Marcireau : Toutes les gestions thématiques ont pour point commun la capacité à aider les investisseurs à se projeter sur le temps long. Un investisseur peut, par exemple, être sensible à la thématique du changement climatique, et donc investir dans des sociétés capables d’apporter des solutions sur la durée. Si la gestion thématique est bien mise en œuvre et bien expliquée aux clients, elle doit permettre de traverser des périodes comme celle que nous avons connue l’an dernier. 

Le grand apport de la gestion thématique, notamment pour les clients particuliers, est d’arriver à dépasser le court terme et à se projeter sur un sujet auquel ils croient. Chacun a ses préférences, d’où la richesse de l’offre avec des thématiques et des styles différents.

Arnaud Chesnay : C’est toujours difficile de faire des bilans sur une année qui a été extrêmement compliquée. D’autant que tout dépend également de la thématique dans laquelle on est investi. La thématique ESG a, par exemple, été assez fondatrice ces dernières années et a drainé des flux importants dans les fonds. Dans la thématique ESG, la composante environnementale est importante et on y trouve souvent des sociétés ayant un biais plutôt croissance. Or, ce sont celles qui ont le plus souffert l’an dernier et, finalement, cet investissement plutôt vertueux au départ n’a pas été du tout récompensé. 

La gestion thématique doit s’inscrire dans la durée. C’est à la gestion de démontrer que, sur le long terme, les sociétés les plus vertueuses sur les critères ESG qu’elle accompagne dans les thématiques d’investissement sont porteuses de résultats et de croissance. Chez Athymis, nous privilégions la gestion multithématique : au lieu d’être investi sur une seule thématique comme, par exemple, la robotisation, nous avons créé un fonds qui s’appelle Industrie 4.0, beaucoup plus large, qui permet d’adresser plusieurs thématiques au sein d’une même mégatendance. 

Bassel Choughari : Il est important d’analyser 2022 dans sa globalité : l’année a été difficile pour la gestion thématique, certes, mais elle l’a surtout été pour les marchés actions en général, et pour toutes les classes d’actifs. Le style croissance a certes souffert, mais certaines entreprises dans des secteurs de croissance ont aussi bien performé. Prenons l’exemple du luxe dont on ne peut pas dire que les valorisations soient les plus faibles. Et pourtant, c’est un des secteurs qui a soutenu le CAC 40 l’an passé.  

Par ailleurs, beaucoup de reproches ont été formulés l’an dernier contre l’ESG censé être un vecteur de performance, ce qui n’a pas été le cas. La critique n’est pas fondée, car elle repose sur le postulat que la gestion ESG serait une sorte de classe d’actifs capable de performer tout le temps, quel que soit l’environnement de marché. Je ne suis pas sûr qu’une telle classe d’actifs puisse exister ! Il faut regarder l’ESG et la gestion thématique d’une manière plus structurelle pour évaluer leur capacité à générer de la surperformance sur la durée d’un cycle. C’est sur ce point qu’il faut faire de la pédagogie auprès des investisseurs. Il est important d’expliquer pourquoi à un instant t cela ne fonctionne pas alors que les fondamentaux ne sont pas détériorés, ce qui rend l’investissement d’autant plus attractif. Si on prend l’exemple du climat, l’an passé, les Etats-Unis ont adopté l’Inflation Reduction Act qui comprend le plus grand plan de relance verte de l’histoire. Or, aujourd’hui, l’impact de ce plan vert n’est pas reflété dans les cours des entreprises exposées à la transition climatique. Il y a donc un attrait important pour la thématique, que les investisseurs ont d’ailleurs plutôt bien compris.

Jacques-Aurélien Marcireau : Il faut garder en tête que près de 50 % des fonds thématiques ont été lancés ces trois dernières années. C’est un peu court pour faire un bilan de performance. 

Comment définissez-vous la gestion thématique ? Doit-elle être multisectorielle ? 

Jacques-Aurélien Marcireau : La gestion thématique est un concept qui autorise beaucoup d’interprétations différentes. Mais si on regarde les gammes de fonds qui se structurent, il existe deux typologies : les fonds thématiques de spécialité et les fonds thématiques plutôt généralistes. Ces derniers vont appliquer une certaine lecture de leur univers d’investissement. Ils vont souvent être largement multisectoriels alors que les fonds thématiques de spécialité vont avoir une définition très limitée de l’univers d’investissement, parfois même au sein d’un seul secteur. C’est le cas par exemple d’ETF ou de fonds sur la thématique « impression 3D », un sous-segment d’un secteur. Ces deux spectres de la gestion thématique rendent parfois difficile sa compréhension. 

Chez Edmond de Rothschild AM, nos fonds thématiques sont transverses, nous avons une lecture thématique d’un univers investissement qui peut inclure un ou deux secteurs, mais en général, plusieurs secteurs. Nous avons une réflexion sur la façon dont la thématique impacte l’ensemble de l’économie. Prenons l’exemple d’une thématique verte : un gérant peut avoir une vision très précise et très pure, qui ne va pas correspondre exactement à ce que nous faisons en dépit d’une appellation similaire. 

Bassel Choughari : Une gestion thématique doit être, à mon sens, multisectorielle. Si la thématique est trop large, on en dilue l’intérêt, mais si elle est trop étriquée, elle ne laisse pas de place à la gestion active. Le gérant se retrouve sur une bande passante trop restreinte pour pouvoir générer de la performance de manière structurelle. Chez Montpensier, nous construisons des briques thématiques très pures, qui vont être investies dans plusieurs secteurs. Nous avons une définition très claire de l’univers d’investissement dès le départ. Il doit inclure suffisamment de secteurs pour notre travail de stock picking fondamental. L’idée sous-jacente est assez simple : offrir à nos investisseurs un bloc thématique pur pour que, dans leur allocation d’actifs, ils puissent choisir entre le climat, la santé ou le sport en ayant bien compris comment chaque thématique fonctionne. Ils peuvent ainsi savoir s’ils ont en portefeuille une brique thématique décorrélante ou un profil d’alpha complémentaire des briques plus généralistes.

Jacques-Aurélien Marcireau : L’erreur pour un investisseur est de choisir une brique pure en pensant qu’il va avoir finalement une brique un peu tout-terrain concernant la thématique. L’investisseur doit savoir ce qu’il achète, car il y en a pour tous les goûts. Dans notre approche de la transition climatique, nous considérons qu’une banque best-in-class dans le financement de cette transition et dans l’abandon du financement des énergies fossiles a sa place dans notre fonds. Même si l’impact est marginal et la dilution forte par rapport à un producteur éolien, elle joue à son échelle un rôle positif. A l’inverse, elle n’aurait pas sa place dans un fonds très pur. 

Bassel Choughari : Le climat est une thématique assez spécifique, car il y a plusieurs définitions. Certains fonds ont une vocation d’accompagnement pour aider les entreprises à devenir plus vertueuses. D’autres ont vocation à générer plus d’impact et se concentrent sur les apporteurs de solutions qui vont aider les entreprises à se décarboner. Dans les deux cas, ce sont des fonds investis dans la thématique climat, mais avec des comportements et des univers d’investissement différents et une place différente dans une allocation d’actifs. 

Arnaud Chesnay : Si la gestion thématique a émergé, c’est parce qu’elle permet d’accroître ou de favoriser la performance pour les clients, et que ces derniers puissent se retrouver dans ces fonds. Les thématiques accompagnent souvent des disruptions et des mutations dans l’économie à travers un ou plusieurs secteurs. Quand la gestion thématique est multisectorielle, elle a pour avantage de permettre d’équilibrer les styles de gestion, mais aussi les risques. Chez Athymis, nous avons fait le choix d’avoir des thématiques assez larges et transverses, qui puissent effectivement être reflétées à travers plusieurs secteurs d’activité. Ce qui ne nous empêche pas d’avoir une politique de gestion très stricte, notamment sur certaines normes ESG. L’objectif est de répondre aux besoins du client d’avoir une allocation plus pure dans sa stratégie de diversification de ses actifs, mais surtout d’accompagner des potentialités de croissance supérieure à la moyenne et donc d’investir dans des sociétés qui sont capables, dans une phase de disruption, de prendre des parts de marché et d’offrir des chances de surperformance par rapport au marché.

Nathalie Pelras : La définition d’une thématique dépend de la façon dont on l’envisage. Certaines gestions s’engagent par rapport à des objectifs de développement durable qu’elles adressent et veulent mesurer l’impact de leurs investissements. Cela concerne principalement la thématique environnementale, car l’impact est plus facilement mesurable. Dans le cas d’une thématique santé, on ne va pas s’attacher aux émissions de carbone, l’enjeu concerne plutôt la valeur ajoutée pour la santé de l’homme tout en veillant à ce qu’il n’y ait pas de dommages collatéraux pour le reste de la planète. 

Tout va dépendre du souhait des clients en matière d’investissement : veulent-ils un impact réel et quantifiable sur la planète ou par rapport à des objectifs de développement durable ? Souhaitent-ils une espérance de croissance et donc de performance supérieure ? 

Chacun peut mettre un fonds thématique dans son allocation en fonction de ses besoins. Il n’y a pas de définition stable qui corresponde à tout le monde. 

Par ailleurs, dans notre travail de sélection de fonds thématiques, nous regardons si un produit peut être géré par des spécialistes ou des généralistes. En majorité, nous sommes des gérants-analystes actions avec la capacité de faire du stock picking dans un large univers d’investissement, donc en multisectoriel. Mais gérer un fonds sur les biotechnologies par exemple requiert une expertise spécifique. La capacité d’appréhender tous les rouages d’un secteur ou d’une thématique va faire la différence d’un fonds à l’autre. 

«La gestion thématique est conquérante, elle apporte des solutions aux investisseurs pour aujourd’hui, pour demain et pour les années à venir. »

Jacques-Aurélien Marcireau Co-responsable de la gestion actions ,  Edmond de Rothschild AM

Faut-il recourir à des experts indépendants pour bien appréhender les enjeux de certaines thématiques ?

Bassel Choughari : C’est le cas sur tous les sujets. Quelle que soit la formation qu’on peut avoir, si on s’adresse à quatre entreprises cotées qui fabriquent des batteries, chacune va nous dire qu’elle a le meilleur produit. Donc nous avons recours à des réseaux d’experts – distributeurs, installateurs, chargés de maintenance -, que nous allons consulter pour savoir quelle est la meilleure technologie. Nous allons les interroger sur les avantages et les inconvénients de chacune de ces technologies à l’utilisation, au recyclage, et sur les retours des clients. C’est une façon de nous assurer que notre thèse d’investissement, si elle est bien construite intellectuellement, est aussi conforme avec la réalité du terrain. Ces réseaux d’experts contribuent également à la génération d’idées. 

Arnaud Chesnay : Nous faisons également appel à des experts sur le terrain, mais nous y allons aussi. Pour nos fonds thématiques, nous avons participé au salon de Hanovre dédié à l’industrie digitalisée et robotisée, à la NRF à New York, au Salon de l’Auto, etc. Nous lisons aussi beaucoup de revues spécialisées et faisons appel à la recherche d’experts et de cabinets de consultants indépendants.

Jacques-Aurélien Marcireau : La spécialisation des équipes est une nécessité pour les gestions thématiques. C’est ce qui explique qu’en termes de budgets, la recherche traditionnelle des brokers a été arbitrée au profit de la recherche de spécialités et des réseaux d’experts indépendants. C’est un élément de différenciation. Certains de nos fonds ont des comités techniques, mais ce qui est important, c’est d’avoir des experts au plus près du terrain. 

« Plus que la pureté d’une thématique, c’est la cohérence entre le positionnement marketing du fonds et son contenu qui est importante. »

Nathalie Pelras Directeur de la gestion ,  Fourpoints IM

Comment un investisseur peut-il s’assurer de la pureté d’une thématique ? Les lancements se multiplient, parfois plusieurs, sur la même thématique à la mode, comment s’y retrouver ? 

Nathalie Pelras : Plus que la pureté d’une thématique, c’est la cohérence entre le positionnement marketing du fonds et son contenu qui est importante. Il faut s’assurer que le profil des sociétés dans lesquelles le gérant investit est bien en adéquation avec la thématique du fonds. Et ce n’est pas toujours le cas, en effet, avec certaines thématiques à la mode dans lesquelles le lien entre une valeur et le thème est loin d’être évident. Cela ne signifie pas que la performance de ces fonds ne sera pas au rendez-vous, mais il n’y aura pas de cohérence. Donc la pureté d’une thématique dépend de la capacité du gérant à faire comprendre pourquoi il a choisi tel ou tel titre.  

Jacques-Aurélien Marcireau : La gestion thématique ne réduit en rien le besoin de faire une due diligence concernant le gérant et la façon dont il va gérer. Beaucoup d’investisseurs ont été déçus par une thématique alors qu’elle était très porteuse. C’est important de regarder comment est conçue l’approche de la thématique, quel est le processus de gestion, quelle est l’équipe de gestion, etc. On ne peut pas faire l’économie de cette analyse, car choisir une bonne thématique ne suffit pas. 

Arnaud Chesnay : Pour qu’une thématique soit pure, il faut que le gérant du fonds soit convaincu de la thématique. Si un gérant est convaincu qu’une disruption de l’économie peut être source de performance, une sélectivité s’opère naturellement. En regardant les cinq ou dix premières lignes d’un fonds, l’investisseur peut déjà voir si la thématique est respectée ou pas. 

Les premiers gérants qui ont investi dans des thématiques porteuses par pure conviction ont souvent une gestion relativement en phase avec celles-ci. Beaucoup de gérants sont venus ensuite à la gestion thématique par opportunisme, en voyant que ces produits thématiques avaient du succès auprès des clients. Ils n’ont pas toujours mis les bons moyens au bon moment sans avoir non plus de réelles convictions. Lorsqu’on gère un fonds thématique, il ne faut pas avoir la tentation de changer de style en cours d’année pour aller dans le sens du marché, et si, malgré la publication de bons résultats, les sociétés en portefeuille souffrent, il faut garder ses convictions et ne pas essayer d’aller chercher d’autres valeurs moins en phase avec la thématique pour se protéger. Il est toutefois possible de jouer sur les pondérations dans certaines phases de marché, en surpondérant par exemple une ou deux sociétés s’inscrivant dans la thématique pour donner au fonds un profil plus résilient ou, au contraire, avoir la possibilité d’accompagner un effet de marché très positif.

Par ailleurs, l’investisseur final peut aussi regarder le descriptif des fonds qui doit indiquer les secteurs dans lesquels la société de gestion peut investir pour accompagner la thématique et, potentiellement, les secteurs qu’elle peut exclure. Il faut également regarder le processus d’investissement : chez Athymis, nous avons par exemple dix critères de sélection de valeurs et des critères spécifiques selon les thématiques. Certains sont communs comme par exemple le degré d’innovation d’une société ou l’excellence du management. Tout cela permet de vérifier si la société s’inscrit vraiment dans une démarche honnête vis-à-vis de cette thématique.

Bassel Choughari : Chez Montpensier, nous sommes de grands partisans de la pureté. Elle se construit en plusieurs étapes : un univers d’investissement lisible, et une manière d’investir et de gérer bien définie. Nous avons ensuite un travail de pédagogie pour permettre à nos clients, quelle que soit leur typologie, de savoir comment ils peuvent utiliser notre fonds dans leur allocation d’actifs et comment il va se comporter. 

Il faut également être capable de mesurer la pureté d’un thème. Ce que nous faisons en plusieurs étapes avec, en premier lieu, la construction de notre univers d’investissement qui va permettre de définir les grandes lignes de ce sur quoi nous allons investir. Ensuite, en tant que gérants actifs, notre valeur ajoutée est de faire au mieux pour que, même dans les périodes compliquées comme l’année passée, on puisse capturer l’essence de la thématique. L’objectif est de surperformer sur la durée dans un univers défini, en ayant la meilleure exposition possible dans les périodes un peu plus compliquées et en se positionnant au mieux pour capter les phases de rebond. 

Enfin, nous avons également des mesures d’impact et de transparence, corroborées par nos reportings, pour que nos clients puissent s’assurer que nous tenons nos engagements de gestion. 

«Quand la gestion thématique est multisectorielle, elle a pour avantage de permettre d’équilibrer les styles de gestion mais aussi les risques. »

Arnaud Chesnay Gérant ,  Athymis Gestion

Un appétit plus faible pour les actions remet-il en cause l’intérêt pour la gestion thématique ?

Nathalie Pelras : L’année 2022 a rebattu les cartes et a fait prendre conscience que la gestion thématique n’était pas magique. La plupart des thématiques ont bénéficié ces dernières années d’un contexte de taux d’intérêt bas et de liquidités abondantes sur les marchés. Le contexte a pu faire croire à certains investisseurs que la gestion thématique était ce qui performait le mieux par tout temps. 2022 a créé des déceptions d’autant que ce sont les thématiques les moins « vertes » qui ont le mieux performé. Il ne faut pas choisir une thématique en pensant qu’on va être ainsi protégé des aléas du marché actions, mais parce qu’on veut comprendre dans quoi on investit. 

Bassel Choughari : Ces dernières années, le risque action n’était plus forcément mesuré par les investisseurs, mais la gestion thématique n’y est pour rien. L’appréciation erronée du risque vient de la configuration des marchés, de l’action des banques centrales et des niveaux de liquidités que nous avons eus ces dernières années, qui ont généré des excès de valorisation. Les thématiques sont exposées généralement à des tendances de croissance séculaire ou à de super cycles. La performance de ces fonds ne peut pas être linéaire, mais l’objectif est de capturer une tendance positive à long terme. 

Jacques-Aurélien Marcireau : La gestion thématique est conquérante, elle apporte des solutions aux investisseurs, notamment particuliers, pour aujourd’hui, pour demain et pour les années à venir. Les marchés sont de plus en plus influencés par les algorithmes et de plus en plus volatils. Avoir un cap thématique, c’est donc très important. Certaines thématiques permettent d’infléchir la situation dans le bon sens et d’avoir un impact positif sur le monde qui nous entoure. La gestion thématique a trouvé ses lettres de noblesse et il faut se concentrer sur ce qu’elle peut apporter au cours des cinq prochaines années. 

Arnaud Chesnay : Sur la durée, on observe que les investisseurs finaux, qu’ils soient particuliers ou institutionnels, ont toujours tendance à acheter ce qui a déjà bien performé. Ce comportement va perdurer. Par ailleurs, le risque actions est aujourd’hui bien encadré. Si le travail d’information en amont de l’épargnant a été bien fait, il sait qu’il investit sur un support risqué, qu’il soit thématique ou pas. 

Par ailleurs, je reste convaincu que les sociétés capables d’innover - que ce soit dans le domaine de la santé ou de l’industrie -, d’apporter des produits et des services qui contribuent globalement à des avancées positives pour l’homme et pour la vie sur Terre vont gagner des parts de marché et surperformer dans la durée.

Jacques-Aurélien Marcireau : En ce qui concerne les actions, il ne faut pas confondre le risque et la volatilité. Aujourd’hui, le vrai risque n’est pas forcément sur les actions cotées ! 

Bassel Choughari : Remettre en cause l’attrait des fonds thématiques revient à remettre en cause celui des actions en général. Or, si à court terme, l’intérêt pour cette classe d’actifs est moins évident, sur le long terme, elle est incontournable. 

«La gestion thématique est le meilleur moyen d’assurer au client final qu’il a un impact spécifique sur un ODD. »

Bassel Choughari Gérant ,  Montpensier Finance

La gestion thématique est-elle le meilleur moyen d’adresser des objectifs de développement durable (ODD) ? Pour avoir de l’impact, faut-il privilégier des fonds thématiques ? 

Bassel Choughari : Généralement oui, puisqu’il est plus simple de savoir quel impact on va avoir via une thématique. Un fond généraliste peut essayer d’adresser certains ODD, mais en fonction de son allocation sectorielle, ces ODD peuvent varier dans le temps et donc complexifier la grille de lecture pour l’investisseur. Si on cherche à avoir un impact ciblé sur la biodiversité, la transition climatique ou le bien-être, la gestion thématique est en effet le meilleur moyen d’assurer au client final qu’il a un impact spécifique sur un ODD.

Jacques-Aurélien Marcireau : La gestion thématique combinée avec une approche ESG ou d’impact donne une vraie richesse de choix aux investisseurs pour trouver le fonds qui correspond à la fois dans le budget de risque et la volonté d’impact à son cahier des charges.  

Nathalie Pelras : La gestion à impact peut être très différente de la gestion thématique. Mesurer et quantifier l’impact exigent des moyens considérables. La gestion à impact implique une analyse très poussée et un dialogue important avec les sociétés et s’exprime dans des portefeuilles à faible rotation. Une gestion thématique, même si elle intègre une analyse ESG, n’est pas aussi contraignante, car elle peut bénéficier d’un univers d’investissement plus large. 

Arnaud Chesnay : Je pense effectivement que si on veut avoir de l’impact, c’est beaucoup plus facile aujourd’hui avec la gestion thématique. C’est la cohérence qui va sans doute favoriser l’impact : plus la gestion est cohérente par rapport à la thématique, plus l’impact potentiel est important. La gestion thématique répond également aux besoins de la nouvelle génération d’épargnants qui veulent que leurs investissements aient du sens et soient cohérents avec leurs engagements dans la société. 

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