Table ronde

Les atouts des convertibles dans un contexte inflationniste 

Publié le 26 avril 2022 à 17h25

Catherine Rekik    Temps de lecture 21 minutes

Le début d’année a été un peu poussif pour les obligations convertibles alors que les rendements obligataires restent faibles et que la volatilité s’est intensifiée sur les marchés actions depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine. Funds s’interroge sur la sensibilité de la classe d’actifs aux tensions inflationnistes et à la perspective d’une remontée des taux aux Etats-Unis puis en Europe. 
• Quels sont les impacts des rotations de style de gestion actions ? • Quels sont les facteurs de soutien de la classe d’actifs ? • Le gisement se renouvelle-t-il ? • Faut-il investir dans des fonds gérés avec une approche mondiale ou privilégier les convertibles européennes ?• Qu’apportent les convertibles dans une allocation d’actifs ? 

Les intervenants :

  • Sébastien Caron, co-responsable du pôle convertibles & crédit, Ellipsis AM
  • Emmanuel Naar, analyste-gestionnaire obligations convertibles, Lazard
  • Benjamin Schapiro, directeur adjoint de la gestion convertibles, UBP Asset Management (France)

2020 a été une année plutôt favorable à la classe d’actifs et 2021 une année plus contrastée. Pouvez-vous nous rappeler dans les grandes lignes comment se sont comportées les obligations convertibles ces derniers mois ?

Sébastien Caron : Le contexte des deux premiers mois de l’année a été dominé par une forte rotation de style : les valeurs de croissance ont été arbitrées au profit des valeurs value. Or, comme la classe d’actif convertible est représentée par les valeurs de croissance, l’impact a été négatif. Cependant, depuis le début de l’année, aux États-Unis par exemple, les convertibles résistent mieux que les obligations investment grade. L’impact de la hausse des taux est donc bien plus contenu sur les convertibles. 

Ce changement lié à la rotation est-il pour autant durable ? Je ne le pense pas. Les valeurs de croissance ont mangé leur pain noir, et ce pour 2 raisons. La première concerne le poids de chaque secteur qui a été normalisé. Avec la baisse des actions, la sensibilité d’une convertible devient plus faible puisqu’elle revient dans une zone mixte. Pour certains secteurs, comme le e-commerce, le poids a été divisé par 2 voire par 4 selon que l’on regarde les indices globaux ou européens. La seconde raison, sans doute plus importante, concerne la valorisation, redevenue aujourd’hui très attractive. Les valeurs de croissance ont déjà beaucoup baissé donc, d’une part, la protection à la baisse est meilleure et, d’autre part, compte tenu du niveau de valorisation, le potentiel de progression est assez élevé. 

La rotation de style est donc le principal élément qui a pesé sur la classe d’actifs ces derniers mois…

Sébastien Caron : En effet, cette rotation a débuté mi-2021 pour certaines valeurs. Entre fin juin 2021 et aujourd’hui, la valorisation de Zalando a, par exemple, été divisée par 3 et il y en a eu bien d’autres dans le e-commerce en Europe et aux États-Unis ou dans les réseaux sociaux. Quand certaines sociétés ont des multiples de valorisation proches de 20 alors qu’elles connaissent toujours une très forte croissance, cela signifie que l’on se projette sur des niveaux de rendement assez intéressants. 

Benjamin Schapiro : La classe d’actifs s’est très bien comportée durant le « cycle covid ». Ce cycle de marché, marqué par une forte volatilité et par de nombreuses rotations sectorielles, s’est terminé fin 2021. Durant cette période, le comportement des convertibles a été en phase avec les attentes : les actions globales ont progressé de près de 38 % et notre stratégie globale a gagné 26 %, avec une volatilité inférieure de moitié à celle du marché. Nous datons la fin de ce cycle à fin novembre 2021. Cela coïncide avec le moment où la Réserve fédérale a choisi de supprimer le mot « transitoire » pour parler d’inflation, ce qui a ensuite déclenché une série de communications tendant vers des mouvements de restriction monétaire qui ont largement impacté notre classe d’actifs sous l’effet de la sous-performance des thématiques de croissance.

Emmanuel Naar : Effectivement, 2020 avait été une année exceptionnelle pour les convertibles, dont les performances ont clairement battu celles des indices actions et obligataires internationaux. De notre côté, nous avons observé un pic de valorisation, que ce soit sur les émissions de convertibles ou sur les sous-jacents, autour de février 2021, avec des primes qui commençaient à être assez élevées, des coupons faibles et des valorisations sous-jacentes actions assez élevées à l’époque. Depuis cette date, en comparant un indice comme le Russel 2000 Growth rassemblant les mid caps de croissance américaine qui sont des émetteurs assez importants de convertibles à un indice comme le S&P 500, nous constatons qu’à partir de fin janvier 2021 jusqu’à fin mars 2022, la sous-performance des valeurs de croissance est très marquée. L’écart de performance est pratiquement de 40 % entre ces 2 indices durant cette période post-covid. Les valorisations sont désormais revenues à des niveaux beaucoup plus attractifs parce que les résultats sont restés bons. À l’occasion des résultats du 4e trimestre 2021, environ 74 % des émetteurs de convertibles ont battu les attentes. Il y a donc à la fois des résultats qui ont bien progressé, une croissance qui s’est maintenue et des valorisations actions qui ont fortement chuté. Nous commençons à voir la fin de cette rotation, qui selon nous n’est pas si récente, avec des valorisations qui redeviennent extrêmement attrayantes, car cela dure depuis un certain moment.

Sébastien Caron : Alors que les valorisations ont été divisées par 2 ou par 3, on revient sur des niveaux attractifs, compte tenu des fondamentaux de très bonne qualité de certains de ces titres. Il faut se rappeler qu’à long terme, pour la performance des actions et donc des convertibles, l’évolution des bénéfices l’emporte sur les variations de valorisation. Prenons un exemple : la société Etsy propose un service qui correspond bien aux évolutions des modes de consommation, elle permet notamment à des particuliers ou des petites sociétés de vendre en ligne des productions artisanales, des biens vintages ou simplement de seconde main. Cette nouvelle consommation connait aujourd’hui un fort essor, et nous pensons que la société est en passe de multiplier par 2 son chiffre d’affaires en quatre ans. Or, sa valorisation a été divisée par 3 depuis mi-2020, et, pourtant, le cours de l’action est aujourd’hui en hausse par rapport à cette période (multiplication par 2,5). Elle se paye aujourd’hui 17 fois les free cash-flow, ce qui est plutôt modeste si l’on considère ses perspectives. Quand il y a une rotation, il faut savoir, de temps en temps, prendre des risques. On n’est jamais sûr d’avoir le bon timing, mais, à la fin, c’est quand même l’évolution des bénéfices qui va l’emporter sur ces variations de valorisation.

Benjamin Schapiro : Nous partageons ce point de vue sur l’attrait actuel de cette classe d’actifs pour les clients, en raison notamment des opportunités qui existent sur les sous-jacents. Les gérants de convertibles ont l’habitude de parler de technicité, des options qui sont intégrées aux obligations convertibles, etc. Il nous semble qu’il convient aujourd’hui de se concentrer sur les sociétés qui composent notre gisement et de bien expliquer à nos clients qu’investir dans les convertibles, c’est effectivement investir dans un instrument offrant de la convexité, mais c’est également investir dans des thématiques de marché. La croissance du chiffre d’affaires des émetteurs de convertibles est largement supérieure à celle des marchés actions.

Nous avons réalisé une étude qui montre qu’en moyenne, aux États-Unis, on devrait voir près de 20 % de croissance annuelle du chiffre d’affaires sur les 3 prochaines années, contre 6 % en moyenne au sein du S&P 500. Les types de croissance observés dans le gisement ne sont pas du tout similaires à ceux d’un marché d’actions large. C’est un élément dont il faut tenir compte lorsqu’on investit dans la classe d’actifs. Même constat sur les primes de valorisation : la surprime des actions de croissance qui sont dans le gisement, comparée à celle d’un indice actions classique, a été divisée par deux entre fin novembre et mi-mars, qui constitue un point bas des valorisations de ces gisements de très forte croissance.

Nous considérons que le timing est opportun, d’autant que nous constatons une accélération des fusions-acquisitions dans le secteur technologique aux États-Unis depuis fin janvier. Quand les grandes sociétés et les fonds de private equity spécialisés dans la technologie justifient leur acquisition de sociétés de notre gisement, ou de même typologie, par des niveaux de valorisation intéressants, ceci constitue également un bon argument pour la classe d’actifs.

«Pour la performance des actions et donc des convertibles, l’évolution des bénéfices l’emporte sur les variations de valorisation. »

Sébastien Caron Co-responsable du pôle convertibles & crédit ,  Ellipsis AM 

L’inflation et le contexte géopolitique ont-ils marqué un point de rupture en début d’année ? Quel est l’impact pour les styles croissance et value au sein du gisement convertible ?

Sébastien Caron : En effet, à cause de la guerre en Ukraine et du bouleversement géopolitique qui en découle, le problème n’est pas simplement l’inflation, mais des économies qui pourraient être durablement en difficulté, et donc une croissance sous le potentiel. Dans ce contexte, les valeurs les plus sensibles au cycle risquent de souffrir et, à l’inverse, les sociétés qui peuvent bénéficier d’une croissance moins sensible au cycle vont mieux s’en sortir. Or, les obligations convertibles sont bien exposées sur ce type de valeurs, notamment les valeurs qui s’inscrivent dans un changement de mode de consommation ou une rupture technologique. Parce qu’elles ont une croissance plus autonome du cycle que les valeurs cycliques, ces valeurs de croissance devraient mieux s’en sortir. Ce nouveau contexte macro-économique arrive après une très forte rotation, ce qui tombe plutôt bien pour la classe d’actifs.

Emmanuel Naar : Il ne faut pas uniquement réduire l’univers des convertibles internationales à des valeurs de croissance. Depuis 2020, un nouveau type d’émetteurs est arrivé sur le marché des convertibles. Ce sont plutôt des acteurs de la « recovery », des opérateurs de croisières, des compagnies aériennes ou des groupes hôteliers, dont les activités ont été exposées à la pandémie et à ses conséquences sur le secteur du tourisme. Ils ont eu besoin de nouveaux moyens de financement et représentent, selon notre analyse, environ 25 % du gisement. Celui-ci se compose donc à plus de 50 % de valeurs de croissance, mais, pour un quart, ce sont des sociétés directement exposées à la reprise du tourisme et de la consommation discrétionnaire. En principe, elles devraient être pénalisées par une baisse du rythme de croissance de l’économie. Mais, dans le cas actuel, c’est assez différent, car leur principal moteur de performance reste avant tout la reprise des capacités et des voyages. Et, de ce point de vue, les signes sont encourageants puisqu’on voit que les politiques gouvernementales européennes et même mondiales ont tendance à s’accorder sur la façon de lutter contre cette pandémie et ont opté pour un allègement des restrictions. Environ 40 % des émetteurs sont exposés au thème de la « recovery » dans le gisement européen et 25 % dans le gisement global.

Sébastien Caron : Cette représentation des émetteurs liés au tourisme dans le gisement est plus importante que l’exposition des grands indices actions à ce secteur. C’est un point qui mérite en effet d’être souligné, car il signifie qu’il y a un potentiel de surperformance des actions sous-jacentes des obligations convertibles par rapport aux grands indices actions.

Benjamin Schapiro : Il faut garder en tête que, durant cette pandémie de deux ans, la taille de la classe d’actifs a fortement augmenté. Beaucoup d’acteurs ont profité des obligations convertibles pour accéder de manière rapide et efficace à du financement à un moment où cela était crucial. Même si la tendance a très récemment ralenti, il est intéressant de noter que le marché des obligations convertibles est passé de 335 milliards fin 2019 à un peu plus de 500 milliards de dollars à la fin du second semestre 2021. La taille du gisement s’est récemment dégonflée légèrement en raison d’un marché primaire moins actif et de quelques sorties de titres, notamment en Europe. Le marché des convertibles se situe désormais autour de 460 milliards de dollars, soit une croissance de près de 40 % par rapport au niveau précovid. Cette augmentation du gisement explique cette forme de diversification que nous observons aujourd’hui au sein de la classe d’actifs, avec des moteurs de croissance très différents, ce qui nous permet, à nous gérants, de faire de la sélection d’entreprises et de convertibles pour nous différencier les uns des autres et exprimer nos convictions.

Les nouveaux entrants ont fait évoluer le gisement en matière de secteurs. Les caractéristiques des convertibles émises ont-elles aussi évolué ?

Emmanuel Naar : Il y a eu des évolutions assez marquées. Outre l’apparition de nouveaux émetteurs – les compagnies aériennes, les entreprises du transport ou du tourisme qui n’étaient pas très actives sur le marché des convertibles –, on remarque aussi que la taille moyenne des obligations convertibles a fortement progressé. Il y a quelques années, la taille de ces émissions était en moyenne de l’ordre de 350 millions de dollars alors que depuis 2020 c’est plutôt autour de 540 millions. En volume d’émission, la moyenne est de 150 milliards de dollars en 2020 et 2021 alors qu’historiquement ce chiffre était plutôt proche des 75 milliards. Ces émissions de taille plus importante favorisent la liquidité sur le marché. 

Depuis février 2021, les valorisations, qui étaient un peu élevées, ont été corrigées et l’on est revenu sur des niveaux de coupons plus favorables aux porteurs, des primes resserrées, ce qui a été plutôt bénéfique aux investisseurs. Les structures des convertibles sont restées très classiques, avec des clauses très protectrices pour les porteurs, ce qui est important puisqu’on voit effectivement une accélération du M&A, des clauses qui protègent contre les dividendes. Nous disposons donc d’un nombre élevé de ces convertibles aux clauses intéressantes.

«La qualité de crédit est essentielle étant donné qu’elle assure la protection à la baisse et donc le profil asymétrique de la classe d’actifs. »

Benjamin Schapiro Directeur adjoint de la gestion convertibles ,  UBP Asset Management (France)

Comment caractérisez-vous une bonne convertible ?

Sébastien Caron : Tout dépend des secteurs ! Sur des secteurs classiques, il faut une distance au plancher assez proche et une prime plutôt faible. Dans certaines périodes, des émissions ne cochent pas ces cases et il faut être très sélectif. C’est un peu différent pour les valeurs qui s’inscrivent dans de grandes transformations, que ce soient des ruptures technologiques ou des changements d’habitudes de consommation, parce qu’il s’agit de sociétés qui vont changer du tout au tout le taux d’adoption d’un service. Sur ce type de grands changements, même un plancher qui serait un peu plus loin, non pas 10 % de distance mais plutôt 15 ou 20, vaut déjà beaucoup. Si le pari de la société n’est pas totalement rempli et que les investisseurs sont un peu déçus, pourvu que le bilan soit sain, la convertible peut tomber sur son plancher. À l’inverse, si une société réussit son pari, le cours de l’action peut fortement progresser en quelques années grâce au doublement ou triplement du chiffre d’affaires et des résultats.

Benjamin Schapiro : Quel type de convertibles apprécions-nous ? Il y a 3 éléments à prendre en compte selon moi. Le premier concerne la valeur que nous voyons dans le potentiel de hausse de l’action sous-jacente, puisqu’en investissant dans une obligation convertible, nous souhaitons que l’action progresse suffisamment pour atteindre le prix de conversion.

Deuxièmement, la qualité de crédit est essentielle étant donné qu’elle assure la protection à la baisse et donc le profil asymétrique de la classe d’actifs : même si nous espérons que la convertible sera convertie, il faut toujours prendre en compte le cas où le potentiel ne se réalise pas, ce qui oblige la société à rembourser la convertible. Il est donc primordial de croire en la capacité de la société, à l’horizon de la maturité de la convertible, à rembourser celle-ci. 

Enfin, le troisième élément, plus spécifique à notre classe d’actifs, concerne la valorisation de l’option dans la convertible. En tant que gérants de convertibles, nous nous attachons évidemment à investir dans une option qui présente la valorisation la plus attractive possible, ce qui améliore le couple risque/rendement.

Emmanuel Naar : En effet, il faut que l’action monte et que le crédit nous protège, mais il faut aussi que la convertible soit bien valorisée, avec un profil plutôt convexe qui permette une participation à la hausse relativement importante. Il y a donc aussi un aspect de structure à considérer au moment de l’investissement, afin d’avoir un profil beaucoup plus attractif qu’un investissement direct en actions. C’est ça l’intérêt des convertibles : des émetteurs très dynamiques, mais pouvant être assez volatils, ne payant pas de dividende et pouvant être trop risqués pour un investissement direct en action alors qu’avec une convertible bien structurée, avec un crédit solide, on peut capter le potentiel de hausse tout en étant assez bien protégé à la baisse, avec toujours le remboursement à maturité.

Sébastien Caron : Sur les premiers points mentionnés, potentiel de l’action et qualité de crédit, je pense qu’il est important de prioriser la qualité de crédit pour bien obtenir ce qu’on attend d’une convertible, à savoir de l’asymétrie. Pour cela, il faut que le plancher soit solide. Donc même quand on aime bien une société et que l’on est convaincu du potentiel de l’action, il faut accepter la contrariété de ne pas acheter la convertible si le crédit n’est pas assez bon. Par ailleurs, cette qualité de crédit s’apprécie aussi bien sur des critères financiers qu’extrafinanciers. Les considérations de gouvernance sont primordiales dans l’évaluation de la qualité de crédit.

Pour investir dans la classe d’actifs, faut-il privilégier une approche par zone géographique ou une approche plutôt globale ? Le marché américain est-il plus attractif que le marché européen ?

Sébastien Caron : Les paramètres de risque sont un peu plus élevés dans une approche globale en raison de l’exposition aux États-Unis et à l’Asie. Dans les fonds européens, la qualité de crédit est en moyenne un peu meilleure. Pour un investisseur européen, c’est vraiment une question de dosage entre les 2 marchés en fonction du goût pour le risque.

Emmanuel Naar : En effet, les profils sont différents. En Europe, il y a plus d’émetteurs investment grade, moins de portage et la convexité est assez forte généralement, ce qui est un point positif. À l’heure actuelle, il y a aussi plus d’histoires de « recovery » avec des titres liés à la reprise du tourisme. Au niveau global, notamment aux États-Unis, il y a plus d’émetteurs non notés ou high yield, des taux plus élevés, donc un peu plus de portage et une appétence au risque actions plus forte que l’on constate au moment des émissions. Sur le marché américain, les émissions ont tendance à sortir avec plus de delta, plus de sensibilité aux actions. La sensibilité action est donc généralement plus élevée sur le marché global.

Benjamin Schapiro : Investir dans un fonds global permet d’accéder au gisement américain, qui est, de très loin, le plus grand puisqu’il représente à peu près 70 % du marché des convertibles. La taille du marché européen est somme toute plus modeste, même si l’on y trouve de jeunes sociétés de taille moyenne, avec de très fortes histoires de croissance. Certes, le marché européen reste, en moyenne, davantage « investment-grade » que le marché américain, mais l’on observe une tendance à l’américanisation du gisement, qui est particulièrement intéressante.

«Rajouter une proportion de convertibles dans un portefeuille mixant actions et obligations permet d’améliorer la performance en baissant le risque. »

Emmanuel Naar Analyste-gestionnaire obligations convertibles ,  Lazard

Vous avez évoqué les valorisations attractives des convertibles, le M&A comme facteur de soutien également : quels sont les autres atouts de la classe d’actifs ?

Emmanuel Naar : Les fondamentaux sont plutôt bons : en moyenne, sur les derniers résultats trimestriels, 75 % des émetteurs ont battu les attentes, avec des valorisations qui ont fortement diminué. En matière de structure, nous avons des convertibles convexes, qui nous permettent d’avoir des profils de risque asymétrique. Le niveau de convexité est très élevé dans le marché. Le dernier point est plus conjoncturel puisque les convertibles ont une sensibilité assez limitée à la remontée des taux, en tout cas par rapport au reste du segment fixed income. Historiquement, sur les vingt-cinq dernières années, il y a eu 10 périodes de montée des taux 10 ans américains. Durant ces 10 périodes, il y en a eu 9 durant lesquelles le marché global des convertibles a eu des performances positives.

Benjamin Schapiro : La performance de notre gisement depuis un an est en deçà des attentes compte tenu des mouvements intervenus sur les marchés actions. Notre sentiment est qu’il faut vraiment voir ceci davantage comme une opportunité, car les niveaux de valorisation sont très intéressants. Dans un contexte de ralentissement économique, d’inflation, de hausse des taux et de guerre en Ukraine, les biais qui existent dans notre gisement rendent ce dernier particulièrement attrayant, selon nous. Ainsi, ces prochains mois, les investisseurs devraient souhaiter se repositionner sur ce segment de marché, car il recèle des histoires de croissance séculaire, plus indépendantes des cycles économiques.

En partant de niveaux de valorisation assez faibles, nous avons la possibilité de générer, en comparaison des marchés actions, une performance plus satisfaisante que ce que nous avons connu depuis un an. 

Sébastien Caron : Les convertibles ne sont pas simplement un mélange d’actions et d’obligations. Et d’ailleurs, sur le long terme, la performance des convertibles n’est pas la moyenne entre les deux, elle est beaucoup plus proche de la performance des actions (sur vingt-huit ans : 7,5 % pour le Refinitiv Global Convertible Vanilla vs 7,8 % pour le MSCI world). Une partie de l’explication vient de la présence dans le gisement des convertibles de sociétés qui s’inscrivent dans une croissance séculaire, dans la transformation d’un mode de consommation où opèrent de grandes ruptures technologiques. Ces sociétés ont, en effet, généré plus de la moitié de la performance. 

Qu’apportent les convertibles dans une allocation d’actifs ?

Emmanuel Naar : Il faut faire une distinction entre les différents investisseurs. Pour les investisseurs « fixed income », c’est avant tout une très bonne source de diversification. Les émetteurs de convertibles n’émettent souvent que ce type d’obligations, donc ils offrent une diversification de secteurs et permettent aussi de dynamiser un portefeuille en ajoutant des sources de performance (une exposition à la sensibilité aux actions et une exposition à la volatilité) sans ajouter de duration. Pour un gérant diversifié, il s’agit clairement d’améliorer la frontière efficiente. Rajouter une proportion de convertibles dans un portefeuille mixant actions et obligations permet d’améliorer la performance en baissant le risque. Enfin, dans un portefeuille plutôt orienté actions, les convertibles permettent de s’exposer à certaines sociétés avec beaucoup plus de sérénité et de protection à la baisse, du moment que l’analyse crédit a été bien faite.

Benjamin Schapiro : C’est toute la beauté de l’instrument : chaque investisseur peut y trouver de l’attrait. Certains clients de type obligataire s’orientent souvent vers cette classe d’actifs lorsqu’ils veulent reprendre un peu de risque au sein de leur portefeuille avec un instrument légèrement plus dynamique. À l’inverse, d’autres typologies de clients, plus investis sur les actions, sont satisfaites, à un certain moment de marché, d’acheter la protection que fournissent les convertibles pour pouvoir réduire leur risque actions. D’autres ont, de façon structurelle, une poche d’obligations convertibles dans leurs allocations afin d’améliorer le risque/rendement de leur portefeuille. Les convertibles sont un marché de niche, mais un marché qui recèle une grande variété d’opportunités et qui peut présenter de l’intérêt pour toutes les typologies de clients : soit lorsque les marchés ont connu une forte hausse, soit lorsqu’ils ont beaucoup baissé et que les investisseurs souhaitent profiter d’un rebond au travers des obligations convertibles.

Sébastien Caron : Une autre manière plus récente de mesurer l’apport particulier des convertibles dans un portefeuille, c’est d’observer la performance cumulée des années 2020-2021 : elles ont réalisé 70 % de la performance des actions sur cette période, tandis qu’au plus fort de la correction liée à la pandémie, le 23 mars 2020, les convertibles affichaient seulement 40 % de la baisse. 

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