- Quel bilan peut-on faire de la classe d’actifs, un an après le début de la crise du Covid-19 ? Les obligations convertibles bénéficient-elles toujours d’un environnement favorable ?
- Après une longue période de désamour, les bonnes performances de 2020 ont-elles déclenché un retour des flux en faveur des fonds de convertibles ? Avez-vous identifié de nouveaux investisseurs dans la classe d’actifs ?
- Comment a évolué le gisement ces derniers mois ? Quels sont les secteurs représentés ? De nouveaux profils d’émetteurs sont-ils apparus ?
- Les caractéristiques des convertibles émises ont donc également évolué ?
- Peut-on s’exposer aux marchés émergents via les convertibles ? Le gisement est-il intéressant ? Quelle place occupent les convertibles émergentes dans les portefeuilles globaux ?
- Les obligations convertibles sont-elles exposées au risque de remontée des taux que craignent les investisseurs ? Quels sont les risques qui pèsent sur la classe d’actifs à court et moyen terme ?
- Comment les opérations de fusions-acquisitions, qui devraient s’accélérer dans un contexte de reprise économique, bénéficient-elles aux porteurs d’obligations convertibles ?
- Quels sont les atouts et les perspectives de la classe d’actifs à court et moyen terme ?
Quel bilan peut-on faire de la classe d’actifs, un an après le début de la crise du Covid-19 ? Les obligations convertibles bénéficient-elles toujours d’un environnement favorable ?
Arnaud Brillois
L’année 2020 a été fantastique pour les obligations convertibles. La classe d’actifs s’est renforcée en termes de crédibilité et de performance, mais aussi d’appréciation par les investisseurs. Les convertibles ont bien amorti le choc du mois de mars, car le gisement était assez convexe, avec un bon niveau de protection en début d’année. Elles ont ensuite bien rebondi, grâce à la répartition sectorielle et à l’attrait des investisseurs, mais aussi à un marché primaire dynamique qui a permis d’accroître la diversification sectorielle, que ce soient avec des sociétés de croissance ou en retournement telles que les compagnies aériennes ou les groupes hôteliers. Les performances des convertibles, comparées à celles des principaux indices actions, sont très bonnes. L’attrait pour les convertibles est toujours aussi fort, comme le montrent les flux et les demandes des investisseurs. Le marché est toujours aussi dynamique. L’environnement est favorable à une gestion active et diversifiée, qui s’adapte rapidement aux différentes configurations de marché.
Nicolas Schrameck
Il est intéressant de comparer la performance des convertibles à celle des actions, mais aussi des autres classes d’actifs traditionnelles telles que les obligations. La performance est tout aussi remarquable durant la baisse du marché que pendant la phase de rebond. Les convertibles globales et européennes affichent une surperformance moyenne de 10 % environ par rapport à un composite un tiers obligations investment grade, un tiers obligations high yield et un tiers actions. C’est ce qui a attiré l’attention des investisseurs. Outre une bonne diversification sectorielle, le gisement a amélioré sa qualité de crédit ces dernières années, ce qui a aussi permis la bonne résistance durant la crise. Cet atout est encore valable aujourd’hui.
Arnaud Brillois
L’argument de la qualité de crédit est surtout vrai pour l’Europe, où les deux tiers du gisement sont notés investment grade dans les indices de convertibles. A l’international, il y a eu beaucoup d’émissions de sociétés non notées, et la notation moyenne du gisement des convertibles globales est de BB+. Cependant, sur le long terme, les convertibles ont un taux de défaut inférieur de 45 % à celui du high yield. Cela est lié au fait qu’environ 60 % des convertibles sont émises par des entreprises qui n’émettent que ce type d’obligations, avec une grande capacité de refinancement ou de restructurations pour éviter les défauts.
Brice Perin
Quelques éléments de défaut avaient affecté le monde des convertibles en 2018 et 2019, ce qui a engendré un peu de défiance des investisseurs envers la classe d’actifs. Or, l’année écoulée a démontré que, malgré un krach de marché – bref, mais violent –, les convertibles avaient bien joué leur rôle d’amortisseur. L’année 2020 a mis en avant deux points positifs : la limitation des drawdowns, de l’ordre de 10 % dans les indices convertibles européens, contre des indices actions en repli de 30 à 40 %, et la très bonne performance sur l’année calendaire grâce au renouvellement du marché et au dynamisme de certains secteurs.
Bastien Rapoport
En 2020, au début de la crise, les convertibles étaient bien convexes, ce qui leur a permis d’amortir la baisse du marché. Deux raisons expliquent ensuite le rebond de la classe d’actifs. La première concerne la bonne performance relative de la composition de sous-jacents en Europe et aux Etats-Unis, comparée à la composition des indices actions classiques. Cette composition est un atout de long terme pour les convertibles, car le gisement est assez procyclique en raison de la faible durée de vie d’une obligation convertible, surtout lorsqu’on a une stratégie convexe. Le taux de rotation des convertibles s’est accéléré.
Dans la seconde partie de l’année, les convertibles ont bien profité du rallye en faveur des valeurs cycliques et de la « value ». A la surperformance des grandes valeurs de croissance, très représentées aux Etats-Unis mais aussi dans le gisement des convertibles en Europe depuis fin 2019, s’est ensuite ajoutée la surperformance des émissions plus cycliques d’entreprises très pénalisées par la crise du Covid-19. Ces dernières ont émis entre avril et l’automne, sur des niveaux de cours des actions assez faibles, et ont repris la hausse de façon très forte. En Europe, par exemple, Safran et Amadeus se sont refinancés en émettant des convertibles dans le creux des marchés. Le gisement des obligations convertibles a donc bien profité des deux phases de hausse assez différentes. En matière de qualité de crédit, le gisement européen s’est rapproché l’an dernier du gisement américain. Certaines émissions, si elles étaient notées, se rapprocheraient plus du segment cross-over que de l’investment grade. La qualité du crédit se dégrade donc légèrement en Europe, alors qu’elle est stable aux Etats-Unis.
Après une longue période de désamour, les bonnes performances de 2020 ont-elles déclenché un retour des flux en faveur des fonds de convertibles ? Avez-vous identifié de nouveaux investisseurs dans la classe d’actifs ?
Bastien Rapoport
Le désamour pour la classe d’actifs est un peu en trompe-l’œil. La taille du marché a augmenté ces dernières années, car il y avait de nouveaux investisseurs.
Arnaud Brillois
La classe d’actifs a été délaissée par les investisseurs en 2008-2009. Elle a baissé de plus de 20 % durant la période, contre un repli de plus de 40 % pour les marchés actions. Or, une baisse de 20 % pour une classe d’actifs censée protéger a constitué une déception pour certains investisseurs. En 2010, il y a un regain d’intérêt pour les fonds européens grâce à un marché primaire très actif. A partir de 2016, il y a eu une réallocation des flux internationaux des investisseurs des fonds européens vers les fonds globaux, avec une exposition importante au marché américain qui fonctionne bien. Cependant, chez Lazard Frères Gestion, nous avons depuis 2015 un flux continu en faveur des obligations convertibles, 2020 ayant été une année exceptionnelle en matière de collecte. Nos actifs sous gestion ont doublé l’an dernier, grâce à la performance et à l’effet devise, mais surtout à l’importance des flux.
Par ailleurs, différentes études sur la classe d’actifs dans sa globalité montrent que les montants investis dans les fonds ouverts ont légèrement diminué au profit des mandats.
Bastien Rapoport
En effet, nous l’avons constaté en Europe. On avait l’impression que la classe d’actifs se contractait parce que la somme des fonds ouverts diminuait alors que, en réalité, les flux portaient sur des mandats institutionnels.
Arnaud Brillois
L’investissement dans les convertibles via des mandats est un élément positif, car il montre que les investisseurs projettent l’exposition à la classe d’actifs sur le long terme. Un mandat s’inscrit à un horizon de trois, quatre ou cinq ans.
Brice Perin
Nos encours sous gestion sur les obligations convertibles ont été multipliés par trois depuis trois ans. Nous avons constaté une accélération des flux depuis 2020 et un regain d’intérêt de certains clients. Les bonnes performances de 2020 ont remis un coup de projecteur sur la classe d’actifs qui devrait voir sa pondération augmenter dans les allocations d’actifs. L’absence de panique des investisseurs en obligations convertibles au moment de la baisse des marchés a également contribué à la bonne performance l’an dernier, alors que, en 2008 ou 2016, la baisse du marché, couplée à des flux sortants massifs, avait fortement pesé sur les valorisations.
Nicolas Schrameck
Nous avons également constaté ces deux mouvements, des fonds européens vers des fonds globaux et, au sein de l’Europe, des fonds vers les mandats. Ce dernier mouvement semble achevé, désormais. Le regain d’intérêt porte aujourd’hui sur des fonds ouverts. Au dernier trimestre 2020, selon Bank of America, il y a eu 500 millions d’euros de collecte sur les fonds ouverts européens et 500 millions sur les fonds globaux. Sur les deux premiers mois de l’année, ce sont encore 500 millions d’euros qui ont été collectés pour les fonds européens et 3 milliards pour les stratégies globales.
Comment a évolué le gisement ces derniers mois ? Quels sont les secteurs représentés ? De nouveaux profils d’émetteurs sont-ils apparus ?
Brice Perin
Le marché primaire était deux fois plus important en 2020 qu’en 2019, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Cette tendance se poursuit, avec plus de 45 milliards d’euros d’émissions globales à la mi-mars. Environ 25 % du gisement ont ainsi été renouvelés. Ce dynamisme apporte de la diversification. Cela souligne l’opportunisme et la capacité d’adaptation de la classe d’actifs aux différentes configurations de marché.
Bastien Rapoport
Cette capacité du marché à être boursièrement procyclique explique d’ailleurs les bonnes performances sur le long terme. Le placement des convertibles sur le marché étant relativement rapide, les émetteurs épousent assez bien les thématiques boursières du moment. Les sous-jacents ont ainsi des performances liées à des entreprises qui sont dans le momentum boursier. Structurellement, il y a plus de valeurs technologiques, de valeurs de santé, de medtechs et de biotechs sur le marché américain.
Nicolas Schrameck
A travers le marché primaire, c’est un cycle vertueux qui se met en place pour les convertibles. Aux Etats-Unis, certains émetteurs sont des entreprises récemment cotées en Bourse, comme Airbnb ou Spotify. La richesse du gisement va perdurer grâce à ces nouveaux émetteurs et aux émissions d’acteurs historiques. Le marché primaire est plus équilibré que par le passé, où il pouvait y avoir des concentrations sur certaines thématiques.
Brice Perin
Le poids de certains secteurs comme l’immobilier, qui a représenté plus de 20 % du gisement, s’est réduit. D’autres secteurs en sont toujours quasiment absents, comme les assurances ou les banques. L’univers des convertibles est traditionnellement orienté croissance, mais le gisement est suffisamment riche pour nous permettre d’adapter nos portefeuilles en fonction de nos anticipations.
Bastien Rapoport
Le marché croît en taille, mais aussi en profondeur, c’est-à-dire en choix d’investissement. Les montants levés tiennent plus au nombre d’émissions qu’à des émissions « jumbo » comme par le passé. Cela permet à des stratégies de picking de créer des portefeuilles diversifiés.
Arnaud Brillois
Le marché a considérablement grossi, de 340 milliards de dollars en décembre 2019 à 510 milliards en février 2021, soit une augmentation de 50 %. Il y a eu environ 60 % des nouvelles émissions provenant de sociétés de croissance, contre 40 % de sociétés en retournement ou « value ». Le marché primaire est aussi un apport de convexité. La partie croissance a été aussi renouvelée, souvent avec un rachat des obligations précédentes. Des convertibles qui avaient très bien marché ont été transformées en convertibles plus convexes. Nous avons pu ainsi renouveler la convexité du portefeuille.
Du côté des sociétés plus en difficulté, l’émission de convertibles s’est souvent accompagnée d’une augmentation de capital. Nous avons ainsi acheté des convertibles sur de nouveaux secteurs, émises par des sociétés dont les valorisations étaient très faibles et dont les bilans avaient déjà été améliorés, les convertibles n’étant pas le seul moyen de refinancement. Nous avons privilégié des émetteurs qui émettaient dans des conditions très intéressantes pour nous en termes de valorisations, souvent accompagnées d’une hausse des actions qui rendait le profil de ces sociétés attractives à court terme.
Les caractéristiques des convertibles émises ont donc également évolué ?
Bastien Rapoport
Les caractéristiques s’adaptent au marché. Ce sont les conditions de marché instantanées qui sont reflétées dans la valorisation de l’obligation convertible émise. Quand un spread de crédit s’est créé, on le retrouve dans la convertible et, si le cours de Bourse est faible, la probabilité de participer à la recovery est plus forte.
Brice Perin
Des convertibles avec une forte sensibilité actions ont été remplacées par de nouvelles émissions, avec des deltas plus faibles, qui redonnent globalement plus de convexité à la classe d’actifs.
Arnaud Brillois
Certaines tendances pourraient nous pénaliser à un moment donné. Sur le marché américain, l’investisseur a toujours été plus attiré par la partie optionnelle que par la partie obligataire donc, traditionnellement, l’exposition actions d’une convertible a toujours été plus élevée que ce que nous pouvons trouver en Europe. Mais nous avons vu que, sur une partie du gisement, les émissions ont été réalisées avec une sensibilité actions élevée dès le premier jour. Il y a donc des différences entre les secteurs qui émettent, mais aussi au sein de chaque secteur où l’on voit des structures de convertibles sur la partie optionnelle plus agressives qu’elles ne l’étaient par le passé. Il y a une tendance à la diminution des primes aux Etats-Unis et à une certaine stabilité en Europe.
Brice Perin
C’est ce qui fait la richesse et la complémentarité des zones. Sur le marché américain, les primes sont plus faibles mais les deltas sont de l’ordre de 70 %, contre 50 % en Europe ; alors que les primes s’y situent entre 40 et 45 %.
Peut-on s’exposer aux marchés émergents via les convertibles ? Le gisement est-il intéressant ? Quelle place occupent les convertibles émergentes dans les portefeuilles globaux ?
Nicolas Schrameck
Les portefeuilles globaux sont investis dans des convertibles émergentes, mais la classe d’actifs n’a jamais vraiment décollé dans les pays émergents. Malgré une forte hausse après la crise de 2008-2009, la zone ne représente pas plus de 20 % du gisement. Celui-ci n’est pas suffisamment profond et riche pour lancer une stratégie uniquement sur les convertibles émergentes, mais il participe à la diversification des portefeuilles.
Bastien Rapoport
Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de convertibles de sociétés de pays émergents, en particulier chinoises, qui ont pour sous-jacents des ADR cotés sur les marchés américains. Il ne faut pas les considérer uniquement comme des actifs américains.
Arnaud Brillois
Les obligations convertibles émergentes sont principalement les convertibles asiatiques, et représentent environ 12 % du gisement international. En particulier, les convertibles émises par des sociétés émergentes cotées aux Etats-Unis sont très intéressantes, car elles ont une meilleure liquidité que les convertibles hongkongaises, avec une transparence plus forte grâce à la publication de prospectus aux normes américaines. En 2019, il y a eu une forte progression des convertibles chinoises, puis une stabilisation l’an dernier, mais nous savons qu’une trentaine de sociétés chinoises ont demandé l’autorisation d’émettre des obligations convertibles internationales dans les deux prochaines années. Le gisement devrait se renouveler, d’autant que les convertibles domestiques ont eu un succès incroyable. Certaines ont été sursouscrites plus de 1 000 fois ! Cela devrait donner des idées à des entreprises qui, via une émission internationale d’obligations convertibles, vont diversifier leurs bases d’investisseurs.
Les obligations convertibles sont-elles exposées au risque de remontée des taux que craignent les investisseurs ? Quels sont les risques qui pèsent sur la classe d’actifs à court et moyen terme ?
Brice Perin
Les convertibles sont un peu immunisées contre le risque de remontée des taux. Elles ont en général des maturités assez courtes. Elles ont également une protection via le crédit. Sur longue période, les phases de remontée des taux ont été plutôt bénéfiques pour la classe d’actifs. En revanche, il y a eu, à certains moments, comme en 2016, des effets indirects via le comportement des sous-jacents. A cette époque, le secteur immobilier représentait 20 % du gisement, et la hausse des taux avait directement affecté négativement les cours de Bourse des foncières.
Nicolas Schrameck
Depuis vingt ans, il y a eu une dizaine de périodes de hausse des taux de plus de 50 points de base. Chaque fois, les performances ont été positives pour les convertibles, dont les marchés actions constituent le principal moteur de performance, contrairement aux autres classes d’actifs obligataires. Ces hausses de taux ont eu lieu dans des contextes d’expansion économique comme c’est le cas aujourd’hui.
Bastien Rapoport
Entre 15 à 20 % des gisements se renouvellent chaque année, selon les conditions de taux et de crédit du moment. Seul le risque de krach obligataire serait vraiment négatif pour la classe d’actifs car, dans le même temps, les marchés actions s’effondreraient. Si l’environnement économique justifie la hausse des taux, c’est plutôt une bonne chose pour la classe d’actifs.
Brice Perin
Si, pour des problématiques d’anticipation d’inflation, les taux américains dérapent et le risque de krach sur les marchés actions se matérialise, la convexité naturelle des convertibles reste un atout dans une allocation d’actifs par rapport à un investissement direct en actions. Mais ce scénario noir, induisant des krachs obligataires et boursiers, n’est pas le nôtre.
Bastien Rapoport
Il est toujours préférable d’être investi en convertibles qu’en actions ! Sur une longue période, si l’on compare un indice global de convertibles et le MSCI World ou un indice européen de convertibles avec l’Euro Stoxx, les performances annualisées sont similaires, mais la volatilité est deux à trois inférieure en fonction des zones. Les convertibles doivent être considérées comme une brique de long terme qu’il faut avoir en permanence dans un portefeuille diversifié.
Nicolas Schrameck
Le couple rendement/risque des convertibles en fait une allocation à privilégier quelles que soient les conditions de marché.
Arnaud Brillois
Il faut relativiser cette remontée des taux. En effet, ils montent, mais pas de façon significative et, si le taux dix ans se rapproche de 1,9 % ou 2 %, la Fed pourrait intervenir pour limiter la hausse afin de ne pas détruire l’environnement créé par les baisses des taux et les injections de liquidités. Je ne suis pas inquiet quant au risque de krach obligataire dans les prochains mois. En revanche, on ne peut pas exclure une correction temporaire des marchés actions, en particulier pour les secteurs qui sont présents dans le gisement des convertibles, qui compte beaucoup de valeurs de croissance, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe. Des rotations qui cibleraient l’ensemble de ces secteurs fragiliseraient automatiquement les obligations convertibles. Cependant, grâce au marché primaire, qui a apporté de la « recovery » et de la « deep value », une gestion active peut permettre d’éviter ce type de problème.
Par ailleurs, on pourrait imaginer un risque de surchauffe du marché primaire, même s’il semble peu probable en raison de l’attrait des investisseurs pour la classe d’actifs. Il ne devrait pas y avoir de problème de placement, mais il faut tout de même prendre en compte ce risque. Et puis, une partie du gisement, notamment le secteur du tourisme, va être directement concernée par des augmentations de capital. Ce qui n’est pas très plaisant pour les porteurs de convertibles en raison de l’effet de dilution.
Brice Perin
Contrairement à début 2020, les niveaux de valorisation ont désormais perdu de leur attractivité en termes de volatilité implicite. Par ailleurs, il faut en effet s’interroger sur la poursuite éventuelle de la rotation sectorielle, notamment des valeurs ayant profité de la crise du Covid-19 vers les valeurs de la « recovery ». Mais la bonne diversification du gisement permet de modifier ses expositions, grâce à une gestion active.
Bastien Rapoport
Les risques que les refinancements font peser sur les actions sous-jacentes de certains secteurs convertibles et donc sur les convertibles montrent bien l’importance de sélectionner des titres de sociétés bien gérées, avec un bilan sain et une bonne dynamique avant la crise, afin de limiter les effets négatifs des augmentations de capital à venir. Des augmentations de capital récentes ont pu être absorbées facilement par le marché.
Comment les opérations de fusions-acquisitions, qui devraient s’accélérer dans un contexte de reprise économique, bénéficient-elles aux porteurs d’obligations convertibles ?
Nicolas Schrameck
Le M&A est particulièrement intéressant pour le gisement européen, les clauses de ratchet inscrites dans les prospectus y étant favorables. Ces clauses permettent d’ajuster le ratio de conversion pour compenser le porteur de convertibles de la prime qui est payée aux actionnaires. En Europe, dans une majorité des cas, en cas d’opération, le déclenchement de cette clause va permettre à la convertible de faire aussi bien que l’action, voire mieux. Cette caractéristique contribue sur le long terme à l’alpha technique des obligations convertibles. Depuis 2007, 57 obligations convertibles ont fait l’objet d’une offre finalisée en Europe, soit quatre en moyenne par an, et le contexte est aujourd’hui porteur.
Bastien Rapoport
L’immobilier résidentiel allemand et les énergies renouvelables, deux secteurs très actifs sur le marché primaire, vont être en concentration dans les prochaines années. Les convertibles de ces secteurs ont des clauses de ratchet très attractives. Ces clauses font partie de la valeur cachée de l’obligation convertible et sont une des explications de la surperformance de la classe d’actifs sur longue période.
Nicolas Schrameck
C’est le travail du gérant d’estimer la valeur de ces clauses et la probabilité qu’elles se réalisent, et de décider de son allocation en fonction de ces facteurs-là.
Brice Perin
Ces clauses sont quasiment structurelles pour une grande partie des convertibles européennes. C’est un remboursement de la prime payée à l’émission par un ajustement du ratio de conversion pour compenser le porteur pour la perte d’optionalité. Elles sont particulièrement attractives dans des cas spécifiques.
Arnaud Brillois
Ces clauses sont en effet précieuses pour les obligations convertibles, mais elles sont moins attractives que par le passé. Le marché européen est sans doute celui qui a le plus de clauses en protection de dividendes mais, dans un marché haussier où l’action sous-jacente monte, une partie de ces clauses de M&A est moins intéressante, car elles protègent moins les convertibles dont l’option est déjà dans la monnaie. Par le passé, certaines de ces clauses ont rapporté entre 25 et 30 % de prime en moyenne. Aujourd’hui, si elles étaient toutes exercées, ces clauses rapporteraient entre 6 et 8 %, à condition qu’il y ait des fusions-acquisitions généralisées sur les actions concernées.
Quels sont les atouts et les perspectives de la classe d’actifs à court et moyen terme ?
Bastien Rapoport
A court terme, la principale question pour la classe d’actifs concerne la rotation sectorielle sur les marchés actions. Cette rotation sera-t-elle plus marquée ? Nous pensons que la dynamique du marché primaire et la réactivité des sociétés pour émettre des convertibles permettront toujours d’avoir un large choix pour pouvoir piloter nos portefeuilles en fonction des stratégies et de nos convictions en matière de secteurs, de styles et de qualité de crédit.
Brice Perin
Les perspectives de reprise économique sont, à moyen terme, un facteur de soutien pour les actions sous-jacentes. La richesse du gisement permet également d’exploiter des phases de volatilité et de rotation, particulièrement sur le secteur de la « recovery » ou des technologiques, en fonction des valorisations et des flux. Globalement, l’environnement actuel et la convexité naturelle des convertibles nous rendent très confiants sur les perspectives de la classe d’actifs.
Nicolas Schrameck
Toutes les raisons qui expliquent le bon parcours des convertibles en 2020 sont encore valables aujourd’hui : la convexité grâce au marché primaire et donc l’asymétrie de la classe d’actifs, la diversité des émetteurs, etc. Au-delà de ces atouts, il faut aussi rappeler que les obligations ne jouent plus leur rôle de protection dans les portefeuilles, et que les allocataires ont besoin d’avoir des classes d’actifs asymétriques et de la protection à travers des profils d’option comme nous en avons avec les obligations convertibles. Nous avons toutes les raisons de penser que la demande pour la classe d’actifs va rester forte.
Arnaud Brillois
Le marché primaire va rester très actif, d’un niveau comparable à celui de 2020, voire plus dynamique encore sur la seconde partie de l’année. La structure actuelle du gisement est un atout important, avec sa composante croissance et sa composante « recovery ». Une approche globale permet notamment de jouer la recovery en Europe et aux Etats-Unis. La fin des confinements et le désir des gens de recommencer à vivre normalement et à voyager vont créer des rotations et encore quelques mouvements de marché. Nous pensons que les entreprises qui ont connu un vrai changement de comportement des consommateurs vont continuer à surperformer. D’un autre côté, les sociétés américaines en recovery ont également bien performé, certaines n’ayant pas encore retrouvé leurs niveaux d’activité ont des niveaux de valorisation très proches de ceux d’avant la crise. C’est ce qui est également en train de se passer en Europe. La corrélation négative entre la croissance et la « deep value » va progressivement s’estomper, peut-être même avec un fort retour des investisseurs sur la partie « recovery ». Nous sommes donc très positifs sur la classe d’actifs : sa structure sectorielle et la gestion active que l’on peut y appliquer nous permettront d’avoir encore une bonne année.