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Les CGP rattrapent leur retard sur les cryptomonnaies

Publié le 24 mai 2024 à 14h00

Auguste Grignon Dumoulin    Temps de lecture 7 minutes

L’intérêt pour les cryptomonnaies repart après le lancement d’ETF sur le Bitcoin par de grandes institutions américaines. Les montants investis en France restent toutefois faibles. Le recours à un PSAN s’impose donc pour les conseillers qui ne souhaitent pas consacrer trop de temps à la classe d’actifs.

Le second souffle sera finalement venu des Etats-Unis. Après une année 2023 compliquée, placée sous le signe de la faillite de la plateforme d’échange FTX, les cryptomonnaies sont revenues en force grâce au lancement d’une dizaine de produits d’épargne sur le Bitcoin par des institutions américaines. De grands noms de la finance, comme BlackRock, Fidelity, Franklin Templeton ou Invesco, ont lancé chacun leur ETF le 11 janvier 2024.

La vague s’est également fait ressentir dans l’Hexagone. « Depuis que BlackRock a annoncé l’an dernier son intention de lancer un ETF, l’intérêt des conseillers en gestion de patrimoine monte en puissance. Il y a ce sentiment que l’on est peut-être en train de passer à côté d’un sujet important », remarque Laurent Ovion, directeur de l’innovation au sein du groupe DLPK.

Au total, on compte environ 12 % de Français qui détiennent des crypto-actifs, d’après la dernière étude faite pour l’ADAN (Association pour le développement des actifs numériques) par KPMG. Les crypto-actifs regroupent les cryptomonnaies, les NFT et les stablecoins. Il s’agit d’une hausse de 28 % par rapport à l’année dernière, et l’on peut s’attendre à ce que ce chiffre continue d’augmenter puisque 23 % de tous les sondés envisagent d’en acquérir à l’avenir.

Les sociétés américaines ayant pavé la voie, il est désormais plus facile pour les CGP et les banquiers privés d’en parler avec leurs clients. Le Bitcoin a, en quelque sorte, été adoubé par les plus grands gestionnaires d’actifs du monde. Malgré tout, le sujet est encore poussé en grande partie par les clients.

Ce faisant, il n’est pas rare que les gestionnaires se retrouvent dans la situation où leurs clients en savent davantage qu’eux à ce propos. Un point qui n’a pas échappé à la Chambre Nationale des Conseils de Gestion de Patrimoine (CGP), qui avait appelé ses adhérents à se former en fin d’année dernière. « Il ne s’agit pas de prendre position pour ou contre les crypto-actifs, mais de s’informer sur un sujet qui a pris, et continuera de prendre, une place de plus en plus importante dans notre secteur. […] Nous ne pouvons pas rester en retrait et laisser s’établir une asymétrie de connaissance avec ces clients qui ont développé, pour certains, une véritable expertise », avaient souligné dans un édito Sandrine Genet et Vincent Couroyer, présidents de la Commission Fintech de la CNCGP.

Un accompagnement sur mesure

Si le sujet prend de l’ampleur, il faut quand même reconnaître la réalité : la cryptomonnaie représente encore une faible part de l’activité des gestionnaires de patrimoine. Le portefeuille moyen d’un investisseur français oscille entre 4 650 euros et 6 000 euros. « La cryptomonnaie représente une part très minoritaire de notre clientèle, de même en termes d’encours. Le sujet est encore assez clivant », souligne Guillaume Eyssette, directeur associé du cabinet Gefinéo, ouvert à l’investissement en cryptos. Dans ce contexte, à moins qu’il ait une forte conviction sur le sujet, un conseiller ne peut pas se permettre de consacrer trop de temps à la classe d’actifs. L’écosystème se développant à toute vitesse, cela requiert un effort significatif. Il lui est par contre possible de collaborer avec un prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), qui se chargera de répondre à ses questions et de l’aider à structurer une offre.

Pour rappel, les PSAN sont des acteurs régulés, enregistrés auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). On en dénombre plus d’une centaine, dont certains qui adressent des solutions d’investissement à une clientèle patrimoniale. En clair, ils permettent de déléguer la gestion de la classe d’actifs comme on délègue celle des marchés actions ou obligations à un gérant de fonds.

Certains CGP membres d’un groupement ou affiliés à une plateforme peuvent profiter des services d’un PSAN si leur organisation a noué un partenariat avec l’un d’entre eux. C’est notamment le cas des 1 200 CGP partenaires de la plateforme Nortia, filiale du groupe DLPK, qui s’est alliée à Coinhouse et Alphacap Digital Assets pour fournir un accès à leurs solutions d’investissement. « Nous proposons une gestion pilotée ou sous mandat grâce à nos partenaires. Nous allons également référencer les ETP de CoinShares », explique Laurent Ovion. Dans le détail, Coinhouse fournit les services de gestion pilotée, tandis qu’Alphacap s’occupe des mandats de gestion.

Pour les autres, il est possible d’établir une relation bilatérale avec un PSAN afin d’établir une offre sur mesure. Outre Coinhouse et Alphacap, plusieurs noms ont déjà commencé à s’imposer sur le marché comme Tilvest, Meria, Paymium, Qwarks, Ledgity…

Dans le cas de Tilvest, qui accompagne plus de 200 cabinets, le CGP se voit proposer une quinzaine de mandats thématiques clés en main. On retrouve par exemple des stratégies de rendement, de grandes capitalisations, de trading algorithmique ou de long terme. « Le tout avec une gestion discrétionnaire qui permet de couper les positions en cas de craintes », rassure Julien Romon, président et fondateur de Tilvest. La société a également noué un partenariat avec Harvest afin que les portefeuilles cryptos des clients apparaissent sur le CRM O2S. Les conseillers peuvent ainsi suivre les évolutions aux côtés des autres contrats d’épargne traditionnels. Dans un registre similaire, le conseiller en cryptos, Qwarks, s’est lancé fin 2023 et accompagne une quarantaine de cabinets. Le prestataire propose plusieurs stratégies d’investissement, réparties en 2 offres, avec la particularité d’avoir mis en place un système de rétrocessions sur l’une d’entre elles.

Des connaissances à enrichir…

La relation PSAN-CGP ne se limite cependant pas qu’à la fourniture de solutions d’investissement. Voilà plusieurs années que l’écosystème crypto s’est mis en branle-bas de combat pour se rendre plus accessible. « Nous cherchons à élever le niveau de culture des CGP dans ce domaine. L’ambition n’est pas d’en faire des experts, car ils n’ont pas forcément le temps. Mais nous souhaitons qu’ils en sachent suffisamment pour être à l’aise avec leurs clients », indique Marc Lécorché, président et fondateur de Qwarks. Ce dernier multiplie ainsi les webinaires et les tables rondes, tout en rédigeant un compte-rendu mensuel ainsi qu’une newsletter hebdomadaire des actualités du secteur. « Nous fournissons beaucoup de contenu peu consommateur en temps. Je pense qu’un CGP devrait consacrer au moins 2 heures par mois à la classe d’actifs », pointe-t-il.

Même son de cloche du côté du groupe DLPK. « Nous passons 2 heures, une à deux fois par semaine, avec des CGP pour leur expliquer les fondamentaux de l’écosystème. L’objectif est de leur donner une première couche de compréhension, charge à eux ensuite de se forger leur conviction », partage Laurent Ovion.

… pour favoriser l’investissement

L’énergie déployée par le secteur combinée aux derniers développements en provenance des Etats-Unis a conduit à un intérêt renouvelé pour la classe d’actifs. Néanmoins, il faut rester lucide : l’adoption n’en est qu’à ses débuts. Si 82 % des individus interrogés par Ipsos dans le cadre de l’étude de l’Adan et KPMG disent avoir entendu parler des crypto-actifs, ils ne sont que 16 % à avoir entendu parler des stablecoins, et encore moins nombreux à maîtriser le sujet. « Les innovations de rupture s’étalent sur des cycles de 5 à 8 ans. Nous arrivons à la fin du premier, celui des innovateurs et des premiers utilisateurs, pour entamer une phase de compréhension, qui devrait à nouveau durer 5 à 8 ans. Nous ne sommes donc qu’au début. C’est toutefois un moment charnière car nous allons bientôt observer une normalisation », expose Laurent Ovion. Les eaux restent donc troubles et il n’est pas superflu de s’armer d’un PSAN pour les écumer. D’autant qu’en plus de déléguer la gestion, recourir à un prestataire permet aussi de déléguer la sécurité des actifs, tout comme en finance traditionnelle. Une façon de faire qui plaît aux conseillers.

« Notre approche consiste à intégrer cette classe d’actifs comme une autre, avec les mêmes exigences réglementaires et d’adéquation au profil de risque. Nous visons un horizon de moyen - long terme. Si l’on a comme thèse la voie de l’adoption, alors il est raisonnable d’intégrer la cryptomonnaie dans le patrimoine déjà diversifié d’un client apte », conclut le fondateur du cabinet Gefinéo.

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