Le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède représentent à eux quatre plus de 15 % de la capitalisation boursière de l’indice MSCI Europe. Bertrand Puiffe, gérant du fonds FF – Nordic Fund de Fidelity, en est convaincu : loin de constituer une niche d’investissement, les actions nordiques sont aujourd’hui incontournables et elles présentent de nombreux atouts dans l’environnement actuel.
Sur le long terme, les actions de la zone nordique enregistrent de très belles performances. Comment l’expliquez-vous ?
Effectivement, le FTSE Nordic Index a vu sa valeur multipliée par 4 depuis le 1er janvier 2000 (en euro) alors que, sur la période, le coefficient multiplicateur ressort à 2,4 pour le MSCI Europe et à 2,3 pour le CAC 40. Cette surperformance significative et régulière s’explique de différentes manières.
Tout d’abord, la croissance économique dans les pays du nord de l’Europe est 1,5 fois plus élevée que dans la zone euro.
De plus, les finances publiques y sont plus saines. Même après la crise engendrée par la pandémie de Covid, le ratio de dette nette rapportée au PIB ressort à seulement 41 % pour la Suède et à 69 % pour la Finlande. La Norvège se trouve même en situation d’actif net positif si l’on prend en compte son fonds souverain, le plus important au monde, dont la valeur dépasse mille milliards d’euros ! Les taux d’impôt sur les sociétés sont par conséquent faibles (20 % en Finlande, 20,6 % en Suède et 22 % en Norvège et au Danemark), ce qui permet aux entreprises de réinvestir davantage.
Enfin, les banques centrales de Suède et de Norvège n’hésitent pas à s’affranchir de la BCE et font preuve de pragmatisme pour disposer d’une plus grande marge de manœuvre. Ainsi, pour faire face à une inflation importante du fait de l’évolution du prix du pétrole et du gaz, la banque centrale norvégienne a déjà remonté deux fois son taux directeur, qui s’établit actuellement à 0,5 % et qui devrait atteindre 1 à 1,5 % en fin d’année.
Dernier point à souligner : la notation ESG des indices nordiques est meilleure que celle des indices de la zone euro, les entreprises du nord de l’Europe tendant à être particulièrement vertueuses, notamment sur les critères environnementaux et sociaux.
Le fonds FF – Nordic Fund, que vous gérez depuis plus de dix ans, se distingue par son approche value. Le retour en grâce de ce style de gestion devrait donc lui être favorable…
Notre approche consiste effectivement à aller chercher les valeurs « mal-aimées » et peu chères. Ce style de gestion a été complètement délaissé au cours des dernières années, la baisse continue des taux d’intérêt ayant à l’inverse été très favorable pour les valeurs de croissance. Ces dernières sont en effet valorisées par l’actualisation de leurs cash-flows futurs ; plus le taux d’intérêt est faible, plus la valeur actualisée est élevée.
Or, il semblerait que l’on se trouve aujourd’hui à un point d’inflexion, en raison du retour de l’inflation. Chez Fidelity, nous considérons qu’il s’agit là d’un phénomène durable pour différentes raisons. Les pénuries de composants observées dans certains secteurs, comme l’automobile, pourraient mettre plus longtemps que prévu à se résorber, le retour à la normale n’intervenant pas avant 2023. Par ailleurs, la transition énergétique a un impact inflationniste important. Enfin, compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre, les salaires pourraient augmenter. De quoi amener les banques centrales mondiales à relever leurs taux. Nous estimons d’ailleurs que le taux américain à 10 ans devrait atteindre 2 % en fin d’année, pour une inflation comprise entre 2,5 % et 3 %. Cet environnement devrait favoriser la rotation sectorielle de la croissance vers des profils « value ».
Le fonds FF – Nordic Fund est fortement surpondéré sur trois secteurs dont les ratios de valorisation sont actuellement bas mais qui ont historiquement bénéficié de la hausse des taux longs américains. Il s’agit de la finance, de l’énergie et des matières premières. Le fait d’être positionné sur ces deux derniers secteurs permet par ailleurs de jouer la thématique de la transition énergétique, à travers les groupes qui produisent déjà de manière propre (comme par exemple le Norvégien Norsk Hydro dans le domaine de l’aluminium) et à travers ceux qui s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Le fonds pourrait-il également bénéficier d’un effet devises favorable ?
La couronne suédoise et la couronne norvégienne font traditionnellement figure de devises protectrices en cas de stress économique et politique, tout comme le franc suisse, et elles s’apprécient donc fortement dans ces périodes. De manière étonnante compte tenu de la vigueur de la croissance économique dans ces deux pays, cela ne s’est pas produit au cours des dernières années. Néanmoins, on observe depuis quelques mois une amorce de rattrapage, qui devrait selon nous se poursuivre.
Le fonds FF – Nordic Fund, dans lequel nous ne mettons pas en place de couverture de change, pourrait donc tirer parti de ce mouvement.