Longtemps mal aimées des investisseurs, les obligations convertibles (OC) ont fini de manger leur pain noir l’an dernier : l’hémorragie de flux semble terminée et le marché primaire a retrouvé une belle dynamique. Durant la période de turbulences occasionnées par les volte-face de Trump en matière de droits de douane en avril, comment s’est comportée la classe d’actifs ? Comment devrait évoluer le marché primaire en 2025 ? Quels sont les principaux facteurs de soutien de la classe d’actifs et ses atouts ? Quels sont les risques identifiés ? Les OC sont-elles un bon véhicule pour jouer la décote des actions européennes ? Une alternative pour profiter d’un potentiel rebond des mid & small caps sur le long terme ? Faut-il privilégier une approche régionale ou globale ?
- Les Bourses mondiales ont enregistré des baisses significatives après les annonces de Trump sur les tarifs douaniers. Comment se sont comportées les obligations convertibles durant cette période ?
- Les périodes comme celle que nous avons connue début avril, avec une baisse assez marquée sur les marchés actions, conduisent-elles les investisseurs à reconsidérer la classe d’actifs justement pour son rôle d’amortisseur de la baisse ?
- Vous avez donc constaté un retour des flux ?
- Existe-t-il un biais géographique du côté des clients ?
- Comment s’est comporté le marché primaire ces derniers mois ?
- Le dynamisme du marché primaire est-il global ?
- Le marché des convertibles étant moins dynamique en Europe, il est donc préférable d’être investi dans un fonds ayant une approche globale ?
Les intervenants :
- Antoine Lesné, responsable stratégie et recherche SPDR ETF EMEA, State Street Global Advisors
- Nicolas Schrameck, responsable convertibles & crédit, Ellipsis AM
- Benjamin Schapiro, gérant de portefeuille sénior, UBP Asset Management (France)
Les Bourses mondiales ont enregistré des baisses significatives après les annonces de Trump sur les tarifs douaniers. Comment se sont comportées les obligations convertibles durant cette période ?
Nicolas Schrameck : Cette période a été très intéressante à observer, car les obligations convertibles ont offert une vraie protection face à la baisse des marchés actions, contrairement à ce qui s’était passé en 2022, année durant laquelle la classe d’actifs n’avait pas pleinement joué son rôle. Désormais, les obligations convertibles ont retrouvé plusieurs moteurs de performance : la remontée des taux, qui permet d’avoir de nouveau des rendements positifs, et une bonne diversification dans sa composante actions. Là encore, contrairement à 2022, il n’y a plus cette suprématie des 7 Magnifiques qui, après avoir tiré la performance des marchés, pénalise plutôt le marché avec des flux sortants importants. Les convertibles offrent une bonne diversification par rapport aux actions. Au 7 avril, après 2 séances boursières de forte baisse, l’indice des convertibles affichait un repli de 4 % depuis le début de l’année contre − 12 % pour les marchés actions. La classe d’actifs n’a donc subi que 30 % de la baisse, retrouvant ainsi son fonctionnement historique.
Antoine Lesné : L’année a également débuté avec des delta (sensibilité aux actions) relativement équilibrés (autour de 45), alors qu’en 2022 ils étaient très élevés notamment pour les émetteurs américains (près de 65 et plus), le gisement incluant de nombreuses sociétés qui avaient réussi, post covid, à se financer à des valorisations des sous-jacents qui ont continué à monter fortement. Début 2025, le gisement a toujours un biais mid & small caps avec un peu de large caps, mais les grands noms qui ont porté la performance du marché actions ne sont pas ou plus dans l’indice (Tesla, par exemple). D’où un niveau de valorisation, si on prend juste les delta, relativement équilibré. En constatant que les convertibles délivraient leurs promesses, à savoir capter 60 % de la hausse des marchés actions et subir 30 à 40 % de la baisse, les investisseurs ont manifesté de l’intérêt pour la classe d’actifs ces derniers jours.
Benjamin Schapiro : Rappelons que les convertibles ont trois moteurs principaux de performance : les actions, les taux (y compris les spreads de crédit) et la volatilité. En 2022, toutes les classes d’actifs ont fini dans le rouge en raison de différents facteurs sur lesquels je ne reviendrai pas. Aujourd’hui, nous retrouvons un fonctionnement plus classique de la classe d’actifs dans des marchés stressés : les marchés actions baissent et la capacité des convertibles à ne pas subir toute cette baisse s’explique par le niveau de delta, mais aussi par le bon comportement des deux autres moteurs de performance qui, dans des marchés stressés, vont plutôt aller dans le bon sens. Autrement dit, quand le marché s’inquiète de phases de récession, les taux sont plutôt orientés à la baisse, car il anticipe des interventions des banques centrales dans ce sens. Ce que nous avons vu sur les taux américains depuis quelques semaines, jusqu’au point bas du 4 avril. Enfin, dans des phases comme celles-ci, la volatilité de marché augmentant fortement, on intègre dans la composante optionnelle des convertibles des niveaux de volatilité projetée plus élevés. Cela fait monter le prix de la partie optionnelle et donc celui de la convertible dans son ensemble. Les volatilités réalisées sont beaucoup plus élevées ces derniers jours et sont en train d’être valorisées dans les options. Cet aspect ajouté à l’évolution des taux contribuent à ce que les convertibles bénéficient, en 2025, d’un effet coussin dans un marché baissier, ce que nous n’avions effectivement pas vu en 2022 du fait de conditions exceptionnelles.
Nicolas Schrameck : Avec le niveau des taux actuels, les investisseurs s’intéressent de nouveau à l’allocation traditionnelle 60 % actions/40 % obligations. Or, historiquement, les convertibles amènent un surplus de performance par rapport à ce type d’allocation.
Les périodes comme celle que nous avons connue début avril, avec une baisse assez marquée sur les marchés actions, conduisent-elles les investisseurs à reconsidérer la classe d’actifs justement pour son rôle d’amortisseur de la baisse ?
Nicolas Schrameck : Les investisseurs reconsidèrent la classe d’actifs après les bonnes performances affichées en 2023 et en 2024. C’est la combinaison entre le comportement positif de la classe d’actifs et la contribution des différents moteurs de performance des convertibles qui séduit les investisseurs. Prenons l’exemple de 2024 : la performance des convertibles vient pour moitié de la partie obligataire, pour un quart de la partie actions et un quart de l’asymétrie, de la composante optionnelle. Quand on peut expliquer pourquoi la classe d’actifs se comporte bien par rapport aux actions et aux obligations et en quoi elle apporte de la diversification dans un portefeuille, on redonne confiance aux investisseurs.
Benjamin Schapiro : La période 2021/2022 a créé un choc de confiance des investisseurs sur cette classe d’actifs. Il a donc fallu un peu de temps pour reconstruire un track record plus favorable. Ce qui suscite surtout l’intérêt des clients, c’est la capacité des obligations convertibles à démontrer un comportement favorable dans des phases de marché très différentes, à la hausse comme à la baisse. Durant le rallye de fin d’année, la classe d’actifs s’était bien comportée et elle en a fait de même récemment dans une phase de forte baisse. Cet enchaînement des séquences devrait favoriser le retour des flux.
Antoine Lesné : Les investisseurs sont en partie revenus sur la classe d’actifs dans la période durant laquelle les performances obligataires n’étaient pas au rendez-vous sauf si on avait une exposition à des stratégies de portage et à du high yield. Durant cette période, les obligations convertibles, dont l’univers n’est pas celui du haut rendement mais plutôt du crossover, ont surperformé la plupart des indices obligataires. A l’origine des flux, il y avait deux types d’investisseurs : ceux pour qui la classe d’actifs est structurellement dans leur allocation d’actifs et, dans les ETF en particulier, ceux qui ont alloué de façon tactique en juin dernier et après l’élection de Trump. Pour ceux qui ont une approche tactique, nous avons constaté quelques sorties en mars. Depuis début avril, on voit vraiment une attractivité de la classe d’actifs, qui s’en sort bien dans un mouvement d’incertitude. Cette incertitude devrait perdurer, offrant un contexte favorable à ses trois moteurs de performance.
«Les convertibles amènent un surplus de performance par rapport à une allocation 60/40.»
Vous avez donc constaté un retour des flux ?
Nicolas Schrameck : Nous avons constaté, depuis le début de l’année, un timide retour des flux. Les investisseurs sont toujours dans une phase d’attente, raison pour laquelle le bon comportement de la classe d’actifs dans la récente correction des marchés est important pour achever de les convaincre. Nous avons surtout des discussions avec des clients pour qui la classe d’actifs a été au cœur de leurs allocations stratégiques et qui, après en être sortis en 2022, considèrent judicieux d’y revenir en raison de meilleurs fondamentaux. Nous sommes d’ailleurs en train de mettre à jour nos études sur le comportement de la classe d’actifs par rapport à la traditionnelle allocation 60/40 pour justement bien faire comprendre le fonctionnement de la classe d’actifs.
Benjamin Schapiro : De notre côté, nous constatons surtout que des clients ont réduit leur exposition sur des stratégies européennes en raison d’inquiétudes sur la diversification de ce gisement sur lequel le marché primaire est moins dynamique. En revanche, sur les stratégies globales, l’intérêt des clients renaît après avoir constaté de meilleures performances que lors des années précédentes. Toutefois, la classe d’actifs subit toujours la concurrence du fixed income, dont les rendements sont plus élevés aujourd’hui qu’il y a trois à cinq ans. L’arbitrage est donc moins évident, et c’est sans doute la raison pour laquelle les flux ne sont pas aussi significatifs que par le passé.
Existe-t-il un biais géographique du côté des clients ?
Nicolas Schrameck : Historiquement, la France a toujours été un marché friand de convertibles, avec une base importante de clients institutionnels. Ces derniers s’y intéressent à nouveau pour leurs allocations stratégiques, mais sont encore en réflexion. Les flux que nous avons viennent plutôt de petits acteurs, notamment sur la partie wealthmanagement en Suisse. Ce sont des clients beaucoup plus réactifs, capables de s’exposer rapidement à la classe d’actifs s’ils en voient l’opportunité.
Benjamin Schapiro : En Europe, même s’il existe un biais français, tous les pays ont historiquement investi dans les convertibles. Nous avons toujours eu beaucoup de clients en Allemagne, en Suisse ou en Italie. En revanche, le Royaume-Uni montre traditionnellement moins d’intérêt pour cette classe d’actifs.
Antoine Lesné : Les clients investis dans la classe d’actifs via notre ETF sont surtout des asset managers, des fonds multi-assets et du wealth-management. Dans notre cas, il se trouve que c’est une banque privée britannique qui a seedé notre fonds au moment du lancement en 2014, ce qui nous a permis de construire un track record. En Grande-Bretagne, notre stock provient surtout de la gestion privée. Nous avons également des encours provenant d’assureurs en Italie, d’institutionnels en France, en Allemagne ou en Espagne, mais, de façon globale, la banque privée représente toujours près de 50 % de l’encours. Sur les autres marchés, les institutionnels et les fonds de pension ont plutôt tendance à privilégier la gestion active, car ils promettent d’avoir la capacité de tenir leurs positions sur le long terme et laisser ainsi le gérant exprimer toute sa capacité à faire de l’alpha sur la durée. A travers un ETF, nous sommes constamment exposés de manière diversifiée à l’univers entier. La combinaison gestions active et passive devient plus fréquente également.
«L’année s’annonce favorable pour le marché primaire.»
Comment s’est comporté le marché primaire ces derniers mois ?
Benjamin Schapiro : Le marché primaire a été dynamique en 2024 avec environ 120 Md$ d’obligations convertibles émises sur l’année, ce qui est nettement au-dessus de la moyenne qui se situe autour de 80 Md$ par an (qui correspond au montant nécessaire au renouvellement du marché). Il y a une bonne diversification, avec le retour du coupon, ce qui est un élément important. Cela ne signifie pas que les émissions à coupon zéro ont complètement disparu, mais elles se font plus rares. Dans un environnement de taux plus élevés, les convertibles émises offrent en moyenne plus de rendement obligataire. Le début d’année s’inscrit dans la même tendance, avec 23 Md$ d’émissions au 1er trimestre, proche du niveau de début 2024. Avec toujours les mêmes biais géographiques : les Etats-Unis et l’Asie dominent, les marchés européens et japonais étant plus en retrait. Il est intéressant de noter que les tensions sur les marchés, début avril, peuvent aussi se transformer en opportunités. Le marché des convertibles a comme atouts d’être plus accessible que le marché de la dette classique et plus rapide pour émettre. C’est d’ailleurs souvent dans les moments de tensions, comme nous l’avions connu pendant le covid, que notre marché primaire est particulièrement dynamique en substitut à d’autres marchés qui se ferment. Le marché des convertibles pourrait donc être une opportunité pour des small/midcaps qui ont besoin de refinancements rapides.
Nicolas Schrameck : Ce qui est intéressant avec cette classe d’actifs, c’est de pouvoir monétiser la volatilité c’est-à-dire que l’avantage de coupon est d’autant plus fort que les marchés sont volatils. Il y a des pics d’émissions de convertibles quand il y a du stress sur les spreads comme cela a été le cas en 2009 et en 2020 en pleine crise du covid. Le marché des convertibles s’est rouvert très vite et a permis à beaucoup d’entreprises de constituer rapidement des réserves de cash. Aujourd’hui, il y a une fenêtre, car il y a beaucoup d’échéances de convertibles émises entre 2020 et 2021 et de la volatilité sur les marchés. Les conditions d’accès au marché primaire sont bonnes : il n’y a pas eu de sorties dans les fonds, il y a toujours de la demande pour le marché des convertibles, les valorisations tiennent bien. C’est la preuve que les investisseurs restent actifs et prêts à investir sur du marché primaire.
Antoine Lesné : Contrairement au marché du high yield, le marché des convertibles reste en effet ouvert dans les périodes de crise comme celle que nous avons connue récemment. L’année s’annonce donc plutôt favorable, avec des refinancements en perspective : toutes les entreprises ne parviendront peut-être pas à émettre, mais on devrait pouvoir constituer un peu de coupons dans les indices. Ces derniers mois, il y a eu pas mal d’émetteurs qui ont réussi à placer du zéro coupon, y compris en Asie, ce qui est plus surprenant.
Nicolas Schrameck : Au-delà du besoin de refinancement qui concernait environ 50 % des émissions en 2024, il est intéressant de voir, depuis un an, la diversité des émetteurs, avec de nouveaux acteurs opportunistes comme ça a été le cas en Chine avec des jumbo deals. Par exemple, Alibaba émettant l’été dernier pour faire des rachats d’actions : avec un cours de Bourse au plus bas et une décote très importante, le groupe a eu recours à cet instrument flexible et facile à utiliser pour émettre cinq milliards de convertibles, plutôt bien accueillies, pour racheter ensuite des actions. L’opération s’est bien passée, car il y a eu un vrai alignement d’intérêts entre l’investisseur et l’émetteur. Il y en a eu d’autres : Ping An, Trip.com, JD.com, etc.
Ces opérations ont donné à la Chine et à l’Asie une place importante dans les allocations globales, entre 10 et 15 % du delta des fonds globaux, ce qui nous démarque des indices actions large caps mondiaux. L’exposition aux convertibles permet ainsi de diversifier une allocation actions. Par ailleurs, un nouveau secteur est apparu dans le gisement, celui des cryptomonnaies : la performance est assez mitigée, mais c’est une exposition qu’on retrouve assez peu dans les marchés d’actions classiques.
Antoine Lesné : Des acteurs comme MicroStrategy ont émis énormément l’an dernier, dans des conditions parfois surprenantes, et ont bien performé. Leurs émissions les plus récentes n’ont pas eu la même performance, mais elles ont rempli leur fonction avec un effet parachute quand les cours de Bourse ont baissé. Que l’on aime ou pas ce secteur, les cryptomonnaies font partie aujourd’hui de l’environnement et du marché, et les convertibles en offrent une exposition différente. En ce qui concerne le poids des différents pays, malgré des volumes d’émission importants, le gisement est sous-pondéré aux Etats-Unis par rapport à un MSCI World. C’est un élément diversifiant qui peut être intéressant pour les investisseurs, en général curieux de savoir comment est constitué le benchmark.
Benjamin Schapiro : On a beaucoup parlé des cryptomonnaies l’an dernier, car c’est un nouveau secteur, mais aussi parce que les convertibles sont un marché au sein duquel une petite part de l’indice peut expliquer une grande partie de la performance. Cela s’explique par l’effet des évolutions des delta et du poids de certains noms dont les performances sur la partie actions peuvent être très significatives. En termes de poids et de contribution au risque actions, on parle ici de quelques pour cent. C’est donc une diversification au sein de notre univers. Mais sur certaines périodes, ce secteur a contribué, effectivement, de façon significative à la performance, d’où le focus ponctuel sur ce sujet.
Nicolas Schrameck : Ce qui est passionnant avec les convertibles, c’est cette capacité à avoir un multiplicateur sur des titres ayant des potentiels importants. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons lancé un fonds sur le thème de la disruption, qui se concentre sur des sociétés à la conquête de nouveaux marchés qui offrent un potentiel de forte croissance. Quand une entreprise qui peut multiplier par trois ou quatre ses revenus vient émettre sur le marché, son obligation convertible a une sensibilité actions de 30 %. Si jamais les choses se passent bien, que l’entreprise réalise son business plan, cette sensibilité actions passe de 30 % à 100 %. C’est cet effet multiplicateur qui signifie qu’à la hausse, certains émetteurs ont parfois une contribution très forte à la performance dans les indices. Il ne faut donc pas passer à côté. Dans le cas où l’entreprise ne parvient pas à réaliser ses ambitions, on est protégés par le plancher obligataire.
«Les convertibles bénéficient, en 2025, d’un effet coussin dans un marché baissier.»
Le dynamisme du marché primaire est-il global ?
Benjamin Schapiro : Depuis un peu plus d’un an, il y a un net biais aux Etats-Unis ainsi qu’en Asie (hors Japon) où il y a eu beaucoup d’émissions depuis l’été dernier. Aux Etats-Unis, le volume d’émissions est plus régulier. Le marché des convertibles est donc en train de se concentrer sur ces deux zones depuis quelques mois, mais il est difficile de savoir si cela va rester ainsi dans les trimestres à venir. Le marché est très dynamique, et il peut y avoir des vagues d’émissions par secteur comme par région.
Nicolas Schrameck : Il y a sans doute une question de pédagogie à faire auprès des entreprises, car même si les trésoriers connaissent et apprécient la classe d’actifs, ils doivent aussi convaincre la direction de l’intérêt d’émettre des convertibles qui sont, par nature, dilutives. La démarche est complexe, mais c’est un marché qui est toujours ouvert. En Europe, il y a souvent eu des émissions opportunistes quand l’accès au marché obligataire classique est plus difficile. Quand les niveaux de spreads et de volatilité sont plus élevés, la contrainte de dilution est plus facile à accepter par le conseil d’administration.
Le moindre volume d’émissions en Europe comparé à celui des Etats-Unis s’explique également par le vivier moins important de midcaps de croissance qui sont le profil type de l’émetteur de convertibles. En Europe, malheureusement, ces entreprises-là ne se sont pas introduites en Bourse ces dernières années ou ont tellement sous-performé que les émetteurs n’ont pas envie de se diluer sur les niveaux de cours actuels. Finalement, les émissions que nous avons eues dernièrement concernent des large caps européennes de qualité qui utilisent les convertibles pour diversifier leurs sources de financement.
Antoine Lesné : Si on revient 20 ans en arrière, l’Europe représentait 50 % de l’univers des convertibles ! Et, en 20 ans, l’Europe a connu plusieurs crises financières, des taux qui ont baissé et des spreads qui se sont resserrés. Il y a eu moins de besoins d’émettre des convertibles, car il était possible de se financer ou refinancer à des niveaux à peu près en ligne avec la croissance de la société. C’est pour cela que les émetteurs reviennent essentiellement par à-coup quand les spreads s’écartent brusquement. Les émetteurs ne sont pas les mêmes non plus : les Américains ont ce tissu de petites et moyennes entreprises capables d’émettre de la convertible. En 2016-2017, beaucoup de startups sont venues se financer aux Etats-Unis via les convertibles. Les maturités ont aussi beaucoup baissé, les échéances vont rarement au-delà de cinq ans. Donc, le gisement a quand même beaucoup changé ces dernières années. Les marchés de capitaux européens ont encore du travail à faire pour faire revenir les investisseurs.
Le marché des convertibles étant moins dynamique en Europe, il est donc préférable d’être investi dans un fonds ayant une approche globale ?
Nicolas Schrameck : Les investisseurs dans les fonds de convertibles européennes doivent être satisfaits de la performance en raison du biais défense et de la présence dans le gisement d’un émetteur en particulier, Rheinmetall. Mais la question, c’est l’avenir : le marché primaire réussira-t-il à se renouveler en Europe et permettre d’avoir de la diversification et de la profondeur pour rester investi ? Aujourd’hui, le gisement global est beaucoup plus dynamique et favorise la participation au marché primaire. Ce que je trouve marquant, c’est que malgré la baisse de marché, il reste assez convexe (50 % du gisement), ce qui permet à la classe d’actifs de garder un potentiel de rebond. Dans le contexte actuel, très particulier en raison des discussions sur les tarifs douaniers, l’exposition à des sociétés de software que l’on retrouve dans notre fonds de convertibles disruption paraît intéressante. Ces sociétés sont en effet très peu affectées par les tarifs et elles bénéficient de la baisse du dollar.
Benjamin Schapiro : Le marché européen a aujourd’hui une taille et une concentration de risques qui le rend moins attrayant qu’un gisement global, beaucoup plus vaste et diversifié. Dans les deux cas, il convient de garder en tête que ces marchés sont exposés aux mid & small caps, 50 % du gisement étant représenté par des capitalisations boursières inférieures à 10 Md$ au global. En Europe, la proportion est similaire, à environ 60 %. Il y a donc un biais de composition sur un segment de la cote qui n’a pas rattrapé son retard de valorisation depuis 2022. Les convertibles globales permettent de s’exposer à ce thème, mais pas uniquement. Avec des rendements redevenus plus favorables notamment grâce aux coupons sur des nouvelles émissions qui, en moyenne, sont de l’ordre de 3 % contre 1 % il y a 3 ans.
Antoine Lesné : Depuis le début de l’année, la performance de notre ETF a été essentiellement tirée par l’Asie et l’Europe, même s’il est aussi exposé à des entreprises américaines. Il faut préciser qu’il y a de moins en moins de fonds disponibles pour jouer l’Europe de façon pure, ou l’Asie. Je pense qu’aujourd’hui, c’est une problématique de gisement. Dans notre cas, comme nous faisons de la réplication physique, nous avons besoin de diversification et d’émissions pour faire tourner le portefeuille. La diversification est une bonne chose, car si jamais les Etats-Unis rebondissent, le portefeuille pourra en profiter. Si ce n’est pas le cas, il sera protégé par l’exposition à l’Europe qui représente à peu près 20-25 % de l’univers.
Benjamin Schapiro : En plus du biais défense dans le gisement, qui a aidé la performance depuis le début de l’année, le marché européen bénéficie également d’un effet de raréfaction puisque les émissions sur le marché primaire n’ont pas été suffisantes pour compenser celles qui ont disparu. La concentration des investissements a donc fait monter la valorisation de certaines obligations convertibles européennes. Les investisseurs en ont bénéficié, mais certains cas peuvent représenter un risque pour la performance future. C’est pourquoi nous privilégions une gestion active des souches concernées, par exemple en intégrant des stratégies optionnelles dans les portefeuilles lorsque la valorisation s’écarte sensiblement de son niveau d’équilibre.
Nicolas Schrameck : Les investisseurs avaient délaissé la zone européenne à cause des performances actions. Donc, effectivement, l’Europe mais aussi l’Asie affichaient une décote importante par rapport aux Etats-Unis. Avec le rattrapage des marchés actions dans ces deux régions, on voit des réallocations vers les fonds globaux, vers l’Europe et l’Asie. Par conséquent, on assiste à une convergence des valorisations entre les différentes zones.
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