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Dans quels marchés investir ?

Publié le 30 janvier 2015 à 16h28

Propos recueillis par Catherine Rekik

Les actions apparaissent comme la classe d’actifs la plus attractive. Des flux positifs devraient continuer à soutenir les principales Bourses en 2015, tandis que quelques facteurs (baisse du prix du pétrole, baisse de l’euro, etc.) vont favoriser certains marchés. Mais de nombreux risques pèsent sur la classe d’actifs (risques géopolitiques, faiblesse de la croissance, déflation…). Funds s’interroge sur l’opportunité d’investir dans les marchés actions. Faut-il acheter des fonds actions internationales ou avoir une exposition régionale ? Aux Etats-Unis, les indices ont franchi de nouveaux records en 2014. Les actions sont chères, les marges élevées et la remontée des taux aura un impact sur les marchés boursiers. Cependant, les Etats-Unis sont le seul pays en croissance et le consensus table sur une hausse de 10 % des profits estimés pour 2015. Dans la zone euro et au Japon, les marchés devraient profiter des injections de liquidités, mais la visibilité sur la reprise économique est faible. Les valorisations sont-elles alors suffisamment attrayantes ? Quels thèmes privilégier ?Enfin, de nombreux risques pèsent sur les marchés émergents ; mais peut-on faire l’impasse sur cette classe d’actifs dans une perspective de long terme ?

Un contexte favorable aux actions

Les actions paraissent relativement attractives face à la faiblesse des rendements obligataires, mais le contexte est-il réellement favorable à la classe d’actifs ? Valorisations élevées sur certains marchés, risques importants sur d’autres, faible croissance et déflation ne plaident pas forcément en faveur des actions…

Stéphane Cadieu, directeur de la gestion, Federal Finance

De quel contexte parle-t-on ? La croissance mondiale est supérieure à 3 %, l’inflation est en baisse dans toutes les zones et les taux sont bas, voire négatifs dans certains pays. Tous ces éléments sont plutôt favorables à la classe d’actifs. En revanche, la question sur les valorisations peut effectivement faire débat. Une étude réalisée par S&P sur la relation entre l’évolution des PER (price earning ratio) et les taux d’intérêt montre que, en régime inflationniste, les PER baissent quand les taux remontent. Mais, en régime de faible inflation, quand les taux montent, les PER peuvent aussi monter. Il n’y a pas aujourd’hui de déflation globale. Il y a un phénomène conjoncturel avec la baisse du prix du pétrole, mais l’euro baisse aussi, ce qui va renchérir les prix des biens importés et constituer un rempart contre la déflation. 

Enfin, le rendement des actions plaide également en faveur de la classe d’actifs, qui offre une rémunération près de trois fois supérieure à celle des obligations d’entreprises notées BBB. 

 

Christophe Foliot, directeur adjoint et responsable de la gestion actions US et internationales, EdRAM

La détention d’actions s’inscrit dans une stratégie de long terme. Le bon timing pour en acheter est toujours difficile à évaluer. Aujourd’hui, si l’on compare la performance des actions sur dix ans glissants, on constate qu’elles ont peu performé par rapport aux obligations. Historiquement, il y a eu très peu de périodes durant lesquelles, sur dix ans glissants, les obligations ont surperformé les actions. La dernière était après la crise de 1929. En ce qui concerne les niveaux de valorisations, certains marchés peuvent paraître relativement chers par rapport à leur moyenne historique comme c’est le cas pour une partie du marché américain. Une partie seulement, car à l’intérieur de ce marché, les écarts de valorisations sont importants. En effet, les valeurs américaines aux caractéristiques défensives nous paraissent bien valorisées. Au contraire, les valeurs cycliques comme les banques ou les entreprises liées à la construction immobilière nous semblent encore très décotées. En Europe le constat est un peu différent car les valorisations sont dans l’ensemble très raisonnables, surtout si l’on estime que la zone économique ne tombera pas en déflation. Enfin, dans les pays émergents, les dynamiques sont très contrastées avec une faiblesse économique généralisée en Amérique latine et en Chine, mais un retour de la croissance en Inde. 

Dans un contexte économique, politique et géopolitique particulièrement compliqué – avec les banques centrales générant beaucoup de volatilité sur les marchés financiers –, nous privilégions une approche globale, au sein de laquelle nous allons choisir dans le monde entier les valeurs dont le couple perspectives de développement et niveaux de valorisation nous semble le plus intéressant. A titre d’exemple, au sein du secteur financier mondial, les grandes banques américaines traitent des niveaux de valorisation identiques à ceux des banques européennes, malgré une dynamique américaine très favorable en termes de croissance du crédit et de réduction des défauts de paiement. Il nous semble donc opportun de largement surpondérer ces dernières dans nos portefeuilles. 

 

Jérôme Grenié, co-directeur de la gestion actions, LBPAM

Dans l’environnement actuel et dans la recherche de rendement, nous pensons que la classe d’actifs est attractive. En ce qui concerne les valorisations, les marchés actions ont effectivement bien rebondi ces trois dernières années, mais en partant d’un niveau très faible. Nous considérons donc que les niveaux de valorisation se sont normalisés sans pour autant basculer dans un univers où les marchés actions seraient globalement survalorisés. Les marchés américains sont certes au plus haut, mais les profits aussi : les cours de Bourse ont suivi l’évolution des résultats. Dans la zone euro, on peut chercher des similitudes avec ce qui s’est passé au Japon, mais les actions européennes ne se paient pas 40 fois les profits comme c’était le cas pour les valeurs japonaises avant que le pays n’entre en crise. 

La normalisation des valorisations a été rendue possible grâce aux actions des banques centrales. Dans la zone euro, la BCE a agi plus tardivement. Nous allons entrer dans une phase où la dynamique des résultats va reprendre de l’importance. Et, dans cette perspective, nous avons des arguments pour être positifs : les entreprises ont assaini leur bilan, les niveaux de marge sont élevés aux Etats-Unis et, en Europe, les effets de change devraient être plus favorables. 

 

Guillaume Dolisi,gérant, THEAM

Comparons les valorisations «actions» de janvier 2014 et janvier 2015. Il y a un an, les valorisations suscitaient les mêmes questions mais les Etats-Unis, qui semblaient déjà bien valorisés, ont continué de progresser sur des bonnes performances économiques, avec des écarts importants selon les secteurs. En Europe, la situation a été plus difficile en 2014, mais la baisse du prix du pétrole et du gaz constitue un grand changement comparé à l’an dernier. Un pétrole à 55 dollars le baril représente environ 5 % de croissance des bénéfices nets par action sur 2015 (selon BNP Paribas Exane Research, en excluant les secteurs du pétrole et du gaz). A cela s’ajoute la dépréciation de l’euro, qui s’est confirmée ces dernières semaines et qui devrait bénéficier aux entreprises exportatrices. Enfin, la baisse des coûts de financement devrait s’accentuer avec l’action de la BCE. Tous ces éléments ont un effet direct sur les résultats des entreprises et sont plutôt favorables à l’Europe, notamment à la zone euro. 

Enfin, ce qui semblait être une opportunité d’écart de rendement à jouer entre actions et crédit début 2014 s’est encore accentué. Il est difficile d’imaginer que le Bund réalise la même performance qu’en 2014 (+ 14 %). L’écart de rendement pourrait être encore plus favorable aux actions cette année. 

 

Stéphanie Sutton,directeur Investissement actions américaines, Fidelity

La classe d’actifs est effectivement attractive. Les valorisations ne sont pas si élevées, y compris aux Etats-Unis, où elles reflètent le niveau de profitabilité des entreprises. La croissance du PIB et la hausse des profits des entreprises ne sont pas corrélées. Les entreprises doivent prouver qu’elles ont la capacité d’accroître leurs profits et de tirer à la hausse les cours de Bourse. 

Quel impact sur le marché actions de la baisse de l'euro et du pétrole ?

Le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance dans certains pays et semble minimiser l’impact du prix du pétrole, notamment dans la zone euro. Qu’en pensez-vous ? L’impact positif est-il surestimé à la fois sur l’économie et sur les résultats des entreprises ? Même chose avec l’euro sachant que, dans les deux cas, les sociétés ont des couvertures ? 

Guillaume Dolisi 

Le FMI a une prévision de croissance globale qui tient aussi compte des effets négatifs du prix du pétrole pour les pays producteurs. Dans les pays émergents, par exemple, il y a des grands gagnants mais aussi de grands perdants. Le FMI a par ailleurs précisé que cette baisse des prévisions s’inscrivait dans un contexte de ralentissement de l’économie chinoise qu’il croyait plus prononcé. Le pétrole ne serait pas à même de contrer ce ralentissement, y compris dans la zone euro. Nous avons une vision macroéconomique plus optimiste. En ce qui concerne les entreprises, elles ont certes des politiques de couverture, mais sur des durées plus ou moins courtes. Ce n’est pas le début, à nos yeux, de la baisse de l’euro qui devrait les favoriser mais plutôt la fin. Ces entreprises sont valorisées sur des multiples futurs. Si on actualise la baisse des taux, de l’euro et du pétrole, les effets relutifs sur les PER pourraient être importants. 

Jérôme Grenié 

Tous les économistes s’accordent tout de même à dire que la baisse du prix du baril est globalement positive sur la croissance mondiale. Sur les entreprises, les effets sont décalés en raison des couvertures, mais elles sont faites à un horizon de six ou douze mois. L’effet n’est négatif que sur le secteur pétrolier, qui représente entre 5 à 10 % des indices. Sur tous les autres secteurs, l’effet positif sera visible sur les profits en 2015. 

 

Stéphanie Sutton

Les prévisions de résultats n’ont pas encore été revues à la hausse. Aux Etats-Unis, la baisse du prix du pétrole est équivalente à une réduction fiscale de 150 milliards de dollars. Elle a un effet immédiat sur le pouvoir d’achat et la consommation. En ce qui concerne l’appréciation du dollar, ses effets sont déjà visibles dans les résultats des entreprises américaines. Donc, l’effet positif de la baisse de l’euro sur les sociétés européennes devrait être aussi rapidement perceptible. 

 

Stéphane Cadieu

Les marchés regardent l’intégration normative des effets liés à la baisse du prix du pétrole et de l’euro. Je ne partage pas la vision du FMI. Les pays importateurs de pétrole représentent 62 % du PIB mondial, alors que la part des pays exportateurs est de 19 %. Cette baisse est donc bénéfique à un nombre important de pays. 

Les prévisions de croissance aussi bien macro que microéconomiques, comparées à celles d’il y a six mois quand le pétrole était à supérieur à 100 dollars et l’euro à 1,4, montrent que les analystes n’ont pas encore intégré ces éléments. 

Aux Etats-Unis, les analystes ont révisé drastiquement en décembre les attentes de profits pour 2015. Dans la zone euro, les profits ont également été révisés à la baisse ces derniers mois. Les attentes sur 2015 sont donc plutôt modérées. Toutefois, nous estimons que l’euro et le pétrole sont proches de leur point bas. Sur le pétrole, l’ajustement peut être rapide : le nombre de puits forés a baissé de 30 % en novembre et les compagnies pétrolières commencent à réduire fortement leurs investissements. L’offre devrait se stabiliser rapidement, tandis que la demande devrait augmenter en 2015, notamment aux Etats-Unis. Nous anticipons un prix du baril autour de 55 à 60 dollars. Nous espérons, par ailleurs, que l’euro ne va pas continuer à se déprécier davantage, car cela pourrait commencer à constituer un danger pour le consommateur européen. 

 

Christophe Foliot

La baisse du prix du baril de pétrole de 50 dollars entraînera un rééquilibrage de plus de 1 500 milliards de dollars du producteur vers le consommateur mondial. Les pays producteurs de pétrole généreront moins de ressources, ce qui limitera la progression de leurs fonds souverains. La baisse des prix devrait soutenir la croissance mondiale et moins l’épargne. Le grand gagnant est le consommateur américain, qui paie le prix de l’essence en dollar. Les ménages américains bénéficient d’un prix à la pompe déjà en baisse de 40 %. Cet effet devrait progressivement se retrouver dans les chiffres de consommation et des ventes de détail.

A court terme, il faut encore être prudent vis-à-vis des valeurs liées à l’énergie. Cependant, je ne suis pas convaincu que ces prix resteront bas très longtemps. La baisse est due à un choc de l’offre lié à une forte augmentation de la production américaine. A moins de 50 dollars le baril, quasiment tous les producteurs de pétrole de schiste américains ne génèrent plus de profits. La production va continuer à augmenter jusqu’à l’été mais, avec les coupes dans les investissements, cette offre abondante va probablement se réduire sur la fin de l’année. Cela devrait entraîner un rééquilibrage des prix. 

 

Cette situation risque-t-elle de provoquer des faillites aux Etats-Unis et d’avoir éventuellement un impact sur la croissance américaine ? 

 

Stéphane Cadieu

La situation ne devrait pas avoir d’impact sur la croissance américaine, car d’autres secteurs vont compenser, notamment l’immobilier. Le secteur pétrolier ne représente que 4 % de la production américaine et 10 % des investissements. Il y aura certainement des faillites, mais aussi une concentration du secteur qui pourrait permettre à certaines majors de prendre pied dans ce secteur. 

Stéphanie Sutton

Il y a une baisse de l’ordre de 15 % des dépenses d’investissement dans le secteur du pétrole et du gaz de schiste et certains projets devraient être abandonnés. Il y aura certainement un ralentissement économique dans la région du Midwest américain. Mais cette situation sera compensée par l’effet positif de la baisse du prix du pétrole sur la consommation alors que, en parallèle, les salaires progressent. Les classes moyennes devraient retrouver un niveau de consommation équivalent à celui d’avant la crise, ce qui n’était pas encore le cas. 

 

Christophe Foliot

Il y aura certainement des faillites dans les entreprises d’exploration et de production de pétrole au cours des douze prochains mois. Beaucoup de petits projets ont été financés par endettement auprès de banques régionales. Ces faillites ne devraient pas avoir d’impacts significatifs sur l’économie américaine. Les effets positifs de la baisse du prix de l’essence sur la consommation, et donc sur l’économie, seront plus importants car n’oublions pas qu’aux Etats-Unis les transports en commun sont peu développés et que l’utilisation de la voiture particulière est dominante. Ce sont les classes moyennes qui devraient en bénéficier le plus, avec des dépenses d’essence qui représentent près de 8 % des budgets des ménages. 

Même si la baisse du prix du pétrole est un élément important, à prendre en compte, ce n’est pas l’élément clé de la performance des marchés financiers. En 2014, personne n’a été capable de prédire cette baisse et la remontée ne sera pas plus prévisible. Les politiques monétaires et la direction des taux d’intérêt sont beaucoup plus importants pour l’évolution des marchés. 

 

Jérôme Grenié

Je partage cette opinion : le prix du pétrole ne peut pas être l’élément central d’un scénario, mais c’est un élément qui met de l’huile dans les rouages !

 

Christophe Foliot

Nous avons rarement eu autant d’éléments favorables pour une reprise économique au sein de la zone euro. La politique monétaire de la BCE, la dépréciation de l’euro et la baisse du prix du pétrole sont autant d’éléments qui plaident clairement en faveur des actions européennes en 2015. 

 

Guillaume Dolisi

Ces éléments sont très consensuels, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils ne sont pas réels ! Mais si le pétrole venait à accentuer sa baisse, cela pourrait poser des problèmes de risque de crédit certainement maîtrisable aux Etats-Unis mais aussi des risques importants dans certains pays où les budgets d’Etat ont été faits sur des niveaux de prix très éloignés de ceux que nous connaissons actuellement. Il s’agit d’un stress potentiel qui, à court terme, ne semble pas très dangereux car ces pays ont accumulé des réserves d’épargne importantes. Mais si la baisse du prix du pétrole s’accentue ou perdure, cela pourrait finalement créer des problèmes. 

 

Jérôme Grenié

Une accentuation de la baisse pourrait en effet entraîner des risques géopolitiques. Le Venezuela, par exemple, est au bord de l’éclatement. 

Comment gérer les risques et la volatilité ?

Comment gérer ces facteurs de risques et la volatilité qu’ils provoquent sur les marchés ? 

 

Christophe Foliot

Dans une année compliquée sur le plan politique avec des élections en Grèce, en Espagne, un référendum au Royaume-Uni, et aux issues difficilement prévisibles, la diversification en termes de pays et de devises me semble la meilleure solution. Par ailleurs, je ne conseille pas de couvrir les devises : quand il a des chocs de marché, le dollar a plutôt tendance à s’apprécier, ce qui permet de limiter la volatilité des portefeuilles. Les fonds globaux investis dans les actions ont généralement moins de volatilité que des fonds investis uniquement dans une zone géographique.

 

Jérôme Grenié

La diversification et la flexibilité sont les deux réflexes à avoir. La flexibilité doit être à la fois chez le gérant et chez le client. Nous en avons fait l’expérience en 2014, une année finalement positive mais avec trois chocs et des rebonds de 10 à 15 %. Il faut avoir une vue fondamentale de long terme et utiliser les points d’accélération et de chute pour acheter un titre ou alléger une position. 

 

Stéphanie Sutton

Dans la construction de portefeuilles, nous privilégions la recherche fondamentale et la sélection de valeurs, mais les fonds sont équilibrés en termes sectoriels. Les portefeuilles doivent être diversifiés et ne pas être exposés à des paris importants. 

 

Guillaume Dolisi

Nous avons une offre double sur le segment du risque. Pour les fonds qui ont un beta proche du marché, il faut une diversification aussi bien sur les devises et les pays que sur les actions. Le risque industriel est un des premiers risques. Nous avons donc des paris par valeur limités sur le plan structurel pour éviter un accident. Nous avons également des fonds qui achètent de la protection en plus des actions. Ils ont notamment deux éléments positifs : amortir d’environ 50 % les chocs de marché et proposer un produit aux investisseurs qui hésitent entre actions et crédit. Depuis quelques années, le crédit est moins rémunérateur alors que, en relatif, les actions offrent un meilleur rendement (selon BNP Paribas Exane Research). Certains investisseurs souhaitent arbitrer en faveur des actions, mais la bascule est compliquée car le risque associé à chacune de ces classes d’actifs dans le cadre de Solvency est différent. Nous avons pris le parti de mettre de la protection dans le fonds pour leur permettre d’être investis dans les actions. 

Stéphane Cadieu

Les marchés sont volatils depuis un an, mais l’euro et le pétrole ne sont pas des facteurs de risque. Toutefois, ils provoquent des mouvements sur les marchés actions. Nous estimons que cette volatilité peut être mise à profit pour trouver des points d’entrée sur certaines valeurs. Par ailleurs, nous pensons que les effets liés au prix du baril et à l’euro vont se dissiper au second semestre. Il n’y a plus non plus d’incertitudes quant à la politique de la BCE. Nous devrions donc entrer dans une phase de marché haussière et moins heurtée. 

Un contexte plus favorable à la gestion active ou passive ?

L’année 2015 vous semble-t-elle plus favorable à la gestion active que l’année dernière ? Est-il possible pour les gérants de battre les indices ? 

Christophe Foliot

Sur le marché américain, près de 90 % des fonds ont sous-performé les indices en 2014. L’année a été certes difficile mais, sur le long terme, les gérants qui sont prêts à tenir leurs positions génèrent de la surperformance par rapport aux indices. A titre d’exemple, notre fonds global affiche une performance cumulée de 85,93 % depuis sa création en 2008, contre 71,57 % pour son indice de référence, le MSCI World (NR), soit 14 % de surperformance. Sur le scénario macroéconomique, le consensus a eu plutôt raison, mais personne n’avait anticipé un effondrement des taux longs dans le sillage des taux souverains en Europe. Cela a généré une surperformance des valeurs aux caractéristiques obligataires. Ainsi, en 2014, les utilities ont réalisé la meilleure performance (+ 25 %). Il en est de même pour les secteurs de la santé et de la consommation défensive, alors que les secteurs cycliques ont été totalement délaissés.

A court terme, nous sommes donc nombreux à nous être trompés mais, en tant qu’investisseurs de long terme, notre conviction sur une entreprise ne se construit pas à douze mois. Il faut donc accepter d’avoir parfois tort à court terme et l’expliquer aux clients. Tôt ou tard, les taux remonteront. Aujourd’hui, la croissance attendue du PIB aux Etats-Unis est de 3 % avec une inflation de l’ordre de 1,7 %, ce qui donne un PIB réel supérieur à 4,7 % alors que les taux à dix ans sont à 1,7 % : il y a là sans doute un nouveau conundrum !

Par ailleurs, les flux sur les fonds passifs sont importants et ils entraînent des mouvements forts, notamment sur les grandes entreprises, ce qui tend à surenchérir les valeurs déjà chères. 

Stéphanie Sutton

Les fonds actions américaines de Fidelity font partie des 15 % qui ont surperformé non seulement en 2014, mais aussi ces trois dernières années. Pour parvenir à battre les indices, il faut être très actif, flexible et construire des portefeuilles équilibrés. Il est difficile cependant de dire si 2015 sera plus facile pour la gestion active que l’année dernière.

 

 

Jérôme Grenié

Il y a eu l’an dernier une importante rotation de styles. Le premier trimestre a plutôt favorisé les stylés risqués dans la plupart des zones mais, à partir d’avril, les secteurs défensifs ont été recherchés. Dans une gestion active, ces momentums peuvent être difficiles à appréhender. Cependant, selon moi, plus il y a de la gestion passive, plus il y a d’inefficiences de marché, ce qui génère des possibilités d’arbitrage pour des gestions actives si elles sont pertinentes. 

 

Guillaume Dolisi

Je suis d’accord avec ce point de vue : le succès de la gestion passive pourrait structurellement aider la gestion active. Chez THEAM, nous proposons les deux types de gestion. Au sein de notre expertise modélisée, nous appliquons une méthode systématique sur l’ensemble des zones du monde depuis six ans et nos fonds concernés ont surperformé cinq années sur six. L’an dernier, la gestion a été plus compliquée aux Etats-Unis. Un des challenges de la gestion active est d’être suffisamment actif. Or, ce type de gestion coûte plus cher à mettre en place. L’opposition de valeur entre gestion active et gestion passive n’existe pas. La gestion passive a gagné le pari du low cost et de qualité du service. Nous avons pris la décision sur la partie stock picking de rester très diversifié mais d’accepter une tracking error relativement élevée qui permet potentiellement d’offrir des écarts de performances importants. 

 

Stéphane Cadieu

L’année 2014 a été difficile pour les gérants de conviction à cause de la forte rotation sectorielle. Notre scénario de marché moins volatil sur le second semestre devrait favoriser la gestion active. La faiblesse des taux devrait aussi mettre un terme à la surperformance de certains secteurs. 

Depuis que la Bourse existe, rares sont les sociétés qui dominent les indices plus de dix ans. Les stars de demain sont encore peu présentes dans les indices et le talent du gérant consiste à les dénicher. Mettre systématiquement en portefeuille les poids lourds d’un indice n’est pas une bonne stratégie. 

Quels sont les marchés au plus fort potentiel ?

Quels marchés offrent aujourd’hui le plus de potentiel pour un investisseur ? Faut-il plutôt investir dans des fonds globaux ou privilégier une approche locale ? 

 

Guillaume Dolisi

Nous avons une gestion bottom-up mais nous observons une baisse de la surpondération des actions américaines même si nous restons légèrement surpondérés par rapport au MSCI World. Nous avons repris de la pondération sur la partie Europe et zone euro. En termes de thèmes, nous avons une préférence pour les sociétés qui ont des bilans sains, des cash-flows élevés et qui versent des dividendes. Nous avons choisi de protéger ces fonds high dividend pour qu’ils ressemblent le plus possible à des fonds de crédit sans risque de taux. Ces fonds ont délivré l’an dernier un rendement moyen de 5 % pour environ 50 % du risque actions. Indépendamment du cycle économique, ce thème bénéficie d’une forte demande. 

 

Jérôme Grenié

Nous sommes plus positifs sur la zone euro que sur l’Europe, car nous avons quelques inquiétudes sur le Royaume-Uni et depuis peu sur la Suisse. Le thème des dividendes devrait continuer à bien marcher dans le contexte actuel. 

Nous sommes également positifs sur la Chine, car nous pensons que les autorités devraient poursuivre leur politique de soutien aux marchés financiers. 

 

Stéphane Cadieu

Nous privilégions deux zones : les actions européennes et les actions asiatiques. C’est dans la zone euro que nous voyons le plus de bonnes surprises potentielles sur le plan macroéconomique et sur les perspectives de résultats. Pour la première fois, la croissance des bénéfices nets par action en 2015 sera supérieure en Europe à celle des Etats-Unis. De plus, les sociétés de l’Euro Stoxx offrent un rendement de 3,5 %. Le momentum est donc favorable. 

Nous privilégions également l’Asie parce que la croissance y est toujours dynamique. La croissance chinoise décélère, mais elle est maîtrisée par le gouvernement qui gère la mutation de son économie vers un modèle plus tourné vers les services et la consommation. L’économie de la région va être également dopée par la mise en place du marché trans-Asie-Pacifique qui devrait voir le jour en 2017 et dynamiser certains pays comme l’Inde. Cette zone profite également de la baisse du prix du pétrole, qui pourrait avoir des effets positifs sur les marges. Enfin, les actions asiatiques sont assez décotées par rapport aux autres marchés.

 

Stéphanie Sutton

Investir dans un fonds global permet à la fois de profiter de la poursuite de la hausse sur les marchés américains et de l’attractivité de la zone euro, où les valorisations sont intéressantes. Dans le contexte actuel, des fonds investis dans la thématique du dividende sont également intéressants, car ils offrent un rendement élevé avec une moindre sensibilité au risque. Cette thématique est plutôt axée sur les pays développés et la zone euro. Sur des marchés plus difficiles à appréhender, il faut se reposer sur la sélection de valeurs. 

 

Christophe Foliot

Nous avons une approche «value» dans nos fonds américains et nos fonds globaux. Nous recherchons des valeurs décotées car nous avons la conviction que les marchés sont inefficients sur le court terme et qu’aujourd’hui certains secteurs sont largement délaissés. Lorsqu’il s’agit d’une entreprise avec de bons fondamentaux et une valorisation basse, cette inefficience ne dure en général pas sur le moyen terme. Il faut accepter d’être patient et attendre que les écarts de valorisation se réduisent ou disparaissent. Grâce à nos analystes, nous identifions des entreprises attractives au niveau global, puis nous nous rendons sur place pour rencontrer les dirigeants. Pour la première fois depuis la création de notre fonds global, nous avons cette année une préférence pour les valeurs européennes. Nous sommes très sélectifs et opportunistes sur les marchés émergents avec une préférence pour les valeurs indiennes qui vont bénéficier de la baisse des matières premières et de la mise en place de réformes structurelles. Notre portefeuille est sous-pondéré sur la partie américaine, fortement exposé aux valeurs de la zone euro, et dans une moindre mesure sur les marchés émergents. Nous n’avons pas d’actions japonaises dans notre fonds global car l’approche «value» est compliquée à mettre en œuvre sur ce marché. 

 

Beaucoup de stratégistes anticipent pourtant une bonne année pour les actions japonaises…

 

Jérôme Grenié

Sur le Japon, nous avons deux scénarios diamétralement opposés. Notre gérant spécialisé dans l’Asie est relativement neutre : si les mesures d’Abe atteignent leur objectif, les actions pourraient encore gagner 20 % mais, dans le cas contraire, la performance pourrait être nulle, voire négative. La visibilité est très faible et le marché peut aussi bien basculer dans un sens comme dans l’autre. 

 

Stéphane Cadieu

Le cas du Japon est intéressant à observer. La Banque centrale a lancé un QE en 2013, ce qui a eu un effet immédiat sur le yen. Mais, dans un deuxième temps, la dépréciation de la devise a fait chuter la consommation en raison de la perte de revenu réel. Il faut donc faire attention en Europe à ce que l’euro ne baisse pas trop !

Au Japon, certains éléments vont dans le bon sens : l’investissement est mieux orienté et les salaires repartent à la hausse dans certains secteurs. Le cycle de la consommation devrait se réenclencher. De plus, avec la baisse du yen, le Japon redevient un pays attractif pour les touristes, surtout chinois. Il y a beaucoup de beaux dossiers à redécouvrir au Japon. 

 

Il y a donc de nouveau un consensus important sur les actions européennes en 2015…

 

Jérôme Grenié

Le consensus était bâti, l’an dernier, sur un scénario de croissance plus favorable que celui qui s’est réalisé. 

 

Guillaume Dolisi

Les Etats-Unis ont gagné encore une fois le pari de l’économie mondialisée. Il est donc compliqué de faire le pari de vendre le marché américain et d’acheter la zone euro. 

 

Christophe Foliot

Les Européens ont un point de vue positif sur la zone euro, mais ce dernier n’est pas partagé par les investisseurs américains ou asiatiques. Il est difficile pour ces investisseurs de comprendre ce qui passe dans la zone euro ou d’analyser les risques politiques en Grèce. Or, ce sont les flux des investisseurs internationaux qui généreront les principaux mouvements de marché. 

 

Stéphane Cadieu

C’est le pari des investisseurs européens qui ne se réalisera qu’avec le retour des investisseurs non résidents. Or, la baisse de l’euro peut les dissuader par crainte de trop perdre sur la devise. Si l’euro se stabilise, cela incitera plus les investisseurs internationaux, notamment américains, à revenir sur la zone euro. 

 

Stéphanie Sutton

Nous avons une vision positive sur les actions européennes, mais il nous semble que la classe d’actifs est aujourd’hui moins consensuelle qu’elle ne l’était début 2014. Les investisseurs américains, qui étaient revenus sur la zone euro au second semestre 2013, pourraient y réallouer des flux mais ils regardent encore la situation avec prudence. Quant aux investisseurs asiatiques, ils restent assez réservés car la situation dans la zone euro est difficile à appréhender.  

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