Table ronde

Les mid&small caps ont-elles fini de manger leur pain noir ?

Publié le 31 mai 2022 à 16h36

Catherine Rekik    Temps de lecture 20 minutes

Des tensions inflationnistes accrues, la remontée des taux et l’éclatement de la guerre en Ukraine n’ont fait qu’accentuer le désamour des investisseurs pour la classe d’actifs. Alors que de nombreux risques se sont matérialisés et que les perspectives de croissance économique semblent s’assombrir, les marchés actions subissent de nombreux épisodes de volatilité. Funds s’interroge sur l’opportunité de revenir sur ce segment de la cote. 
• Quelles sont les caractéristiques de la classe d’actifs ? 
• Comment se comporte-t-elle dans le contexte actuel ? Les mid&small caps sont-elles plus volatiles que les large caps ? 
• Dans quelle mesure a-t-elle été affectée par les rotations de style ? Quels sont les risques qui pèsent sur les petites et moyennes valeurs (inflation, hausse des taux, risque de révision des prévisions de résultats) ? 
• Quels sont les facteurs de soutien de la classe d’actifs ? La classe d’actifs a-t-elle profité de la création du label Relance ? Des grands enjeux liés à la transition énergétique ? 
• Quels sont les secteurs à privilégier ? 

Les intervenants : 

  • Fabrice Masson, directeur des gestions actions, BFT IM
  • Ingrid Pfyffer-Edelfelt, gérante, Eleva Capital
  • Jean-Luc Ménard, gérant, Crédit Mutuel AM

Depuis quelques semaines, plusieurs éléments ont dégradé l’environnement des marchés, notamment les perspectives économiques. Comment ce changement de contexte affecte-t-il les marchés actions et plus précisément les mid&small caps ?

Ingrid Pfyffer-Edelfelt : Depuis le début de l’année, les petites et moyennes valeurs sous-performent en effet les grandes capitalisations boursières. Rappelons quand même que depuis 2000, la performance de la classe d’actifs est 2 fois supérieure à celle des large caps ! Dans les périodes de stress sur les marchés, ces valeurs souffrent davantage en raison d’une liquidité plus faible, ce qui amplifie les mouvements à la baisse… mais aussi à la hausse dans les phases de rebond. Nous avons comme règle, dans notre gestion, d’investir uniquement dans des titres suffisamment liquides (un million d’euros échangé par jour) qui nous permettent de liquider 95 % du fonds en 5 jours. Par ailleurs, dans le contexte actuel, la classe d’actifs souffre de son caractère cyclique. Dans ce segment de la cote, il y a moins d’utilities, de télécoms ou de banques, qui amortissent les cycles, que dans les indices des grandes valeurs.

Fabrice Masson : Sur le long terme, la surperformance des petites valeurs est évidente, mais, depuis quelques années, c’est un peu plus compliqué pour la classe d’actifs pour plusieurs raisons, notamment les doutes sur le cycle ces derniers mois. Or, les petites valeurs ont une dimension cyclique plus importante. Ces six derniers mois, le marché se caractérise par un manque de visibilité, aussi bien sur les taux d’intérêt que sur la conjoncture économique. À cela s’ajoute la guerre en Ukraine depuis mi-février. Cet environnement anxiogène n’incite pas les investisseurs à investir dans les classes d’actifs considérées comme les plus risquées ou les moins liquides. Sur le marché français plus spécifiquement, le luxe est un des secteurs qui ont le mieux performé ces dernières années. Or, il est bien représenté dans l’univers des large caps et peu dans celui des valeurs moyennes, ce qui explique en grande partie la surperformance des premières sur les secondes.

Jean-Luc Ménard : Depuis le début de l’année, plusieurs éléments ont vraiment affecté la classe d’actifs. En général, on s’intéresse aux valeurs moyennes, car elles ont une croissance supérieure à celle des grandes valeurs. Dans la sélection de titres, les gérants cherchent des valeurs de qualité, ayant une croissance soutenue et affichant ainsi des valorisations plus élevées, les investisseurs valorisant les perspectives à moyen terme de ces sociétés. La classe d’actifs a donc subi l’impact très net de la hausse des taux, en particulier les titres les mieux valorisés dans les secteurs tels que la technologie ou la santé/medtech bien représentés dans certains fonds. Par ailleurs, nous avons assisté à un changement total de paradigme au moment où la Russie a envahi l’Ukraine. À partir de là, la croissance commence à ralentir tandis que les banques centrales, notamment la Fed, ont un discours moins accommodant, avec en toile de fond, un choc sur les matières premières. Or, dans cet univers d’investissement, il y a beaucoup de valeurs cycliques qui subissent en même temps un ralentissement de la croissance et l’inflation des prix des matières premières. Il devient alors compliqué de tenir des positions importantes sur cette partie de la cote. Enfin, dernier élément défavorable, le reconfinement de la Chine à partir de mars alors que les entreprises se remettent à peine de l’impact du covid sur les chaînes d’approvisionnement. La Chine est également un débouché important pour nombre d’entre elles. 

Nous sommes désormais dans un scénario de ralentissement économique. Jusqu’à présent, il y a eu une compression de 20 à 30 % des multiples sur la classe d’actifs. Pour l’instant, les profits de la plupart des sociétés que nous avons en portefeuille résistent, sauf pour les valeurs industrielles déjà affectées par la dégradation de la conjoncture. Le point négatif concerne désormais les révisions à la baisse des bénéfices à venir. Si on observe ce qui se passe aux États-Unis, des changements de comportement des consommateurs sont déjà perceptibles, ce qui va également peser sur l’activité de nombreuses entreprises.

Les arbitrages en faveur du style value ont-ils fortement pesé sur les flux et les performances des petites et moyennes valeurs ?

Ingrid Pfyffer-Edelfelt : La rotation de styles a clairement eu un impact négatif. À fin mai, l’indice Stoxx Europe Growth Small accuse une baisse de 24 % depuis le début de l’année contre 9 % pour le Stock Europe Small Value. Cette rotation a un impact de même ampleur aussi bien sur les large caps que sur les mid&small caps. Elle a débuté à l’automne dernier avec le changement de discours des banques centrales pour faire face à l’inflation. Avec des taux qui remontent, les valorisations des valeurs de croissance établies avec des taux 0 à l’infini ne sont plus valides, ce qui explique une compression des multiples plutôt radicale.

Fabrice Masson : La guerre en Ukraine n’a fait qu’amplifier le problème de l’inflation déjà existant. Le risque s’est matérialisé quand le marché a pris conscience que les banques centrales allaient vraiment, cette fois-ci, changer de politique monétaire. C’est ce qui a provoqué la rotation de styles et pesé fortement sur les valeurs de croissance, quelles que soient les tailles de capitalisation boursière.

Jean-Luc Ménard : C’est l’obligataire qui mène la danse ! 2021 était déjà une année particulière, avec une première remontée à 1,7 % du taux dix ans américain, ce qui a affecté les valeurs de croissance, suivie d’un mouvement de détente jusqu’à 1,1 % qui les a fait rebondir fortement ensuite. Certaines valorisations ont alors atteint des niveaux historiques. Actuellement, c’est l’inverse, en l’espace de deux mois, entre début mars et début mai, le taux dix ans américain est passé de 1,7 % à 3,2 %. Depuis le début de l’année, la rotation s’est faite en 2 étapes, la première consécutive à l’action des banques centrales et la seconde liée à l’invasion de l’Ukraine. Jusqu’à mi-février, les valeurs cycliques performent bien. Ainsi, dans notre portefeuille, la partie cœur, qui est plutôt orientée croissance, a sous-performé en janvier et février et, ensuite, c’est la partie la plus cyclique qui a subi l’assombrissement des perspectives économiques. La guerre en Ukraine est un événement majeur pour ces valeurs. Les conséquences sont importantes pour des pays comme l’Allemagne et l’Italie, très dépendants du gaz russe. Or, une des clés de la réussite allemande ces dernières années était de sourcer de la matière première à un prix très intéressant pour faire tourner son industrie. Il va falloir s’adapter à ce nouveau changement de paradigme.

«L’impact de la transition énergétique est important dans tout cet écosystème de petites entreprises, de l’industrie aux énergies renouvelables. »

Jean-Luc Ménard Gérant ,  Crédit Mutuel AM

Existe-t-il des différences de comportement des valeurs moyennes en fonction des pays ? Une meilleure résilience des mid&small caps françaises éventuellement ? Le segment des mid caps et celui des small caps évoluent-ils de la même manière ?

Jean-Luc Ménard : Les différences entre les valeurs moyennes sont plus sectorielles que géographiques. Au sein de cet univers d’investissement, même si globalement la performance est plutôt décevante, il y a des disparités entre les valeurs. Cette dispersion de performances est très importante cette année. Cela tient plus aux caractéristiques propres des valeurs qu’aux pays, même si certains ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Si la Russie stoppe les approvisionnements de gaz, certains pays européens seront plus touchés que d’autres et certaines industries aussi.

Ingrid Pfyffer-Edelfelt : Le marché allemand, qui a un biais très industriel, a pas mal souffert cette année, ainsi que les pays nordiques, mais pour d’autres raisons, notamment des valorisations très élevées. On trouve sur ces marchés de nombreuses valeurs technologiques assez corrélées au Nasdaq. Elles ont donc beaucoup corrigé. En Italie, ce segment de la cote est assez diversifié avec des valeurs industrielles et de consommation. Dans sa globalité, le marché français a fait preuve de plus de résilience et le secteur des services a plutôt bien tenu.

Fabrice Masson : Certains segments du marché français ont peut-être mieux résisté, car il y moins de valeurs technologiques que dans les pays nordiques et moins de cycliques qu’en Allemagne. En ce qui concerne les comportements boursiers entre les petites et les moyennes valeurs, les différences sont également plus sectorielles que liées à la taille. Cependant, dans un environnement anxiogène, la tendance est plutôt à délaisser ce type d’entreprises, mais il y a aussi des petites valeurs opérant dans des secteurs d’activité qui fonctionnent très bien et qui, par conséquent, affichent de bonnes performances. C’est donc difficile de tirer des conclusions générales. Sur le marché français, le différentiel de performances entre le CAC Mid et le CAC Small est très important depuis le début de l’année, de l’ordre de 7 à 8 % en faveur des mid caps. Mais c’est plus un effet de composition des indices qui ne permet pas de conclure que les investisseurs délaissent plus les smalls caps que les mid caps.

Même si les small caps sont moins liquides ? La situation n’est donc pas comparable à celle de 2020…

Jean-Luc Ménard : En cas de choc sur les marchés, il est bien sûr préférable d’être investi dans des valeurs liquides et donc des mid caps. Néanmoins, certaines d’entre elles sont entrées dans des paniers et corrigent fortement quand il y a des ventes importantes sur certaines thématiques. Ce sont surtout les rachats qui affectent les plus petites capitalisations boursières, ce qui n’est pas le cas actuellement. Il n’y a pas encore de sorties massives des fonds de small caps et micro caps qui obligeraient les cours à s’ajuster.

Fabrice Masson : Le choc a été plus violent en mars 2020, avec des ajustements beaucoup plus importants. Actuellement, on ne peut pas parler de capitulation, il n’y a pas d’excès parce qu’il faut vendre à tout prix. La baisse est progressive, au fur et à mesure que les investisseurs prennent conscience que la croissance sera plus faible, que les taux remontent et que l’accès aux financements sera plus limité. Les valorisations s’ajustent progressivement.

Jean-Luc Ménard : En mars 2020, nous avons assisté à une dislocation du marché sous l’effet de la panique. Au début de la baisse, il y a eu en effet des rachats, puis ils se sont calmés dès que le marché s’est stabilisé.

Ingrid Pfyffer-Edelfelt : Nous ne constatons pas aujourd’hui de panique sur les marchés ni de ventes massives sur les fonds. Ce sont des paniers thématiques qui sont vendus plutôt qu’une classe d’actifs.

«Les valorisations n’intègrent pas encore de révision à la baisse des prévisions de résultats. »

Ingrid Pfyffer-Edelfelt Gérante ,  ELEVA Capital

Peut-on considérer que les valorisations des mid&small caps sont désormais attractives ? Intègrent-elles déjà des révisions à la baisse des bénéfices ?

Ingrid Pfyffer-Edelfelt : Les valorisations sont plus attractives qu’il y a quelques mois, mais, à part pour quelques valeurs industrielles, elles n’intègrent pas de révision à la baisse des prévisions de résultats. C’est ce que nous surveillons en ce moment. Nous essayons d’évaluer avec les sociétés si elles vont devoir revoir leurs perspectives, compte tenu de l’inflation et de tous les problèmes rencontrés sur la chaîne logistique. Il y a certes une hausse des coûts des matières premières, mais il y a aussi un problème d’approvisionnement, d’accès à certains composants, quel que soit le prix que l’on paie. Donc cela pèse sur les ventes. Par ailleurs, beaucoup de sociétés ont annoncé avoir fait des stocks pour pouvoir répondre à la demande. Que vont-elles en faire si la demande s’arrête ? C’est la raison pour laquelle nous préférons être prudents sur toutes les valeurs industrielles, avec une préférence pour les valeurs défensives.

Jean-Luc Ménard : Sur la partie cœur du portefeuille que je gère, l’expansion du multiple de valorisation réalisée après la crise du covid en mars 2020 a été effacée. Or, les sociétés n’ont toujours pas révisé leurs perspectives, certaines étant moins cycliques que d’autres et notamment moins cycliques que certaines sociétés industrielles. Ces valeurs qui nous ont habitués ces dernières années à réaliser parfois 10, 15 ou 20 % de croissance annuelle vont-elles pouvoir maintenir ce rythme compte tenu des contraintes pesant la chaîne d’approvisionnement ? Pour l’instant, nous subissons les baisses sur ces valeurs tout en espérant qu’une fois la situation apaisée sur les taux et l’inflation, elles retrouvent leur capacité de création de valeur sur le long terme.

Fabrice Masson : Les positionnements de nos portefeuilles sont plutôt prudents aujourd’hui. Il y aura des révisions à la baisse des résultats au cours des prochains trimestres, les marges étant sous pression à cause de l’augmentation des prix des intrants et des coûts salariaux. Certaines entreprises mentionnent les difficultés qu’elles ont à recruter, ce qui est assez nouveau. En absolu, la valorisation des mid&small caps a pourtant bien baissé et, en relatif aussi par rapport aux plus grandes entreprises alors qu’elles ont, en moyenne, un taux de croissance plus élevé. Pour un investisseur qui a un horizon de placement un peu long, ce n’est pas inintéressant de commencer à revenir sur la classe d’actifs. Pour un gérant, la grande disparité de valorisations entre les différents secteurs et entre les valeurs au sein d’un même secteur permet de faire une vraie sélection.

La sélectivité du gérant est donc très importante sur cette classe d’actifs ?

Ingrid Pfyffer-Edelfelt : Il y a beaucoup de richesses sur ce segment de la cote, des sociétés qui ont des activités de niche sur lesquelles on ne peut pas investir via de larges caps. Les mid&small caps offrent la possibilité d’investir sur un large éventail de secteurs. Dans la transition énergétique par exemple, on trouve de nombreuses sociétés avec des technologies innovantes dans le chargement des batteries ou le stockage des nouvelles énergies, mais aussi une nouvelle façon de consommer, etc. C’est sur ces petites niches qu’il y a une forte croissance et que nous trouvons nos pépites, quel que soit l’environnement macroéconomique.

Jean-Luc Ménard : Depuis le début de l’année, nous avons bien vu qu’il était important de pouvoir s’adapter rapidement. Nous avons mentionné beaucoup de points négatifs en Europe, notamment l’invasion de l’Ukraine, mais il y a un point positif qui se confirme : la conviction qu’il faut accélérer sur la transition énergétique. L’Union européenne est d’ailleurs en train de finaliser son plan RePowerEU avec cette idée qu’il faut aller encore plus loin. L’impact est important dans tout cet écosystème de petites entreprises, de l’industrie aux énergies renouvelables. Il est donc possible de dénicher des sociétés qui cochent les bonnes cases à trois ou cinq ans. Il est d’ailleurs intéressant de voir que ces sociétés, qui ont été affectées par le relèvement des taux en début d’année, sont reparties à la hausse après l’invasion de l’Ukraine, car les investisseurs ont compris qu’elles allaient bénéficier de la volonté des pouvoirs publics d’accélérer sur ce sujet.

En plus des enjeux de la transition énergétique, la création du label Relance contribue-t-elle à l’attractivité des petites et moyennes valeurs ? Au renouvellement de la cote ?

Fabrice Masson : La création de ce label a sans doute permis de drainer un peu plus de financements vers ce type d’entreprises. Cela va donc dans le bon sens sans qu’il y ait non plus des arrivées massives de flux sur la classe d’actifs. Chez BFT IM, nous avons des fonds labellisés Relance et à ce titre, nous avons participé à des introductions en Bourse, notamment en 2021, quand l’environnement de marché était plus porteur. Dans nos objectifs de gestion, nous avons la volonté d’accompagner les petites entreprises dans la durée et d’identifier les business models de qualité pour pouvoir rester présents au capital. C’est vraiment dans l’optique du label Relance. Nous avons ainsi identifié un certain nombre d’entreprises dans lesquelles nous avons investi. Ce sont de pure players qui profitent par exemple à 100 % des plans d’investissement européens dans les infrastructures.

Quelle est votre politique en matière d’introduction en Bourse ? Dans certains secteurs, les prix d’introduction étaient  plutôt élevés l’an dernier …

Jean-Luc Ménard : En ce qui concerne le fonds CM-AM Small&Mid Cap Euro, nous ne participons pas aux introductions en Bourse. Nous attendons 2 ou 3 trimestres de publications avant d’analyser les sociétés de façon plus approfondie, pour voir si elles délivrent bien les promesses faites sur leur trajectoire de développement.

Fabrice Masson : Nous essayons d’être les plus discriminants possible sur la valorisation. C’est là qu’il y a des opportunités. Notre objectif est de participer au financement des entreprises, donc nous considérons que c’est notre responsabilité d’investir dans les IPO même si nous ne participations pas à toutes les opérations. En 2021, nous avons souscrit à 7 introductions sur le marché français pour un montant total investi proche de 10 millions d’euros.

Ingrid Pfyffer-Edelfelt : De notre côté, on ne s’interdit pas de participer à des IPO, mais en étant très sélectif. Nous avons tendance à être prudents surtout que, l’année dernière, les multiples de valorisation étaient très élevés. Quoi qu’il en soit, nous les étudions au moment de la mise en Bourse pour pouvoir y investir par la suite si une opportunité se présente à un prix plus intéressant.

«La grande disparité de valorisations entre les différents secteurs et entre les valeurs au sein d’un même secteur permet de faire une vraie sélection. »

Fabrice Masson Directeur des gestions actions ,  BFT IM

Quels sont les secteurs qui offrent le plus d’opportunités aujourd’hui ? Les fonds que vous gérez ont-ils des biais ou sont-ils bien diversifiés ?

Ingrid Pfyffer-Edelfelt : Notre fonds se positionne sur des leaders qui affichent une croissance visible et pérenne. Il peut s’agir de leaders de cotation (pas de concurrent coté en Europe), de leaders mondiaux ou de leaders sur une niche. Nous privilégions la croissance sur le long terme grâce à l’innovation qui donne du pricing power, à une réglementation qui peut bénéficier à la société ou à la croissance externe qui élargit le marché adressable. En plus d’une croissance régulière, elle doit avoir des marges solides, une bonne génération de free cash-flow et bien sûr un bilan solide. Dans un environnement où les taux montent, c’est très important d’être à l’aise avec nos sociétés et de ne pas craindre qu’elles soient obligées de se refinancer dans les mois qui viennent à un taux moins intéressant.

Jean-Luc Ménard : La solidité du bilan est importante parce que, depuis quelques semaines, il y a des tensions sur la partie crédit. Dans tous les secteurs, nous recherchons donc des sociétés en croissance, bien positionnées, bien gérées et qui ne vont pas avoir de problèmes si la situation s’aggrave sur le crédit. La capacité de ces sociétés à maintenir leurs perspectives dans le contexte actuel est également importante. C’est plus facile actuellement de trouver ce type de valeurs dans quelques secteurs liés à la transition énergétique, que ce soit dans la partie industrielle ou dans les services aux collectivités. En début d’année, nous avons également renforcé nos positions sur le secteur financier dans la perspective d’une remontée des taux.

Fabrice Masson : Dans notre gestion, nous attachons de l’importance à l’équilibre des portefeuilles, à la fois sectoriel, de style, de cyclicité et de non-cyclicité. La période actuelle le justifie plus que jamais : c’est dangereux d’être trop cyclique, mais, en étant trop défensif, on peut rater des opportunités… Il faut donc trouver des opportunités dans chacun des secteurs pour arriver à gérer globalement un portefeuille en adéquation avec notre analyse de la situation. Il en existe dans l’industrie, mais aussi dans la santé, dans le secteur financier et dans la technologie quand bien même la remontée des taux vient impacter assez défavorablement la valorisation de ce dernier secteur.

L’intégration des critères ESG est-elle plus complexe et plus contraignante dans la gestion des fonds mid&small caps ? Avez-vous facilement accès aux données extra-financières ?

Ingrid Pfyffer-Edelfelt : Les critères ESG sont complètement intégrés dans notre processus de gestion. Nous procédons à une analyse extra-financière avant d’investir dans une société. Les petites entreprises ont réalisé beaucoup de progrès ces trois dernières années et proposent désormais des rapports annuels très complets. Auparavant, elles étaient déjà très actives, mais elles communiquaient très peu sur ces sujets, souvent par manque de ressources en interne. Parfois, elles ne se fixaient pas des objectifs à atteindre et étaient donc mal notées. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. En interne, nous utilisons les données de MSCI, puis nous faisons notre propre analyse en vérifiant les informations qui se trouvent dans les rapports annuels. Cela nous permet d’établir notre propre notation avec des pondérations un peu différentes selon les secteurs.

Jean-Luc Ménard : Aller vers plus de transparence sur les sujets ESG et notamment vers une meilleure gouvernance ne peut qu’être très positif pour la classe d’actifs. Cela rassure les investisseurs que nous sommes. Pour la gestion du fonds CM-AM Small&Mid Cap Euro, outre la prise en compte de la notation et de données (carbone par exemple) sur les titres, nous avons également intégré la note ESG de chaque société dans notre modèle de valorisation. La valorisation d’une société donnée intègre un bonus ou un malus au niveau du coût moyen pondéré du capital, en fonction de la note ESG qui est donnée par le pôle en charge de l’analyse extra-financière. Ceci peut faire varier assez sensiblement l’objectif de cours à moyen terme et donc le potentiel de création de valeur de la société.

Fabrice Masson : Les critères ESG sont également intégrés dans notre processus de gestion, avec un effet réel et important sur la composition de nos portefeuilles. Nous avons des modèles internes de notation basés sur des agences de notation externes parmi lesquelles Ethifinance, qui offre une très bonne couverture des petites et moyennes entreprises. Nous nous basons aussi sur les rapports annuels et sur les discussions que nous avons avec les dirigeants d’entreprises. C’est important d’avoir des données chiffrées sur certains sujets, comme l’égalité homme/femme, les conditions de travail, la réalité des politiques de formation ou des chiffres sur les accidents du travail. Ces données ESG sont intégrées dans nos choix. Les entreprises les plus vertueuses sont privilégiées dans la pondération au sein du portefeuille. Nous prenons en compte également l’empreinte carbone. Dans notre fonds investi sur les petites et moyennes entreprises françaises, BFT France Futur ISR, elle est en permanence inférieure de 30 % à celle de l’indice, ce qui témoigne de notre engagement fort pour les enjeux climatiques dans nos investissements. 

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