Le gouverneur républicain Ron DeSantis vient de promulguer une loi interdisant les fonds ESG (1) dans l’Etat de Floride. Quels pourraient être les effets d’une telle mesure pour l’industrie de la gestion obligataire ? Le point de vue de Bertrand Rocher, co-responsable de la gestion obligataire chez Mirova.
Comment analysez-vous cette interdiction faite d’investir selon des critères ESG en Floride ?
Il s’agit d’une manœuvre très politique, un peu opportuniste, mais sans fondement solide. De fait, elle a été prise au nom d’une confusion brouillonne entre wokisme2 et ESG, qui n’ont de liens que pour ceux qui connaissent mal l’ESG et la finance à impact. Par ailleurs, une telle interdiction, très dirigiste, apparaît en contradiction avec l’étiquette libérale du gouverneur.
Les critiques adressées aux investissements ESG sont caricaturales, tendant à mettre en contradiction gestion de conviction et devoir fiduciaire, démontrant ainsi une certaine ignorance, peut-être volontaire…
Au final, le fait de remettre ainsi l’ESG et l’impact sous le feu des projecteurs nous apparaît néanmoins plutôt positif, car cela donne l’occasion de mettre à mal les idées reçues – d’abord parce que l’ESG ne cherche pas à investir selon des critères moraux en soi et ensuite parce qu’il a prouvé qu’il ne réduisait pas de fait les performances financières – et de réexpliquer de quoi il s’agit réellement : une transparence accrue (par exemple, on sait précisément ce que financent les obligations vertes, contrairement aux obligations classiques), donc une meilleure vision des risques, et des financements qui permettent le développement d’une économie bas carbone, plus égalitaire et donc plus stable et prospère.
Cette actualité constitue donc, de notre point de vue, une opportunité pour l’investissement ESG, actuellement dans une phase d’engouement marqué, d’afficher sa maturité et d’entamer une nouvelle étape de son développement.
Les conséquences devraient donc rester limitées…
On observe également au Texas des velléités d’adopter une législation similaire, ce qui n’est guère surprenant compte tenu des intérêts économiques à défendre dans cet Etat, où l’industrie pétrolière reste importante.
Ce mouvement anti-ESG va certainement durer jusqu’aux prochaines élections présidentielles américaines, en fin d’année prochaine, et pourrait, à court terme, ralentir les émissions d’obligations vertes aux Etats-Unis.
Pour autant, nous ne nous en montrons pas inquiets, car la popularité d’une telle mesure au sein de l’électorat semble limitée et cette interdiction nous semble difficilement applicable à l’échelle fédérale, l’administration Biden ayant déjà montré qu’elle ne laisserait pas tout passer en la matière. Par ailleurs, si les décisions de la classe politique ont une incidence sur les investissements, les entreprises américaines ont leur propre dynamique et elles ont déjà initié le mouvement de l’ESG, dès la présidence Trump.
Justement, que représente le marché des obligations vertes américaines ?
Les Etats-Unis forment le troisième plus gros émetteur de green bonds à l’échelle mondiale, l’Etat en lui-même n’en ayant toutefois pas émis. Des acteurs emblématiques de l’économie américaine ont choisi de se financer par ce biais, comme par exemple General Motors.
Le potentiel est là pour que ce marché grossisse, car le pays compte de nombreux acteurs investis dans la transition énergétique, et l’Inflation Reduction Act3 promulgué par le président américain l’été dernier devrait renforcer cette dynamique d’investissements en faveur de la transition (Southern Power, NSTAR par exemple). Entre les incendies en Californie et le retour du phénomène El Niño cette année, la classe politique et l’opinion publique ont bien conscience des conséquences du réchauffement climatique et donc de l’urgence à le limiter.
Il est indispensable que l’Europe ne soit pas seule sur les sujets ESG et que les Etats-Unis y viennent également, car seule une allocation des capitaux pensée de manière globale permettra de ne plus continuer à financer des activités néfastes pour l’environnement et donc pour l’homme.
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1. Environnemental, social et gouvernance
2. Cet anglicisme est dérivé du terme « woke », qui signifie littéralement « éveillé », et fait référence à un courant de pensée d’origine américaine qui dénonce les injustices et discriminations.
3. Loi sur la réduction de l’inflation de 2022, visant à freiner l’inflation en réduisant le déficit, notamment en investissant dans l’énergie domestique propre.