La classe d’actifs a particulièrement souffert en 2018. Comment expliquer l’ampleur de la baisse sur de nombreuses valeurs et les sorties massives sur la classe d’actifs ? En ce début d’année, Funds s’interroge sur l’opportunité de revenir sur les mid & small caps dans un contexte peu favorable aux actions européennes en général. • Quels sont les moteurs de performance de la classe d’actifs ?• Quid des valorisations ? • Quels secteurs privilégier ?
- Indépendamment du contexte très compliqué qui a plombé les marchés en 2018, et particulièrement au dernier trimestre, quels sont les éléments qui ont pesé sur la classe d’actifs ?
- La probabilité d’un tel scénario est donc prise en compte dans la construction du portefeuille…
- Il n’y a pas de définition très stricte d’une mid cap ou d’une small cap, mais vous imposez-vous des limites en matière de capitalisation boursière, à la hausse comme à la baisse ?
- Qu’est-ce qui a changé dans la perception de la classe d’actifs depuis le début de l’année?
- Peut-on dire que les niveaux de valorisation sont redevenus attractifs ?
- Existe-t-il des spécificités par pays ? Comment gérez-vous les devises ?
- Comment évolue l’univers d’investissement? Les introductions en Bourse sont-elles nombreuses ?
Indépendamment du contexte très compliqué qui a plombé les marchés en 2018, et particulièrement au dernier trimestre, quels sont les éléments qui ont pesé sur la classe d’actifs ?
Les mid & small caps font partie des premières classes d’actifs à avoir été sanctionnées. Pour quelles raisons ?
José Berros : En début d’année, la classe d’actifs s’était plutôt bien comportée mais, entre mai et octobre, la performance a commencé à se tasser avant de chuter en fin d’année. La classe d’actifs est très sensible à un élément : la liquidité. Or, des retraits massifs ont eu lieu l’an dernier. Au dernier trimestre, il y a eu 2,4 milliards d’euros de rachats sur les fonds mid & small caps européens. Pour rappel, en 2016 et 2017, la mise en place du PEA-PME, du système PIR en Italie («Piani individuali di risparmio» : plans individuels d’épargne destinés à attirer une partie de l’épargne vers les PME – ndlr) et de systèmes équivalents dans d’autres pays européens ainsi que l’attrait des fonds anglais et américains pour les mid & small caps européennes se sont traduits par des flux massifs et une performance élevée de la classe d’actifs.
Le retournement a été assez violent, l’ampleur de la baisse étant plus importante que pour les grandes valeurs. Pays par pays, les performances ne sont pas homogènes, la France faisant figure de mauvais élève de la zone euro. L’indice des petites valeurs françaises a en effet chuté de 23 % en 2018, contre une baisse de 16 % pour l’indice européen. Le phénomène de liquidité a été accentué sur le marché français. Toutefois, les petites valeurs françaises étaient celles qui avaient le plus progressé en 2016 et 2017 et avaient atteint des pics de valorisation. De nombreux titres se sont retrouvés déconnectés de leur valeur fondamentale après des hausses rapides et violentes.
Thierry Cuypers : La correction a d’ailleurs débuté plus tôt en France. Dès le mois de mars, les small caps françaises ont commencé à sous-performer les small caps européennes. C’est peut-être lié à une certaine déception sur les réformes mises en œuvre par le gouvernement. Les investisseurs étrangers ont commencé à douter de la capacité de Macron à changer les fondamentaux économiques.
Harry Wolhandler : Certaines spécificités du marché français expliquent aussi l’ampleur de la baisse, en particulier la forte présence du secteur des équipementiers automobiles, qui a souffert du dieselgate puis des tensions sino-américaines, mais aussi du conflit commercial entre les Etats-Unis et l’Europe sur les droits de douane sur l’automobile.
Marion Casal : De façon générale, les valeurs industrielles ont beaucoup souffert, aussi bien en France qu’en Allemagne, principalement du fait de leur composante cyclique mais également, et de manière plus ponctuelle, à cause de goulets d’étranglement sur la chaîne logistique. Sur le second semestre également, les valeurs de la consommation ont été fortement pénalisées (impact météo défavorable, effet gilets jaunes en France, etc.). De manière générale, les small & mids caps ont surperformé les large caps ces dernières années : depuis 2009, la performance du CAC Mid & Small (dividendes réinvestis) ressortait à plus de 250 % vs plus de 100 % pour le CAC 40 (dividendes réinvestis). Début 2018, les valorisations étaient élevées, et les valeurs ont été fortement sanctionnées en fin d’année. Les rachats sur la classe d’actifs ne sont donc pas surprenants.
Thierry Cuypers : Les indices small caps sont plus cycliques que les indices des grandes valeurs. Ils comportent beaucoup plus de valeurs industrielles et moins de valeurs du tabac, des télécoms ou des utilities qui amortissent mieux les baisses. Un point en faveur toutefois des petites valeurs : l’immobilier, qui représente 10 % de l’indice (contre 1 % pour les large caps), ce qui peut les aider. Le risque de récession économique qui se profilait a incité les investisseurs à vendre les small caps car ils savent que, dans ces périodes, elles sous-performent les grandes valeurs. Or, le risque de récession n’est pas avéré. La croissance est toujours là, même si elle ralentit.
Harry Wolhandler : La recherche de liquidité a également affecté les mid & small caps. Beaucoup de gérants multicaps avaient vu que la classe d’actifs était performante et avaient accru leur exposition à cette classe d’actifs depuis 2017. Quand ils ont vu que les marchés se retournaient, ils ont vendu.
Comment les investisseurs appréhendent-ils en général ce problème de liquidité ? Que redoutent-ils ?
José Berros : Les investisseurs sont sensibles à la capacité d’acheter ou de vendre un actif dans un certain laps de temps. On peut vendre l’intégralité d’une ligne sur Danone ou L’Oréal en quelques minutes mais, pour une petite valeur, il faut parfois plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour investir ou vendre. Cela a un coût qu’il faut estimer. Par ailleurs, dans un environnement moins favorable, un gérant doit pouvoir faire face aux rachats dans son portefeuille. Pour ce faire, il faut vendre des titres pour obtenir des liquidités, et donc pouvoir anticiper cela afin de ne pas être bloqué ou de ne pas devenir un «vendeur forcé» !
La probabilité d’un tel scénario est donc prise en compte dans la construction du portefeuille…
José Berros : On ne peut pas faire de la gestion small caps sans avoir cet élément en tête. Avant de sélectionner une valeur, nous évaluons le nombre de jours de trading nécessaires pour monter une position ou pour pouvoir en sortir.
Harry Wolhandler : Pour nous, c’est également un critère de choix. Il faut que 85 % du portefeuille puisse être cédé en moins de trois jours. C’est pourquoi nous investissons plutôt dans des mid caps ou dans des small caps d’une certaine taille et que nous excluons les microcaps dont la liquidité est insuffisante.
Marion Casal : Nous avons tous des règles assez strictes sur la liquidité des titres en portefeuille mais, dans un environnement tel que celui que nous avons connu au quatrième trimestre, il est très difficile d’être complètement immunisé au problème de liquidité de la classe d’actifs : les vendeurs cèdent massivement leurs titres, et cela nous impacte malgré nos règles de liquidité, même si nous ne faisons pas face à des rachats sur le fonds que nous gérons. Il faut savoir intégrer le risque de liquidité dans notre gestion et ne pas hésiter parfois à privilégier les valeurs les plus liquides dans le portefeuille.
Thierry Cuypers : En fin d’année, il était préférable de ne rien faire et de conserver toutes les lignes qui, en janvier, sont repassées au-dessus des niveaux de décembre. Les indices microcaps (moins de 150 millions d’euros de capitalisation boursière) ont plus baissé que les indices small caps, qui eux ont plus baissé que les indices mid caps. La baisse était inversement proportionnelle à la liquidité. Lorsqu’il y a beaucoup de vendeurs forcés, il est préférable de se tenir à l’écart et de garder ses convictions sur les fondamentaux.
José Berros : La liquidité est certes un critère de sélection important, mais elle ne détermine pas à elle seule l’intérêt que peut représenter une société. Cela dépend aussi de la taille du fonds.
Il n’y a pas de définition très stricte d’une mid cap ou d’une small cap, mais vous imposez-vous des limites en matière de capitalisation boursière, à la hausse comme à la baisse ?
Vendez-vous les titres lorsqu’ils franchissent ces seuils ?
Thierry Cuypers : Il faut s’imposer une discipline de vente lorsque les cours ont bien progressé. Dans le cas contraire, c’est la typologie du fonds qui est modifiée. Les investisseurs attendent de nous que nous battions les indices. Ils n’apprécient pas de constater un écart de performance en raison de la composition du fonds, parce qu’il y a trop de grandes valeurs, alors que l’indice des small caps a surperformé. Il faut donc savoir vendre les grosses mid caps pour se repositionner sur des valeurs plus petites.
Marion Casal : Il faut avoir une cohérence globale dans le portefeuille en matière de capitalisation médiane. Nous avons une capitalisation médiane actuellement de 2,6 milliards d’euros dans le portefeuille, avec des positions sur des valeurs allant de 400 millions à 10 milliards de capitalisation boursière, qui correspond bien à notre univers d’investissement.
Harry Wolhandler : Lorsqu’une valeur fait son entrée dans le CAC 40, nous la vendons systématiquement car elle ne fait plus partie de la classe d’actifs que nous sommes censés représenter. Les investisseurs n’ont pas toujours une bonne perception de cette classe d’actifs : quand on parle de small caps, ils imaginent souvent que ce sont des microcaps alors que, en réalité, ce sont des valeurs avec une capitalisation pouvant aller jusqu’à 10 milliards d’euros.
Qu’en est-il de la volatilité de la classe d’actifs ?
Thierry Cuypers : Avec la liquidité, la volatilité de la classe d’actifs est une des craintes des investisseurs. De nombreux graphiques montrent bien que les mid & small caps ne sont pas plus volatiles que les grandes valeurs.
Marion Casal : La volatilité cinq ans de l’Euro Stoxx (dividendes réinvestis) est de 15,9 %, et celle de l’Euro Stoxx Small (dividendes réinvestis) est de 15,1 %, ce qui montre bien que les small & mid caps, dans leur globalité, ne sont pas plus volatiles que les large caps.
José Berros : Les small & mid caps sont moins volatiles que les grandes, particulièrement depuis quelques années. Leur volatilité est une idée reçue. L’univers des small caps européennes compte environ 3 000 sociétés. De par leur diversité et le type de projets menés, les accidents, particulièrement dans certains secteurs, ne sont pas rares et ont tendance à marquer l’esprit des investisseurs. Prenons l’exemple du marché britannique, dans lequel nous investissons également : il faut être très prudent et se tenir à l’écart de projets mal ficelés. Une valeur peut perdre plus de 80 % en une seule séance. Notre métier consiste à construire des portefeuilles cohérents afin de se prémunir face à cette volatilité et d’éviter les mauvaises histoires.
Harry Wolhandler : Pour investir dans les mid & small caps, il est préférable de privilégier des fonds, car cela permet de mutualiser les risques. Dans un fonds bien diversifié, les mid & small caps ne sont pas plus volatiles en effet que les large caps.
Qu’est-ce qui a changé dans la perception de la classe d’actifs depuis le début de l’année?
Le risque de récession s’éloigne, les banques centrales calment le jeu… Est-ce positif pour la classe d’actifs ?
Harry Wolhandler : 2018 avait débuté sur un sentiment positif sur les actions et sur les mid & small caps, et sur un momentum économique très favorable, notamment en Europe. Tout au long de l’année, la montée des risques politiques et commerciaux, la dégradation de la conjoncture économique et les politiques monétaires de moins en moins accommodantes ont pesé sur les marchés. Cela a entraîné des révisions à la baisse des résultats et un dégonflement des valorisations à cause des retraits de liquidités. Depuis le discours de Jerome Powell en janvier, les investisseurs anticipent des politiques monétaires des banques centrales, et en particulier de la Fed, beaucoup plus accommodantes. A cela s’ajoutent la politique de relance en Chine et l’espoir d’un accord commercial avec les Etats-Unis. Un scénario de ralentissement économique s’installe, mais celui d’une récession s’éloigne dans le temps.
Marion Casal : Les publications montrent également que les résultats 2018 des entreprises ne sont pas si mauvais que cela. En fin d’année dernière, les craintes étaient élevées, et les attentes des analystes ont été révisées à la baisse après les publications du troisième trimestre. Finalement, lors des annonces de résultats annuels, les sociétés qui ont publié en ligne avec les attentes du consensus (et même celles qui ont publié légèrement en dessous) ont vu leur cours de Bourse grimper en flèche ; certaines valeurs ont parfois gagné 10 ou 15 % le jour de la publication, car les investisseurs craignaient le pire et ont finalement été rassurés.
Harry Wolhandler : En 2018, lorsque les résultats étaient légèrement inférieurs aux attentes, la correction boursière était très sévère. A l’inverse, depuis le début de l’année, lorsqu’une société publie des résultats légèrement moins bons que prévu, elle n’est pas particulièrement sanctionnée. La psychologie des marchés a totalement changé.
Thierry Cuypers : Les taux longs ont aussi beaucoup baissé. Les investisseurs institutionnels n’ont plus beaucoup d’opportunités d’investissements. Par ailleurs, le contexte monétaire est redevenu favorable aux marchés et aux actions.
Harry Wolhandler : Cependant, nous ne constatons pas de retour des flux en Europe !
Il est frappant, d’ailleurs, de constater à quel point la zone euro est absente des allocations d’actifs en ce début d’année…
Thierry Cuypers : La politique fait peur aux investisseurs étrangers : l’Italie, le Brexit, les gilets jaunes en France… C’est anxiogène ! Cependant, au niveau microéconomique, on trouve de belles sociétés en croissance.
Harry Wolhandler : Si on évite un hard Brexit, si la visibilité s’améliore dans la zone euro et qu’il n’y a pas de nouvelle poussée populiste lors des élections européennes, les investisseurs internationaux pourraient revenir sur la classe d’actifs.
Etant donné que le consensus est négatif sur l’Europe, c’est peut-être le bon moment d’y investir, puisque les flux sont déjà en grande partie sortis. La participation à la hausse est plutôt faible depuis le début de l’année, raison pour laquelle nous écartons le risque de forte correction des marchés.
Peut-on dire que les niveaux de valorisation sont redevenus attractifs ?
La baisse a-t-elle créé des opportunités dans la classe d’actifs ?
José Berros : La classe d’actifs est très diversifiée en matière de secteurs, de pays, de taille. Il est donc difficile de parler de niveaux de valorisation de la classe d’actifs dans son ensemble. Cependant, les small & mid caps restent mieux valorisées que les grandes valeurs. Il y a entre 15 et 20 % de prime, mais il convient d’être sélectif, patient et d’attendre le bon moment pour investir dans de beaux projets. Et de garder en tête qu’il n’y a plus de belles sociétés faiblement valorisées dans des secteurs de croissance.
Thierry Cuypers : Certaines sociétés ont même conservé leurs primes !
Harry Wolhandler : C’est surtout vrai pour les valeurs de croissance qui continuent de se payer cher dans un contexte de faible visibilité économique et de taux bas. Les investisseurs recherchent dans ce contexte ces valeurs de croissance avec des perspectives attrayantes. Ils sont donc moins regardants sur les niveaux de valorisation, d’autant plus que, dans les prévisions de résultats de ces sociétés, les analystes intègrent rarement la capacité d’une société à faire de la croissance externe ou à lancer de nouveaux produits. Or, ce sont justement ces perspectives dont il faut tenir compte. Il faut évaluer la capacité de la société à surprendre le marché par rapport aux estimations actuelles. Plus une société est valorisée de façon exigeante, plus nous devons, en tant qu’investisseurs, être exigeants sur la visibilité de ses perspectives bénéficiaires.
Pour les valeurs plus cycliques, tout dépendra de l’évolution du momentum économique au second semestre. Les marchés espèrent que les mesures de relance en Chine et la signature d’un accord commercial avec les Etats-Unis auront un effet positif sur la croissance économique. Dans cette hypothèse, les marchés pourraient poursuivre leur hausse grâce aux valeurs cycliques.
Marion Casal : Il est toujours possible de trouver quelques idées intéressantes, notamment parmi les valeurs massacrées en 2018. Je pense au secteur de la distribution non alimentaire, dans lequel certaines sociétés affichent des niveaux de valorisation très attractifs ou dans les valeurs industrielles. La question est de savoir identifier quelles sont les sociétés qui sont le moins susceptibles de réviser à la baisse leurs perspectives de résultats. Il faut faire un tri entre les valeurs très cycliques et celles qui sont positionnées sur des marchés sous-jacents plus résilients, sur lesquels il pourrait y avoir de bonnes surprises. Enfin, en termes de valorisation, les mid & small caps sont en effet plus chères que les grandes valeurs, mais le PE médian actuel est en ligne avec sa moyenne dix ans, à savoir 15,8 fois sur l’Euro Stoxx Small.
Thierry Cuypers : Au-delà des considérations macroéconomiques, il faut également prendre en compte la dimension technologique. Prenons l’exemple du secteur automobile : il est certes sensible à l’évolution des tarifs douaniers, mais il dépend surtout des révolutions technologiques. Ce thème va être porteur pendant des années. Les constructeurs et les équipementiers investissent beaucoup pour vendre à terme des voitures électriques même si, à court terme, elles ne font pas de bénéfices. La «green tech» est très recherchée et se paie cher.
Harry Wolhandler : L’intérêt de la classe d’actifs est qu’elle donne accès à des valeurs présentes sur des niches en croissance structurelle, qui accompagnent la mutation de l’économie.
Existe-t-il des spécificités par pays ? Comment gérez-vous les devises ?
José Berros : Comme nous privilégions les dossiers en forte croissance, nous sommes naturellement exposés à la Scandinavie. Près de 20 % du portefeuille sont actuellement investis en Finlande, Suède, Danemark et Norvège. Nous sommes en revanche peu présents en Allemagne, un marché plus cyclique. L’Espagne et l’Italie sont des marchés diversifiés en matière de secteurs, avec davantage d’actionnariat familial en Italie. Quant au Royaume-Uni, il s’agit du premier marché européen, avec environ 1 400 valeurs moyennes, soit environ 40 % du marché européen. Nous ne couvrons pas le risque de change dans le portefeuille.
Harry Wolhandler : Pour éviter les risques liés au Brexit, nous avons choisi comme indice de référence l’Euro Stoxx Small NR, dans lequel l’Angleterre n’est pas représentée. Cependant, nous investissons de façon marginale dans des valeurs anglaises tout en couvrant le risque de change.
Thierry Cuypers : Le marché anglais est celui qui a la meilleure performance fin 2018 et qui a le plus progressé depuis le début de l’année. C’est le marché le plus décoté. Il est difficile de rester à l’écart des small caps anglaises.
Marion Casal : Nous gérons pour notre part un fonds investi dans la zone Euro, donc nous n’avons pas à gérer de devises.
Quels sont vos principaux critères de sélection de titres ?
Marion Casal : Notre fonds est orienté aux deux tiers sur la croissance visible. Un tiers est investi dans des valeurs plus «value» qui restent moins longtemps en portefeuille. Nous essayons d’identifier les moteurs de croissance des entreprises qui vont leur permettre d’afficher des niveaux de progression de résultats élevés. Nous avons ainsi identifié trois thématiques ayant des potentiels de hausse importants : l’allongement de la durée de vie et le bien-être, la transition énergétique et la numérisation au sens large. A l’intérieur de ces thématiques, nous allons chercher les sociétés les mieux positionnées pour capter ces tendances lourdes, qu’elles soient en croissance ou «value». Dans notre processus d’investissement, nous intégrons à la fois un screening quantitatif ainsi que de l’analyse fondamentale. Nous modélisons les entreprises et nous déterminons des objectifs de cours. Enfin, nous rencontrons systématiquement les managements des sociétés qui pourraient potentiellement rentrer dans le portefeuille.
José Berros : Nous appliquons un premier filtre de sélection, en nous appuyant sur un modèle quantitatif développé en interne, pour nous concentrer sur des sociétés liquides, de croissance visible et dégageant des free cash-flows. L’univers initial composé de 3 000 entreprises est ainsi réduit à quelque 300 valeurs. Nous avons également développé un outil nous permettant de voir, de façon synthétique, les principales métriques d’une société (historique, équilibre bilanciel, actionnariat, etc.). Cela nous permet de repérer de nouvelles idées d’investissement. Commence ensuite le travail d’analyste-gérant sur les fondamentaux, le marché, la concurrence… Pour approfondir certains dossiers ou certains marchés, nous faisons également appel à des experts, et rencontrons systématiquement les managers avant d’investir. Enfin, et c’est l’une de nos spécificités, nos décisions sont toujours collégiales et permettent d’éviter certains biais.
Thierry Cuypers : Nous avons également un processus plutôt orienté croissance, avec des critères comme ceux qui ont été précédemment évoqués. Nous sommes très attentifs au modèle de développement d’une société. Il est important qu’elle ait un avantage compétitif durable (technologie, brevet, etc.) par rapport à ses concurrents. Nous regardons également la qualité du management. Les critères ESG sont de plus en plus importants pour nous. Par ailleurs, il faut aussi s’interroger sur les secteurs qui ne sont pas en croissance, mais dans lesquels on peut trouver des valeurs en croissance.
Harry Wolhandler : Nous avons un biais croissance avec l’identification de thématiques structurelles. Nous avons un premier filtre quantitatif, puis nous regardons la qualité du management et son track record, ainsi que la solidité du business model, notamment face à la disruption numérique. Le portefeuille peut avoir un biais plus cyclique. Nous identifions des secteurs qui peuvent performer selon le positionnement dans le cycle économique.
Comment évolue l’univers d’investissement? Les introductions en Bourse sont-elles nombreuses ?
Y participez-vous ? Le moment est-il propice aux OPA ?
Harry Wolhandler : Il y a peu d’introductions en Bourse depuis plusieurs mois. Pour ces dossiers, nous sommes encore plus exigeants, surtout quand il s’agit de sociétés introduites en Bourse pour permettre à des fonds de private equity de sortir. Dans ce cas, les valorisations sont déjà élevées. Nous étudions le dossier, puis nous l’observons pendant un temps pour avoir une meilleure visibilité sur le business model.
Thierry Cuypers : Nous participons à des introductions en Bourse. Certaines sociétés tiennent leurs promesses, mais la prise de risque est plus importante.
José Berros : Nous participons très peu aux IPO, à peine cinq ces dernières années au total alors que l’univers en connaît une vingtaine par an. Nous avons ainsi par exemple participé à l’introduction en Bourse de Neoen.
Marion Casal : Nous participons à certaines IPO, mais nous sommes très sélectifs. Nous avons tendance à nous méfier des valorisations parfois trop exigeantes et des guidances long terme souvent irréalistes données au marché par les dirigeants des sociétés qui s’introduisent en Bourse.
Thierry Cuypers : Il n’y a cependant pas assez d’introductions en Bourse pour renouveler l’univers d’investissement. D’autant qu’il y a aussi beaucoup d’OPA, et donc de retraits de la cote. La Bourse est aujourd’hui concurrencée par les fonds de private equity.
Harry Wolhandler : Nous sommes à un stade du cycle macroéconomique favorable aux OPA. Les sociétés se sont restructurées, elles ont des bilans solides, et les taux sont bas. Certaines n’ont pas de perspective de croissance organique et doivent réaliser des opérations de croissance externe. Les fonds de private equity regorgent également de liquidités qu’ils doivent déployer.
Thierry Cuypers : Pour les small caps, la croissance externe est souvent peu coûteuse, et ses effets positifs sont rapidement visibles dans le compte de résultats. La perspective d’une OPA fait également partie des critères que nous prenons en compte, à condition que la société rassemble également nos autres critères de sélection.