Allocation

Quelles perspectives pour le high yield ?

Publié le 30 mars 2018 à 12h01

Propos recueillis par Catherine Rekik

Dans un contexte de taux bas, le high yield a permis aux investisseurs, ces dernières années, de trouver du rendement sur le marché obligataire. En parallèle, le gisement du marché s’est enrichi et les taux de défaut sont restés faibles. Funds s’interroge sur le comportement de la classe d’actifs depuis le début de l’année.• Comment a-t-elle réagi à la correction des marchés début février ?• Le retour de la volatilité sur les marchés actions affectera-t-il la performance du high yield ?• Que peut-on attendre en matière d’émissions sur le marché primaire ? • La BCE va continuer à acheter des titres jusqu’en septembre. Que peut-il se passer ensuite ?• Quels sont les facteurs de soutien de la classe d’actifs sur le moyen terme ?

Après une année 2017 positive en matière de performance, comment se comporte la classe d’actifs depuis le début de l’année, en particulier durant la phase de correction des marchés fin janvier/début février ?

Alain Krief, responsable global de la gestion taux, Oddo BHF AM : En 2017, la classe d’actifs a délivré la performance attendue. Toutefois, en fin d’année, les spreads de crédit étaient relativement serrés par rapport à l’historique. La prime de risque et les spreads serrés étaient justifiés par un environnement macroéconomique favorable et de bons résultats d’entreprise. En début d’année, nous avons été surpris par l’augmentation de la volatilité en raison d’un rattrapage sur les taux souverains, notamment aux Etats-Unis. Ce qui a déclenché des ventes forcées sur le marché actions américain à cause de certains produits structurés.

Quand la volatilité augmente, l’incertitude aussi, et, automatiquement, les spreads du crédit et du high yield s’écartent, suscitant une certaine défiance à l’égard de la classe d’actifs. Les performances sont devenues négatives en février. Même si la marge de manœuvre en matière d’écartement des spreads est plus importante dans le high yield, les investisseurs, en particulier les allocataires d’actifs, ont préféré sortir de la classe d’actifs, surtout aux Etats-Unis. Ils n’ont pas réagi en réponse à un tassement de la croissance ou à une mauvaise statistique macroéconomique, mais dans l’attente d’une accalmie sur le marché des taux et d’une stabilisation de la volatilité sur un niveau plus bas pour revenir sur la classe d’actifs.

Il n’y a pas eu de remise en cause fondamentale du scénario économique, mais des questions se posent aujourd’hui sur certains risques géopolitiques, sur les mesures protectionnistes mises en place par l’administration Trump et sur les perspectives de croissance de l’économie américaine.

En ce qui concerne les réactions des banques centrales, la BCE maintient son discours et sa politique monétaire accommodante tandis que, aux Etats-Unis, où les taux sont remontés à 2,8 %, la Fed devrait continuer à relever les taux. Reste à savoir combien de fois elle le fera cette année et en 2019. Le changement de régime et l’incertitude autour des taux d’intérêt déclenchent des réallocations d’actifs.

La classe d’actifs a-t-elle dû faire face à des sorties de flux importantes ?

Fréderic Salomon, responsable de la gestion high yield,Schelcher Prince Gestion : Les flux sortants ont été assez importants aux Etats-Unis dans le high yield. Or, le marché européen est très dépendant du marché américain. Aux Etats-Unis, les entreprises sont plutôt en fin de cycle avec un niveau d’endettement élevé. La hausse des taux peut remettre en question le modèle et faire remonter le taux de défaut. Or, ce taux de défaut est aujourd’hui très bas, ce qui constitue encore pour l’instant un facteur de soutien important pour la classe d’actifs.

L’année 2017 a été plutôt une bonne année, se reposant essentiellement sur le portage, avec une volatilité quasi inexistante portant, en fin d’année, les spreads sur des niveaux serrés. L’année 2018 va être très différente. L’environnement économique mondial est assez favorable, avec une croissance mondiale autour de 4 %. Aussi, l’action des banques centrales a été telle que nous sommes aujourd’hui très dépendants de ces politiques monétaires. Les anticipations de fin de quantitative easing sont anxiogènes et favorisent le retour de la volatilité des marchés. C’est, selon nous, préoccupant. Cependant, après un premier mouvement de correction, nous estimons que la classe d’actifs commence à être correctement valorisée.

Avez-vous été surpris par la correction en tout début d’année alors que le consensus était plutôt optimiste sur l’évolution des marchés et les perspectives pour les actifs risqués ?

Fréderic Salomon

Il y avait quand même, à partir du dernier trimestre 2017, quelques signes laissant présager que les marchés ne pouvaient pas continuer sur la même tendance indéfiniment : les spreads étaient sur les niveaux de 2007, et certaines tensions sur les taux se faisaient déjà sentir sur fond d’annonces des banques centrales sur la réduction de leurs bilans. Fin 2017, nous avons senti que les investisseurs étaient un peu nerveux.

Pour les gérants de fonds high yield, la correction de début février a été assez salutaire. Elle a redonné un peu de valeur à la classe d’actifs qui, dans l’univers des taux, est la seule à laisser espérer encore du rendement positif en 2018. En effet, le monétaire ne rapporte rien, tandis que, dans l’investment grade, les spreads sont très faibles et la sensibilité aux mouvements de taux est très importante. Dans le high yield, la solidité des fondamentaux en Europe est un bon soutien de la classe d’actifs.

Benoit Soler, responsable de la gestion crédit, Ellipsis AM : La correction était en effet nécessaire. Tous les investisseurs en fixed income dans la zone euro sont venus sur la classe d’actifs en quête de rendement. Il y a sans doute eu des erreurs de pricing, notamment sur le marché primaire. Certaines émissions n’auraient jamais dû se faire à des niveaux de coupons aussi bas l’an dernier. Il y a eu une remise à plat de ces erreurs après la correction, et le marché me semble aujourd’hui à sa juste valeur. Mais, si la volatilité continue à augmenter, on ne peut pas exclure que les spreads augmentent également.

Nicolas Gouju, gérant, Groupama AM : Si la volatilité augmente, les spreads devraient normalement augmenter aussi, puisqu’elle est une composante des rendements dans la classe d’actifs. Les actions des banques centrales sont une des raisons pour lesquelles la classe d’actifs était aussi chère, car elles ont stoppé complètement la volatilité sur les actifs risqués. Une volatilité en baisse se traduit par les spreads que nous avons connus les années précédentes.

La fin du quantitative easing annoncée signifie un retour à la normale de la volatilité.

Alain Krief

Je ne partage pas complètement ce qui a été dit sur la cherté de la classe d’actifs. Certes, le high yield était cher historiquement, mais c’était justifié. L’écartement est salutaire, car c’est toujours mieux de rentrer dans la classe d’actifs quand les spreads sont plus élevés. Cela correspond aujourd’hui à une volatilité plus élevée. Pour moi, le high yield était autant à son juste prix hier qu’aujourd’hui. Ce que nous n’avions pas prévu, c’est un mouvement aussi rapide sur les taux d’intérêt.

Les niveaux de spreads ne sont pas trop serrés, compte tenu du risque de défaut, de l’environnement macroéconomique et des résultats des entreprises en général.

Nicolas Gouju

Depuis le début de l’année, on voit bien que la performance est positive pour le segment B et négative pour le segment BB. Ce segment a été tiré par l’action des banques centrales en 2016 et 2017, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Certains investisseurs commencent donc à sortir du segment BB qui, par ailleurs, a une sensibilité à la duration un peu plus longue.

Les émissions sont-elles importantes sur le marché primaire ? Comment évolue le gisement ?

Voit-on arriver de nouveaux émetteurs ? Le retour de la volatilité a-t-il un impact sur le marché primaire ?

Fabien Vieillefosse, gérant,Cogefi Gestion : 2017 a été importante en matière d’émissions sur le marché primaire, ce qui ne sera certainement pas le cas cette année, même si le marché reste vigoureux. Beaucoup d’émetteurs ont devancé leurs besoins en trésorerie ou profité des taux bas pour refinancer leurs dettes. Le marché primaire a été très animé, avec parfois des sursouscriptions à l’émission et sur des niveaux surprenants pour certains émetteurs. Ce qui reflète l’attrait des investisseurs pour le high yield, le rendement se trouvant plutôt sur les segments B et BB. Sont arrivés sur ce marché de nouveaux investisseurs, pas forcément habitués à la classe d’actifs. Cet attrait a parfois poussé les émetteurs à réduire leur prime.

Benoit Soler

Le montant des émissions devrait être sans doute moins important en 2018 car, d’une part, les entreprises ont moins de besoins de financement et, d’autre part, la classe d’actifs subit la concurrence des loans (dette privée). Chacune de ces deux classes d’actifs a ses atouts et ses inconvénients, mais elles sont en concurrence. Il y a eu en effet beaucoup d’anticipations de refinancement, mais certains émetteurs vont avoir des besoins importants dans les années qui viennent. L’an dernier, les émissions étaient un mix de refinancement et d’arrivée de nouveaux émetteurs sur la classe d’actifs. Ce sera intéressant de voir le niveau d’appétence pour les nouveaux émetteurs, avec le retour de la volatilité et la remontée des spreads.

Qui sont ces nouveaux émetteurs ? Ont-ils modifié le gisement ? Quels en sont les caractéristiques (taille, secteurs, origine géographique, etc.) ?

Benoit Soler

Le grand changement concerne la taille des sociétés. Historiquement, en raison d’un niveau d’endettement élevé, le marché était plutôt composé de gros émetteurs. Ces deux ou trois dernières années, ce sont des émetteurs de plus petite taille qui sont arrivés sur le marché. Leur taille n’est pas forcément un problème, mais cela demande un suivi plus important en matière d’analyse. Globalement, le gisement est devenu plus mature. Il est aujourd’hui assez diversifié en termes de taille, de secteurs et d’origine géographique. Cette diversification devrait se traduire normalement par une réduction des primes.

Alain Krief

Historiquement, le marché primaire a toujours été composé en grande partie d’entreprises cycliques. On trouve peu d’immobilier, de sociétés des secteurs de la santé ou des cosmétiques. Que de petits émetteurs soient arrivés sur ce marché constitue plutôt une bonne nouvelle, même si cela demande plus de recherche et de spécialisation. Cela enrichit le gisement en apportant de la croissance là où il y avait surtout des grosses sociétés cycliques, souvent des «fallen angels» tombés de l’investment grade dans l’univers du high yield. Aujourd’hui, d’ailleurs, c’est plutôt l’inverse, puisque ces émetteurs retournent sur le marché de l’investment grade. Dans le marché du high yield, des secteurs comme le retail peuvent avoir du mal à se refinancer, comme certains constructeurs italiens ou espagnols, car les spreads sur certains émetteurs sont très élevés. Il y a donc quelques situations tendues qui rendent le marché moins uniforme, avec des risques sectoriels et idiosyncratiques. Il est vrai que, hormis pour quelques émetteurs stressés, le marché est assez complaisant en général, mais prompt à sanctionner le moindre écart.

Fréderic Salomon

Nous pensons que le marché primaire va être beaucoup moins actif cette année qu’en 2017. Le gisement devrait même diminuer. La sortie des indices de certains gros émetteurs susceptibles de passer dans la catégorie investment grade peut être un facteur de soutien du marché.

Alain Krief

Signalons par ailleurs que le nombre d’émetteurs américains a considérablement augmenté en Europe en 2017. Cette tendance devrait se poursuivre, car ces émetteurs américains savent qu’ils peuvent emprunter en euro à moindre coût. Ils cherchent des sources de financement dans une devise dans laquelle ils ont une part de leur activité, comme c’est le cas pour XPO qui a racheté Norbert Dentressangle. Ces sociétés américaines représentent environ 15 % du marché contre moins de 10 % un an auparavant.

Fabien Vieillefosse

Nous avions déjà connu ce phénomène sur le marché investment grade en 2015, quand des grandes entreprises américaines venaient chercher du financement dans la zone euro.

Alain Krief

Il y a toujours eu de la corrélation entre le marché américain et le marché européen, mais avec une telle proportion d’entreprises américaines dans la zone euro, elle est aujourd’hui plus importante.

Fréderic Salomon

Cette corrélation est d’autant plus importante que certains gros émetteurs européens sont aussi présents dans les indices américains ! Par ailleurs, si le marché européen est aujourd’hui plus mature, il n’a encore rien à voir avec le marché high yield américain, ni en termes de taille ni de diversification.

Nicolas Gouju

Pour revenir sur les flux dont nous avons parlé précédemment, il faut avoir en tête que 20 % du marché high yield américain est fait sur les ETF qui ont concentré les deux tiers des flux sortants. En Europe, les ETF représentent environ 15 %, alors que, sur tous les autres marchés, ils ne représentent que 3 à 5 %. C’est donc problématique pour ce marché, car la volatilité que nous pouvons avoir par les flux en est d’autant plus importante. C’est une des spécificités du marché high yield qu’il faut voir en tête.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’évolution du gisement, nous avons constaté ces dernières années l’arrivée d’un nouveau secteur, les équipementiers automobiles, tandis qu’un secteur comme celui des laboratoires de santé a plutôt fait le choix du marché des loans. Il y a donc des petites spécificités sectorielles selon les marchés. En matière de volume d’émissions, le marché devrait être en baisse selon certaines anticipations, qui prévoient 80 milliards d’euros d’émissions en 2018 contre 100 milliards en 2017. D’autres ont des prévisions de 60 milliards d’euros pour cette année. Les estimations se situent donc entre 60 et 80 milliards, mais, plus il y aura de volatilité, plus les émissions se situeront dans la fourchette basse.

Vous avez évoqué l’arrivée d’acteurs de plus petite taille sur le marché du high yield. D’où une importance accrue de l’analyse. Comment travaille un gérant high yield ?

Avez-vous tous une double casquette gérant/analyste ? Est-ce un élément de différenciation important entre les gestions ?

Alain Krief

Toute notre équipe a une double casquette gérant/analyste. Dans le high yield, c’est certainement un élément de différenciation entre les types de gestion, alors que c’est moins vrai pour l’investment grade, une classe d’actifs pour laquelle il y a souvent une équipe de gestion et une équipe de recherche qui travaillent ensemble.

Fréderic Salomon

Sans avoir une approche d’analyste, il est difficile d’avoir une sélection bottom-up. Mais peut-être existe-t-il des fonds high yield benchmarckés ?

Benoit Soler

Il existe bien des fonds high yield semi-passifs. Jamais une gestion obligataire ne dira qu’elle est purement benchmarckée ! Même si certains gérants tendent vers du semi-passif quand ils ont les deux tiers des titres de l’indice en portefeuille. Il peut y avoir des différences entre les modes de gestion, mais une chose est sûre : il n’y a pas de gestion high yield dans laquelle un gérant n’a pas un minimum de compétence dans l’analyse des dossiers. Ce serait trop dangereux. Il faut avoir en tête que, dans le high yield, une situation peut rapidement se dégrader et coûter cher. C’est rare, mais cela arrive…

Dans les maisons ayant des expertises sur les actions et sur le crédit, existent-ils des synergies entre les analystes ?

Benoit Soler

Il peut y en avoir, mais les deux approches sont différentes, l’analyste crédit se focalisant plus sur la dette et le free cash-flow.

Alain Krief

Chez Oddo BHF AM, les deux équipes travaillent tout de même ensemble, non pas sur l’analyse fondamentale de la société, mais sur les aspects sectoriels, sur l’environnement, l’évolution des marges des entreprises ou les projets. Nous organisons des réunions stratégiques gestion actions et crédit. Nous avons également en interne une équipe de convertibles, une classe d’actifs qui fait le lien entre les deux. C’est surtout dans l’univers des mid et small caps que les synergies sont intéressantes, car quelques dossiers se retrouvent sur ces différents marchés.

Benoit Soler

Certains dossiers sont d’abord passés par le marché du high yield ou des convertibles avant d’être cotés en Bourse. Chez Ellipsis AM, si une société est cotée en Bourse, nous regardons d’abord la partie bilancielle, puis nous pouvons prendre contact avec l’analyste actions au sein du groupe Exane qui suit la valeur pour avoir plus d’informations sur le compte de résultats ou le secteur. Dans notre univers, nous suivons 250 émetteurs, dont certains ne sont pas cotés. Bien évidemment, pour ceux qui sont cotés, les analystes actions, qui suivent quelques valeurs, ont une connaissance plus approfondie.

Alain Krief

Il est également intéressant d’avoir le retour des analystes actions après les rencontres avec les dirigeants d’entreprise. Ils nous donnent un éclairage sur les perspectives de marché, utiles même lorsque les acteurs ne sont pas sur le marché du high yield.

Comment a évolué la corrélation entre les marchés actions et le marché du high yield ?

Nicolas Gouju

Selon les dernières statistiques, entre 1984 et 2018, la corrélation entre les actions européennes et le high yield européen est de 0,68. Sur des périodes très courtes, on parle plutôt de «décorrélation».

Alain Krief

Tout dépend du cycle ! On considère qu’il y a corrélation quand ce coefficient se situe au-dessus de 0,80. Quand l’environnement macroéconomique s’améliore et que les marges progressent, c’est positif pour les actions et le high yield. Dans ces périodes-là, la corrélation peut atteindre des niveaux proches de 1. Sur une longue période, on constate qu’il y a des cycles moins évidents, avec une croissance modérée et des hausses de résultats limitées qui permettent au high yield de mieux performer que les actions.

Nicolas Gouju

La corrélation avec les actions est réelle. Cependant, depuis le début de l’année, les marchés actions sous-performent, alors que la performance du high yield est presque nulle. La classe d’actifs arrive donc à faire mieux que les actions, grâce au soutien du coupon.

Les taux de défaut sont bas depuis longtemps. Vont-ils le rester ?

Fréderic Salomon

Avec l’injection massive de liquidités des banques centrales, le refinancement des entreprises n’a pas été un sujet ces dernières années. Toutes les sociétés se sont refinancées à bon compte et ont repoussé leur mur de dettes, pour la plupart au-delà de 2022. Elles n’ont pas besoin de se refinancer dans l’urgence. Normalement, les taux de défaut ne devraient pas être un sujet en 2018. Ils devraient même encore baisser dans le monde. Il faut cependant faire attention à la trajectoire des taux et des courbes de taux. S’il y a une tension sur les taux aux Etats-Unis, la situation pourrait se compliquer pour les entreprises ayant besoin de refinancement. Les taux de défaut pourraient alors remonter.

Fabien Vieillefosse

Pendant des années, nous avons vu des sociétés se refinancer à des coûts toujours plus bas. Aujourd’hui, le cycle s’inverse. Certaines entreprises pourraient avoir du mal à se refinancer en 2020 ou 2021. A ce moment-là, les taux de défaut devraient remonter.

Benoit Soler

Prenons l’exemple de Hertz : c’est un des premiers refinancements pour lesquels la société a payé un coupon plus élevé que le coupon en place.

Fréderic Salomon

Que les taux de défaut restent bas ne signifie pas que le risque idiosyncratique ne reviendra pas. Comme nous le voyons avec Astaldi et Steinhoff. Le marché commence à sanctionner les canards boiteux.

Benoit Soler

La violence des sanctions, dès qu’il y a un problème, est surprenante. Lorsqu’un problème apparaît, la défiance vis-à-vis de l’entreprise est très forte et se manifeste très rapidement. Nous devons l’intégrer à la prise de risque, car le droit à l’erreur est très faible.

Fréderic Salomon

Le retour du risque idiosyncratique est source d’opportunités. Après des années de portage, quelque peu ennuyeuses, le retour de ce risque amène un peu de valeur et permet de générer de l’alpha.

Pour l’instant, la BCE maintient son programme de rachats de titres jusqu’en septembre. Que peut-il se passer ensuite ?

Comment la classe d’actifs pourrait-elle être affectée ?

Fredéric Salomon

La BCE va rester un facteur de soutien en 2018. La parité euro/dollar est un sujet pour Mario Draghi, qui ne peut pas mettre un terme brutalement au quantitative easing. La BCE sera moins présente mais toujours là, et ce facteur technique va perdurer.

Fabien Vieillefosse

Réduire encore le montant des achats ne va pas changer grand-chose !

Frédéric Salomon

Nous pensons que Mario Draghi laissera la porte ouverte à un possible retour du quantitative easing si c’est nécessaire. Par ailleurs, la BCE est dépendante de ce que va faire la Fed. Si cette dernière remonte les taux de façon plus importante que prévu, il n’est pas sûr que le quantitative easing se termine de façon brutale en septembre.

Alain Krief

Je suis un peu plus partagé sur le sujet. Mario Draghi va certainement attendre le dernier moment pour se prononcer sur le sujet, mais on sous-estime les conséquences de la baisse des achats d’actifs. Nous le voyons avec ce qui se passe aujourd’hui sur l’investment grade, qui est principalement concerné par les rachats d’actifs.

Prenons l’exemple de l’émission récente de Sanofi. La BCE a pris une part très importante dans la demande, trois à quatre fois plus que les deux acheteurs suivants, à tel point qu’elle atteint son quota en début de mois. Le support de la BCE ayant disparu, l’effet négatif s’est porté sur l’investment grade, et plus marginalement sur le marché high yield. Si, demain, la BCE réduit ses achats, la donne va clairement changer sur le marché investment grade, et donc, par ricochet sur le high yield.

Nicolas Gouju

La BCE achète en moyenne 15 % des nouvelles émissions, ce qui signifie 15 % d’acteurs en moins sur le marché. La fin des quantitative easing sur les autres classes d’actifs a mis en évidence que, passée cette période d’achats d’actifs, la volatilité revient réellement.

Nous allons donc revenir vers la normalité avec plus de gestion de la volatilité. C’est sur ce scénario que nous avons construit notre gestion pour 2018, en ayant recours à plus de produits dérivés. Nous sommes convaincus que ce sont des instruments qu’il faut utiliser dans cette classe d’actifs pour ne pas être exposés en pur obligataire. Au-delà des histoires spécifiques, nous pensons que, sans le recours à ces outils, il y aura de la sous-performance.

Benoit Soler

Revenons sur le quantitative easing. Pourquoi le CSPP (Corporate Sector Purchase Programme [programme d’achat d’obligations d’entreprises, ndlr]) a-t-il été mis en place ? Parce que la BCE était allée au bout de ce qu’elle pouvait faire avec les programmes précédents sur les emprunts d’Etat, mais elle n’aurait jamais dû le faire. Est-ce que cela a du sens d’aider Sanofi à se refinancer à 0,30 % ou à 0,50 % ?

Frédéric Salomon

Le CSPP a permis de relancer le crédit dans certains pays d’Europe, notamment en Italie.

Benoit Soler

Certes, mais cela aurait pu se limiter à une aide pour les midcaps italiennes qui avaient des difficultés à se refinancer à cause des banques italiennes. Aider des sociétés investment grade, très internationales et avec beaucoup de cash n’avait pas de sens selon moi.

Face à la perspective de la fin du quantitative easing et du retour de la volatilité, qu’avez-vous mis en place dans vos gestions ?

Benoit Soler

Dans un monde assez complexe, pour faire de la performance, nous sommes plus sélectifs sur les dossiers qu’auparavant. Nous utilisons aussi des dérivés pour capter des phénomènes de volatilité. Les marchés crédit sont devenus très techniques, en partie parce que les banques n’y sont pratiquement plus présentes.

Nicolas Gouju

Liquidité et volatilité se travaillent aujourd’hui par les produits dérivés. La liquidité est apportée par les markets makers non plus sur le cash, mais sur les produits dérivés. Dans les marchés stressés comme début février, la liquidité sur le marché obligataire a été très compliquée.

Benoit Soler

Il y a une raison à cela : les indices de dérivés de crédit sont principalement utilisés par des intervenants sur la volatilité et non par des gérants de portefeuilles high yield.

Fabien Vieillefosse

En ce qui nous concerne, notre fonds est court terme. Nous sommes investis dans un segment court du high yield. La duration est inférieure à deux. Nous sommes donc moins affectés par des mouvements comme celui de début février. Nous avons opéré quelques changements, puisque le fonds a une duration plus courte que l’an dernier et un peu plus de cash. Il peut y avoir des opportunités à saisir ou, au contraire, à faire face à des rachats si nécessaire. Nous essayons d’être bien diversifiés, avec environ 70 émetteurs en portefeuille.

Frédéric Salomon

Nous avons intégré la remontée de la volatilité, ainsi que la difficulté des marchés à générer de la performance cette année. Nous essayons d’être très tactiques en faisant varier l’intensité de risque du portefeuille en fonction des anticipations. Nous avons également du cash pour saisir des opportunités. Nous pensons que, aujourd’hui, il vaut mieux resserrer le portefeuille autour de signatures que nous apprécions et de piloter les «relative value» entre les BB et les B qui présentent, selon nous, plus de valeur.

L’aspect bottom-up est très important. Il ne faut pas avoir peur de sortir des sentiers battus et de s’intéresser à des sociétés en restructuration. En ce qui concerne la sensibilité aux taux de notre portefeuille, nous sommes relativement neutres. Nous la couvrons en partie et nos cibles, en termes de maturité, se situent autour de 2022 et 2023.

Alain Krief

Dans notre gestion, nous avons beaucoup recours à la flexibilité, c’est-à-dire à des dérivés de crédit et de taux. L’environnement économique devrait soutenir le crédit, et la volatilité devrait augmenter à cause des mouvements sur les taux. Nous essayons de gérer au mieux ces deux phénomènes en recourant aux dérivés pour changer un peu les profils des portefeuilles. Nous différencions les stratégies, les fonds benchmarckés des fonds total return. Pour ces derniers, qui ont bénéficié de flux entrants dernièrement, nous sommes couverts sur les taux d’une façon dynamique.

Pour des investisseurs qui s’inquiètent de la remontée des taux, d’un changement de cap de la BCE et du retour de la volatilité, en quoi la classe d’actifs est-elle encore intéressante?

Que peuvent-ils espérer en matière de rendement ?

Benoit Soler

Les perspectives de performance pour 2018 ne peuvent pas être les mêmes qu’en 2017. Mais il y a l’effet portage sur l’année, le risque de défaut est faible et la volatilité permet de se replacer et de faire un peu de gain en capital. Le contexte est donc plutôt favorable. Le potentiel de performance me semble aujourd’hui plus important qu’il ne l’était fin 2017, après un démarrage trop rapide.

Frédéric Salomon

Sur l’ensemble du fixed income, le high yield est le seul segment qui permette d’espérer des performances positives. Fin 2017, le high yield paraissait cher par rapport aux actions et au rendement du dividende, ce qui s’est traduit par un arbitrage en faveur des marchés actions. Le retour de la volatilité et la baisse des marchés actions ont certainement refroidi plus d’un investisseur. Sauf choc exogène, le high yield devrait délivrer un rendement correct, autour de 3 %.

Nicolas Gouju

Le phénomène de duration de la classe d’actifs est protecteur par rapport à la hausse des taux. A cela s’ajoute le portage, ce qui rend la classe d’actifs intéressante. Les opportunités liées à la volatilité et les histoires spécifiques sont également des ingrédients importants pour créer de la valeur.

Alain Krief

Je pense que nous pouvons même attendre 3,5 à 4 % de performance pour la classe d’actifs. Il y a encore un peu de pente de crédit sur le high yield, qui peut générer de la performance additionnelle et compenser le léger écartement des spreads. En étant investi dans le segment B, il me semble possible d’atteindre 4 %.

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