Les solutions d’investissement dans les actifs non cotés à destination des particuliers fleurissent. Privilégier la dette privée, assortir les financements de critères extra-financiers, travailler en partenariat avec des intermédiaires pour commercialiser ces produits complexes… Frédéric Giovansili, directeur général adjoint de Tikehau Capital, explique de quelle manière la société de gestion(1) spécialisée dans les investissements alternatifs a choisi d’adresser ce marché en plein essor.
Comment expliquez-vous le mouvement actuel de démocratisation du non coté ?

Tout d’abord, par le besoin exprimé par les distributeurs et par leurs clients d’avoir accès à des solutions d’investissement offrant des rendements potentiels élevés, mais n’affichant pas les mêmes niveaux de volatilité que les produits de marché de capitaux (actions, obligations, 2). En parallèle, les acteurs intervenant sur le non coté ont la volonté d’élargir leur base d’investisseurs au-delà du cercle des institutionnels. Le fait de capter l’épargne des particuliers permet en effet aux sociétés de gestion de compléter et de soutenir leurs allocations. D’autant que les sommes en jeu sont colossales. Les investisseurs privés représentent en effet les 2/3 des actifs mondiaux (3) . Enfin, n’oublions pas le rôle clé joué par la loi Pacte de 2019, qui a permis une ouverture plus large de l’assurance vie – le support d’épargne favori des Français – à cette classe d’actifs.
Certains segments du non coté ont-ils davantage le vent en poupe ?
Le capital-investissement a été privilégié dans un premier temps. Ce support d’investissement en fonds propres était en effet le plus évident dans un contexte de taux d’intérêt très bas. Néanmoins, avec la remontée des taux qui a eu lieu depuis 2022, on observe un report vers la dette privée, dont le couple risque/rendement est selon nous plus intéressant que le capital-investissement actuellement.
De quelle manière répondez-vous à cette demande croissante ?
Nous proposons des produits de co-investissement aux côtés des institutionnels, qui sont donc investis dans les mêmes actifs sous-jacents. Nous privilégions la dette privée : en effet, les flux de trésorerie des fonds de dette privée facilitent la gestion de la liquidité. Par ailleurs, les fonds de dette privée présentent selon nous un profil de risque/rendement attractif, notamment dans le contexte actuel de taux d’intérêt plus élevés. De plus, dès lors que l’on se place dans une logique d’allocation, la dette privée peut constituer un vecteur de diversification. La dette privée permet de proposer des produits de capitalisation, le paiement des intérêts venant revaloriser la valeur liquidative des fonds.
Nos financements se portent vers des entreprises de taille intermédiaire en forte croissance (dont le modèle d’affaires et la profitabilité sont avérés), avec un ancrage territorial fort, ce qui fait particulièrement sens pour les investisseurs particuliers. Nos financements intègrent de plus en plus de critères extra-financiers pour les entreprises, notre volonté étant d’être prescriptifs sur ces sujets, en adéquation avec la demande des clients (assureurs et investisseurs finaux). Nous avons notamment lancé une solution dédiée pour la Société Générale et, plus récemment, une solution multidistributeurs : ces initiatives visent à financer uniquement des entreprises qui se sont engagées à décarboner leur modèle d’affaires en suivant une trajectoire de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre en ligne avec l’Accord de Paris. Chaque année, nous observons les progrès réalisés et ajustons le niveau des intérêts à la hausse ou à la baisse en fonction des jalons atteints.
Ce mouvement de démocratisation se heurte-t-il à des obstacles ?
Même si la loi Pacte a levé un certain nombre de freins d’ordre technique, il reste celui de la liquidité. Les clients finaux ne sont pas directement concernés par cette problématique puisque les assureurs en font leur affaire. Ils ont des exigences très fortes en la matière. Ces exigences en termes de liquidité expliquent d’ailleurs l’essor de la dette privée. Le versement régulier de dividendes et l’existence d’une maturité pour le remboursement (4) apportent en effet de la visibilité sur les flux de trésorerie.
Il est par ailleurs nécessaire d’éduquer les distributeurs et, de facto, leurs clients sur les particularités de cette classe d’actifs. Plus précisément, il faut bien expliquer le couple rendement/risque des produits proposés afin de s’assurer de son adéquation avec les besoins des clients. Cela nécessite un important travail de pédagogie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons fait le choix assumé de ne pas travailler avec les plateformes d’investissement en ligne. Les actifs non cotés étant des produits complexes, leur commercialisation doit, de notre point de vue, être impérativement accompagnée par un intermédiaire financier qui a une connaissance approfondie des besoins de leurs clients.
La loi industrie verte votée à l’automne dernier est également favorable pour l’investissement dans les actifs non cotés…
Ce texte pousse effectivement les assureurs à introduire une part de non coté dans leur offre de gestion profilée, ce qui ouvre de nouveaux développements pour nous. L’accès à des actifs non cotés à travers des profils différents repose sur le pilotage des assureurs et permet d’obtenir une adéquation entre les besoins des investisseurs et le type d’investissements sous-jacents. Là encore, l’intervention d’un intermédiaire financier comme les assureurs nous paraît essentielle dans la démocratisation de ce type d’investissements.
1. Les solutions d’investissement sont gérées par Tikehau Investment Management, société de gestion d’actifs du groupe Tikehau Capital.
2. Tout investissement comporte des risques, y compris, mais sans s’y limiter, le risque de perte en capital et le risque de liquidité.
3. Source : PwC, rapport Asset and wealth management revolution, 2023.
4. Hors cas de défaut.