Politiques publiques et évolutions réglementaires favorisent l’essor de la gestion ISR. Mais pour que l’offre rencontre la demande, pédagogie et accompagnement sont toujours plus que nécessaires.
« 2023 marque une bascule pour l’industrie de la gestion d’actifs en Europe », relève le dernier observatoire de la gestion ISR de Quantalys. Avec environ 4550 Md€ d’encours, les fonds ISR ont vu leur poids multiplié par 13 sur les 5 dernières années pour représenter, l’an dernier, près de la moitié du marché de la gestion en Europe. L’approche ESG infuse toutes les classes d’actifs, actions et obligations en tête. Sans surprise, le poids de la gestion passive croît aussi, avec 450 ETF ESG distribués fin 2023, soit 7 % de la gestion ISR. Une bascule que Quantalys attribue notamment aux politiques publiques visant à favoriser le fléchage des capitaux vers les besoins de financement en Europe pour accompagner les grandes mutations technologiques, démographiques et climatiques, mais aussi aux évolutions réglementaires ou encore à la prise de conscience des investisseurs pendant les différentes crises récentes. « Dans un environnement économique, financier et géopolitique peu prévisible, l’analyse extra-financière fait figure de boussole pour anticiper les risques et identifier les entreprises résilientes », appuie Simon Lolmede, fondateur du cabinet Origami Groupe. Néanmoins, après une année 2023 déjà très mitigée, les fonds ISR subissent depuis décembre d’importantes sorties nettes selon les données de Quantalys, et ce, à contre-courant des fonds non ESG. Et la conversion des clients privés à la finance responsable reste lente. Certes, l’accès aux fonds ISR est facilité par leur référencement croissant dans les contrats d’assurance-vie et les PER. Quantalys recense en moyenne 300 fonds ISR par contrat, soit 3 fois plus qu’en 2021. Mais les épargnants exprimant spontanément une volonté de durabilité dans leurs allocations restent minoritaires. D’ailleurs, selon une enquête AMF OpinionWay réalisée il y a un an, 72 % des sondés ne savent pas comment investir de façon responsable et durable. « Il y a toujours beaucoup de pédagogie à réaliser, qui plus est depuis l’intégration de critères extra-financiers dans le questionnaire client, pour expliquer ce que signifient la durabilité et ses différentes notions, souligne Simon Lolmede. Il faut aussi les éclairer sur la compatibilité entre performances financières et extra-financières. »
Pour une meilleure compréhension, les professionnels appellent aussi de leurs vœux davantage de transparence, un accès à des données de qualité permettant de quantifier – selon des normes à établir – la durabilité, mais aussi une harmonisation réglementaire. De l’avis des professionnels, le nouveau référentiel du label ISR, par exemple, va dans le bon sens… sous réserve du bon déroulé des procédures de contrôle. Or, selon la dernière étude d’Epsor, 49 % des fonds labélisés fin 2023 ne respectaient pas les critères de la nouvelle version.
« Pour répondre aux enjeux de durabilité, la réglementation doit encore accélérer. Mais cela ne pourra pas se faire sans une bonne compréhension de ces règles par les CGP », ajoute Simon Lolmede. Depuis 18 mois, ceux ayant le statut CIF doivent déjà intégrer des critères de durabilité dans leurs questionnaires clients et proposer à ces derniers des produits en adéquation avec leurs préférences extra-financières… ce qui peut s’avérer complexe pour nombre d’entre eux. « Exclure les fonds classés article 6 SFDR est une première étape indispensable. Mais ensuite, analyser et sélectionner les fonds avec une approche ESG voire durable est extrêmement chronophage et coûteux. Les CGP ont donc besoin d’être accompagnés », insiste Simon Lolmede. C’est notamment l’une des missions des Acteurs de la Finance Responsable. De son côté, Epsor analyse annuellement depuis 4 ans, sur la base de données Morningstar, la composition des fonds actions domiciliés en France (861 dans la dernière mouture) avec le calcul d’un score impact exprimant leur engagement en faveur de la transition écologique, et, à la clé, le Top 25 des fonds les plus engagés. Les membres de la CNCGP peuvent, de leur côté, désormais s’appuyer sur le guide pratique sur la durabilité que l’association professionnelle vient de publier, en complément des actions et formations déployées depuis 2022.