Qu’on soit jeune diplômé ou professionnel à la recherche d’un nouvel élan, le métier de CGP séduit toujours. Pour répondre aux exigences de ces jeunes CGP et aussi aux évolutions de la gestion d’actifs, les différentes formations s’adaptent.
Chaque année, le master Gestion de Patrimoine de Dauphine-PSL reçoit quelque 1 000 candidatures pour environ 100 places, dont 1/4 en formation continue. Chez Inovéa, réseau indépendant regroupant 3 000 CGP, 26 % des adhérents ont entre 25 et 34 ans, 35 % entre 35 et 44 ans. Les professionnels participant à l’Incubateur by Nortia ont en moyenne 40 ans. « Le métier de CGP est souvent perçu comme vieillissant. Mais la réalité est tout autre », se félicite Emmanuel Hardy, président d’Inovéa.
Croissance des effectifs
Accompagner et conseiller la clientèle privée en gestion de patrimoine séduit toujours. L’AMF recensait 16 807 CIF fin 2023, un nombre en hausse de 4 % après les 8 % de 2022. Les perspectives du métier restent attractives, aussi bien pour répondre aux besoins des baby-boomers que des générations plus jeunes, notamment pour préparer leur retraite. Pour les jeunes diplômés, une formation BAC+ 5 est souvent le parcours classique. « Un master en gestion de patrimoine propose un enseignement pluridisciplinaire permettant, une fois installé, de délivrer un conseil de qualité qui ne soit pas uniquement orienté produit », fait valoir Chloé Toupé, CGP à la Financière de Rochilly et chargée de cours dans deux instituts de gestion à Toulouse. Après une dizaine d’années d’expérience, pour se lancer, des professionnels font le choix de la formation continue ou d’un programme dédié proposés par des plateformes ou des réseaux de CGP. « Nous constations que beaucoup voulaient s’installer, mais que peu osaient, pointe Philippe Parguey, Directeur général de Nortia. Nous avons donc lancé en septembre 2022 l’Incubateur by Nortia, un programme d’accompagnement dédié aux jeunes cabinets de CGP. » C’est un programme sur deux jours avec quatre à cinq sessions par an. « Chaque année, une soixantaine de CGP sont accompagnés, via LinkedIn et le bouche-à-oreille comme principaux canaux de recrutement. A l’issue du programme, les 2/3 se lancent, avec une 1re affaire réalisée, en moyenne, dans les 9 mois », poursuit-il.
Des motivations souvent similaires
Les motivations de ces jeunes CGP sont souvent les mêmes. « Beaucoup de nos jeunes adhérents ont commencé leur carrière en tant que conseiller au sein d’un réseau banque-assurance, avec, très vite, la perception d’un conflit de valeurs, souligne Emmanuel Hardy. Souvent, leur première motivation pour rejoindre un cabinet de CGP est le sens qu’ils peuvent trouver dans l’accompagnement du développement du patrimoine de clients privés en dehors des contraintes d’un réseau banque-assurance. » En outre, Emmanuel Hardy observe chez ces jeunes professionnels le souhait de comprendre les différentes facettes du métier. « Ils adhèrent parfaitement à l’approche généraliste que nous promouvons chez Inovéa. Nous avons la conviction que le CGP de demain est un conseiller en réseau, s’associant avec les bons partenaires, notamment via l’interprofessionnalité. » Philippe Parguey souligne l’émergence d’un nouveau profil de jeunes CGP avec une culture entrepreneuriale et un besoin de liberté d’action. « C’est extrêmement motivant pour une plateforme comme Nortia, mais aussi très exigeant pour notre incubateur », ajoute-t-il.
Capitaliser sur le partage d’expérience
Ces CGP en devenir ont des attentes bien précises. « L’Incubateur by Nortia a rapidement évolué, reconnaît Philippe Parguey. Alors qu’il était initialement très axé sur les formations patrimoniales, nous l’avons davantage orienté sur la conformité réglementaire, première des préoccupations, mais aussi sur l’ingénierie financière, avec des modules plus courts et très pratiques. » Chez Inovéa, 2/3 des adhérents sont en phase d’intégration. Pour répondre à leurs attentes, Inovéa a créé un module de formation avec JurisCampus et la CNCEF (Chambre Nationale des Conseils Experts Financiers). « Nous souhaitons, avec l’appui d’outils technologiques, aller vers une ultra-personnalisation des parcours de formation, adaptée au profil du jeune CGP, ses études et son expérience professionnelle », met en avant Emmanuel Hardy. Le partage d’expérience est également clé. Nortia vient de créer le Cercle de l’Incubateur, qui réunit une fois par an tous les incubés depuis le lancement du programme, pour des séances de formation, mais aussi pour favoriser les échanges au sein de cette communauté. Inovéa promeut le lead management. « Etre CGP et conseiller un nouveau pair est extrêmement enrichissant pour les deux parties », insiste Emmanuel Hardy. Certains CGP optent même pour l’enseignement en master spécialisé. « Enseigner en lien avec mon métier de CGP est un objectif que je me suis fixé dès le départ, explique Chloé Toupé. Je n’ai donc pas hésité lorsque j’ai été sollicitée pour enseigner ma spécialité en gestion de patrimoine artistique. J’ai par la suite élargi mes interventions aux stratégies patrimoniales, car j’en réalise un certain nombre du fait de mon implantation aux côtés d’un office notarial et d’un cabinet d’expertise comptable. Les étudiants sont toujours très intéressés par les cas pratiques des dossiers que j’ai à traiter, notamment en ingénierie patrimoniale. Enseigner est aussi pour moi une source de montée en compétences pour toujours mieux accompagner mes clients avec pédagogie. ».
Questions à Frédéric Gonand, co-directeur de l’institut de gestion du patrimoine de Dauphine-PSL
« Les soft skills et le savoir-être sont déterminants dans notre processus de sélection »
Quel est le profil des étudiants en master Gestion de Patrimoine ?
Les étudiants que nous sélectionnons proviennent de la licence Gestion de patrimoine de Dauphine-PSL, mais aussi de cursus BAC+ 3 en droit, économie-gestion ou encore du Top 10 des écoles de commerce. Les compétences académiques ne suffisent pas. Dans le conseil en gestion de patrimoine, la relation avec le client est primordiale, tout comme la capacité à adopter une approche transversale du métier. Les soft skills et le savoir-être sont donc déterminants dans notre processus de sélection. Nous recherchons des personnalités altruistes, faisant preuve de curiosité, à l’aise pour communiquer.
Quels sont les principaux débouchés ?
Le taux d’emploi est quasiment de 100 % dans les 6 mois suivant l’obtention du diplôme, le plus souvent au sein de banques privées parisiennes ou de grands cabinets de CGP. Nous observons depuis une dizaine d’années de plus en plus de débouchés au sein de family offices. Notre master étant proposé uniquement en alternance, les recrutements ont souvent lieu dans la même structure. Chaque année, une petite partie de la promotion commence sa carrière au Luxembourg, mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse, à Monaco et même à New York.
Comment la formation a-t-elle évolué ces dernières années ?
Nous nous assurons qu’elle soit toujours en phase avec les attentes de nos entreprises partenaires. Cela fait l’objet d’échanges deux fois par an. Pour répondre à l’évolution des attentes de la clientèle intermédiée, plus particulièrement des jeunes générations, nous avons renforcé les enseignements sur la finance durable et à impact, mais aussi sur la philanthropie. Nos étudiants sont d’ailleurs devenus très sensibles à ces enjeux. L’investissement sur le marché de l’art est aussi l’une des grandes tendances. L’art-finance ainsi que la gestion d’un patrimoine artistique font donc partie des enseignements. Nous avons même créé en 2020 un Executive Master Marché de l’art - Gestion de patrimoine. En outre, depuis 4 ans, nous publions annuellement, avec ma codirectrice Amélie de Bryas et une vingtaine de contributeurs spécialisés, le Manuel de Gestion du Patrimoine chez Vuibert. Le savoir-être étant capital pour gagner et conserver la confiance des clients, les cours de business étiquette et de théâtre font partie intégrante de la formation, tout comme les sorties à l’Opéra. L’observation des comportements lors des entractes est riche d’enseignements pour de futurs CGP.
Ce master est également accessible à des professionnels en formation continue. Quelles sont leurs motivations ?
Ce parcours rencontre un franc succès auprès de professionnels souhaitant opérer un virage, généralement vers 45 ans. Ils proviennent pour environ 40 % du secteur de la finance et de la banque, pour 40 % de professions réglementées. Les 20 % restants ont des parcours professionnels variés, sans forcément de liens avec la formation enseignée. Une fois diplômés, ils optent souvent pour l’entrepreneuriat. Ils peuvent capitaliser sur leur réseau professionnel, condition sine qua non pour se lancer en tant qu’indépendant.