Longtemps réservés aux investisseurs avertis, les ETF commencent à intéresser le grand public. Boostée par la digitalisation, l’évolution des plateformes en ligne et l’appétit grandissant des jeunes investisseurs, cette dynamique redessine le paysage de l’investissement. Reste à convaincre les conseillers en gestion de patrimoine !
Toutes les études constatent un engouement des jeunes générations pour la Bourse, et en particulier pour les ETF. Au mois de novembre 2024, l’Autorité des marchés financiers (AMF) observait dans une étude une multiplication par 4 du nombre des investisseurs particuliers ayant réalisé au moins une transaction sur ETF en seulement 5 ans (entre le 2e trimestre 2019 et le 2e trimestre 2024) ! Cette accélération impressionnante illustre le changement profond en cours. L’attrait des particuliers pour les ETF s’est en effet renforcé ces dernières années. Ainsi, selon les statistiques publiées par l’AMF le 30 janvier 2025 : en 2024, environ 509 000 particuliers ont-ils acheté ou vendu des ETF cotés sur des indices ou des paniers d’actions contre 296 000 en 2023, et en 2024, quelque 246 000 nouveaux investisseurs en ETF ont été dénombrés contre 98 000 en 2023 ! Une transformation générationnelle est aussi à l’œuvre. L’âge moyen des investisseurs en ETF à 41,3 ans est largement inférieur à l’âge moyen des investisseurs en actions à 52,3 ans en 2024. « Signe de cette propension des plus jeunes à investir en ETF, 45 % des investisseurs actifs entre 25 et 35 ans ont acheté ou vendu des ETF au cours des 6 premiers mois de l’année 2024 contre 11,7 % en 2019 », souligne l’étude de l’AMF.
Les plateformes digitales à la manœuvre
Après avoir été longtemps absents sur ce marché, les épargnants français rejoignent désormais la tendance européenne. Depuis le covid, l’appétit des particuliers pour la Bourse ne se dément pas. Si une partie des investisseurs achètent en direct des valeurs qu’ils apprécient, dans la technologie par exemple, ils sont aussi de plus en plus nombreux à s’intéresser aux ETF. « Depuis deux ans, nous constatons une démocratisation de l’usage des ETF grâce notamment au développement des plateformes d’épargne en ligne. Il s’agit de l’aboutissement de près de 15 années d’effort de la part des fournisseurs d’ETF pour se développer sur ce marché », précise Thibaud de Cherisey, responsable chez Invesco de la distribution des ETF pour la région EMEA. Ces plateformes, qui séduisent par leur accessibilité et leur simplicité, représentent désormais 30 % des flux des particuliers sur les ETF. La digitalisation a en effet considérablement facilité les démarches. « Elle permet l’ouverture d’un PEA (plan d’épargne en actions) ou d’un contrat d’assurance vie en quelques clics, et ces plateformes s’appuient principalement sur des ETF pour proposer des solutions d’investissement aux particuliers », poursuit Thibaud de Cherisey. Les plateformes parviennent ainsi à familiariser rapidement leurs utilisateurs avec la Bourse. « 70 % de nos clients ont moins de 35 ans et plus de 60 % d’entre eux n’avaient jamais acheté une action ou un ETF avant de souscrire à un compte chez Trade Republic », indique Vincent Grard, directeur France de Trade Republic. Les plateformes jouent aussi un rôle important dans la mise à disposition des ETF dans les contrats d’assurance vie. Ainsi, selon la dernière note de l’observatoire Harvest Quantalys réalisée en partenariat avec les équipes de BNP Paribas Asset Management et publiée début mai, « la part des contrats d’assurance vie intégrant au moins un ETF est passée de 44 % en 2022 à 55 % en 2024 (+ 11 %), illustrant leur place incontournable dans les enveloppes fiscales et leur rôle essentiel dans la gestion patrimoniale », précise le communiqué, et les experts d’ajouter : « les plateformes digitales jouent un rôle clé pour faciliter l’accès aux ETF et se constituer un portefeuille diversifié de manière efficace ».
«Depuis deux ans, nous constatons une démocratisation de l’usage des ETF grâce notamment au développement des plateformes d’épargne en ligne. Il s’agit de l’aboutissement de près de 15 années d’effort de la part des fournisseurs d’ETF pour se développer sur ce marché.»
Une réglementation favorable
Malgré cet engouement croissant, le marché français n’a pas encore pleinement exploité toutes les possibilités offertes par les ETF. Les marges de progression sont ainsi importantes, notamment en matière d’investissement fractionné. Les investisseurs français sont en effet moins friands que les Européens et en particulier que les Allemands en la matière. Seulement 11 % d’entre eux s’y adonnent contre 49 % des investisseurs européens, selon l’enquête de l’AMF. Cependant, les choses pourraient évoluer rapidement. « Nous proposons à nos clients d’acheter une portion d’ETF ou d’une action et d’investir toutes les semaines, tous les mois ou tous les trimestres ; ce type de fonctionnalité séduit les plus jeunes », précise Vincent Grard. L’entrée en vigueur de la loi attractivité promulguée au mois de juin 2024 marquera aussi certainement une étape importante en la matière. « Cette loi autorise les investissements fractionnés via le PEA ; les décrets d’application devraient être publiés avant l’été et pourraient permettre d’attirer de nouveaux épargnants vers le PEA », avance Vincent Grard.
Face à cette dynamique, les fournisseurs d’ETF multiplient les partenariats stratégiques pour conquérir une clientèle toujours plus large. Amundi ETF par exemple a conclu un partenariat avec Fortuneo en 2024. Début mars, soit six mois après le début de la collaboration, s’en est félicité de cette collaboration. « Ces solutions d’investissement ont séduit en 2024 : 60 % des nouveaux clients de Saxo qui ont ouvert un compte ont tradé au moins une fois des ETF. Le nombre de clients ayant tradé des ETF a ainsi quasiment doublé entre 2023 et 2024 au sein de la banque d’investissement en ligne », selon un communiqué en date du 6 mars. La Banque BNP Paribas a quant à elle annoncé le 24 mars dernier un partenariat avec EasyBourse, le courtier de La Banque Postale, afin de faciliter l’accès des particuliers à des solutions indicielles.
En revanche, les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) et les courtiers en assurance intègrent toujours timidement les ETF dans leurs propositions de valeur. Ils affichent en effet une certaine réticence vis-à-vis de ces produits très faiblement chargés et sur lesquels il ne peut donc y avoir de rétrocessions. Les ETF ne représentent qu’une part très réduite, à savoir autour de 7 %, des poches actions des contrats d’assurance vie intermédiés par les conseillers en gestion de patrimoine qui utilisent la plateforme Nortia, selon le dernier baromètre de Nortia publié au mois d’avril dernier sur les données du 1er trimestre 2025. La proportion est plus importante dans les comptes titres. Elle grimpe jusqu’à 15, voire 20 % de la poche actions ; les CGP utilisent alors les ETF pour exposer leurs clients aux marchés américains ou émergents ou à des thématiques très spécifiques. A titre d’exemple, les experts de l’observatoire Nortia indiquent que les CGP ont recherché au 1er trimestre des ETF investis sur le thème de la défense. Une première étape qui permet d’ouvrir la panoplie des CGP et de lever peut-être l’un des derniers verrous à l’utilisation généralisée des ETF.
Euronext engage une réforme pour faciliter la cotation des ETF
Si l’ETF constitue un véhicule pratique à distribuer grâce à la cotation sur les places de marché, il reste cependant encore freiné par la fragmentation des marchés européens. Les grands investisseurs internationaux parviennent à traiter de façon fluide entre les différentes places financières, mais les particuliers sont davantage dépendants des chaînes domestiques en matière de négociation, de dénouement des transactions et de conservation des actifs. Pour accéder à une clientèle diversifiée incluant des particuliers, les fournisseurs d’ETF sont ainsi obligés de coter leurs produits sur plusieurs places financières, souvent entre trois et cinq en Europe. Outre les frais inhérents à cette cotation multiple, les fournisseurs d’ETF doivent aussi travailler en concertation avec des teneurs de marchés sur chaque place de cotation. « Il est nécessaire d’apporter de la liquidité sur l’ensemble des places où les ETF sont cotés en s’appuyant sur des teneurs de marchés », confirme Thibaud de Cherisey, responsable chez Invesco de la distribution des ETF pour la région EMEA. Cela induit des coûts supplémentaires pour les fournisseurs d’ETF et, in fine, pour les investisseurs. Pour remédier à cette situation et soutenir la croissance du marché des ETF, Euronext prévoit de simplifier son organisation d’ici l’automne 2025 en unifiant son carnet d’ordres.