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SCPI : la crise qui s’éternise

Publié le 26 juin 2025 à 10h00

Aurélie Fardeau    Temps de lecture 7 minutes

Confrontées à la hausse des taux d’intérêt et à une remise en cause de l’immobilier de bureau, les SCPI connaissent une crise que les sociétés de gestion peinent à endiguer. Si 2025 devrait être plus favorable à la classe d’actifs, tous les problèmes sont loin d’être réglés.

Vœux pieux ou réelle conviction, certains tablaient sur une année 2025 de renaissance pour les SCPI grâce à une conjoncture plus favorable. Les premiers mois ne semblent guère leur donner raison. Pourtant, le panorama concurrentiel s’est dégagé grâce à la baisse des taux d’intérêt de la BCE. Ainsi, le taux du livret A a vu sa rémunération baisser de 3 % à 2,4 % au 1er février 2025 et elle est attendue à 1,70 % au 1er août. Malgré tout, la concurrence reste rude. « Les SCPI font face à deux concurrents mortels que sont les fonds euros boostés et les produits structurés, estime Daniel Collignon, président de l’Apeci. Un retour des SCPI semble exclu dans ces conditions. » De l’autre côté, les SCPI restent engluées dans une crise dans laquelle elles se débattent depuis plus de deux ans. Après une phase 2023-2024 marquée par la baisse des valeurs de parts chez la plupart des grands produits historiques, les distributeurs espéraient clore ce chapitre. La Française REM a douché leurs espoirs dès le 1er janvier en annonçant une baisse des valeurs d’expertise sur plusieurs de ses SCPI, dont Epargne Pierre. La société de gestion a été suivie par 3 autres acteurs depuis ; au total, ce sont 13 fonds immobiliers qui ont vu leur prix baisser depuis le début de l’année. Surtout, 2025 pourrait être l’année où la crise se transmet aux taux de distribution (TD). Jusqu’alors, ces derniers avaient été plutôt épargnés. Le TD 2024, à 4,73 %, se payait même le luxe d’afficher un niveau en hausse sur un an (en pourcentage mais pas en euros). Plusieurs facteurs vont peser sur la distribution : tout d’abord, ces dernières années, elle a en partie été alimentée par des plus-values qui n’existent plus aujourd’hui. En outre, certains véhicules sont confrontés à des taux de vacance élevés ou alors doivent faire preuve de flexibilité dans les loyers pour attirer ou conserver des locataires. 

La SCPI étant avant tout un produit de rendement, la distribution est un enjeu majeur pour les épargnants, qui guide largement leurs décisions d’investissement. C’est d’ailleurs pourquoi les sociétés de gestion se sont livrées à une véritable guerre des rendements 2024, en particulier sur les nouveaux véhicules. L’enjeu : collecter suffisamment pour être viable et investir dans un contexte de marché porteur. Résultat, à grand renfort de taux annualisés et de délais de jouissance à rallonge, elles ont réussi à afficher des rendements faramineux, parfois à deux chiffres. Avec comme effet collatéral que même les SCPI avec des taux de distribution de 5-6 % peinent aujourd’hui à trouver preneurs. 

«Les arbitrages que nous avons réalisés l’an dernier ont servi à constituer des fonds de remboursement pour les SCPI qui le nécessitaient.»

Eric Cosserat président ,  Perial AM

Les sociétés de gestion s’attaquent à la liquidité

Pour assainir leur situation, les sociétés de gestion doivent prioritairement régler les problèmes de liquidité de leurs SCPI. Sur cet aspect, les solutions commencent tout juste à se dessiner. Une première option consiste à retrouver de la collecte, une gageure dans le contexte actuel. Praemia REIM envisage tout de même de relancer sa SCPI de santé Primovie, dont la valeur s’est stabilisée et dont la thématique demeure porteuse. La société de gestion travaille également à lancer une gamme de nouveaux supports pour la rentrée. L’autre option consiste à mettre en place des fonds de remboursement, ce qui n’avait pas été privilégié dans un premier temps pour éviter d’appauvrir les SCPI concernées. Mais au fil des mois, les vendeurs se font plus pressants. « Les fruits des arbitrages que nous avons réalisés dans les portefeuilles l’an dernier ont notamment servi à constituer des fonds de remboursement pour les SCPI qui le nécessitaient, rapporte Eric Cosserat, président de Perial AM. Cela nous a permis de largement assainir le volume de parts en attente. Désormais, si la liquidité demeure un sujet pour PFO2, qui a beaucoup d’investisseurs institutionnels comme porteurs, et PF Grand Paris, c’est réglé pour PFO. » De plus, il est désormais possible de plafonner les montants afin de favoriser les petits porteurs. C’est notamment l’option choisie par Amundi Immobilier pour ses SCPI Edissimmo et Rivoli Avenir Patrimoine, avec un plafond à 300 parts par porteur. Ces fonds de remboursement agissent à double titre : d’une part, ils permettent aux vendeurs qui en ont besoin de récupérer leurs capitaux, et, d’autre part, ils découragent les moins pressés du fait des décotes pratiquées. Chez Perial, le taux d’acceptation s’est ainsi limité à 30 %. Dernière option pour les vendeurs : se tourner vers des plateformes de ventes de gré à gré (2ndmarket.fr, Vendremascpi.com), qui commencent à émerger. L’autre enjeu consiste à repositionner les portefeuilles des SCPI de bureaux et à désendetter les véhicules pour lesquels l’effet de levier s’est transformé en effet de massue. « Côté bureau, ce qui se vend bien, ce sont les dossiers très parisiens, avec des locataires en place, constate Marc Bertrand, président du directoire de Praemia REIM France. Mais nous voyons aussi de la demande pour des dossiers value-add, avec une décote. De notre côté, notre approche consiste à vendre des actifs pour lesquels nous ne souhaitons pas nous lancer dans des travaux trop longs, qui représenteraient plusieurs années d’absence de loyers. » Si les family offices continuent d’animer le marché, les SCPI et les investisseurs internationaux semblent de retour. Autre point encourageant : les dossiers dépassant les 100 M€ peuvent de nouveau s’écouler. Les investisseurs répondent présents et les banques sont présentes pour le financement. De timides éclaircies encourageantes.

Questions à... Daniel Collignon, président de l’Apeci

« Il faut agir en priorité sur le prix »

L’Apeci, association de distributeurs de produits d’investissement, a fait de la crise des SCPI l’une de ses priorités pour 2025. Elle vient de publier une liste de propositions pour relancer le marché. 

Quels sont les freins principaux au redémarrage du marché des SCPI ? 

Plusieurs facteurs expliquent la situation. Tout d’abord, il y a eu trop d’enthousiasme par le passé autour des SCPI. La collecte abondante a conduit à un manque de sélectivité dans les investissements avec des biens de trop grande taille, des actifs en Vefa… Il faut aussi souligner le rôle des sociétés civiles, qui détiennent elles-mêmes des SCPI. Personne n’avait anticipé l’ampleur que ces véhicules prendraient. Enfin, certains gérants se sont endormis sur leurs lauriers et ont négligé de travailler leurs portefeuilles. 

Le marché est en crise depuis plus de deux ans et il y a eu au final peu d’initiatives prises à ce stade. Comment l’expliquez-vous ? 

Dans un premier temps, beaucoup espéraient une reprise rapide. Mais la dégradation durable du contexte a accentué la crise, notamment dans les bureaux. Par ailleurs, certaines solutions, telles que les fonds de remboursement, permettent certes d’apporter de la liquidité aux porteurs, mais ils contribuent à appauvrir la SCPI, en faisant vendre les meilleurs immeubles. Je comprends que les gérants soient réticents à les mettre en place. Plus globalement, ces derniers étant rémunérés sur le stock d’actifs, ils n’ont pas intérêt à vendre des biens. Quant aux porteurs de parts, ils hésitent à sanctionner les gérants. 

Vous faites des propositions pour relancer la dynamique de marché. Laquelle vous paraît la plus essentielle ? 

Il faut agir en priorité sur le prix. Aujourd’hui, sur les SCPI bloquées, les propositions d’achat se situent 15 à 20 % en dessous du prix affiché. La difficulté réside dans le fait qu’à la valeur d’expertise s’ajoutent des frais, et qu’ensuite le prix peut être fixé dans un couloir de plus ou moins 10 % de la valeur de reconstitution. Il s’ensuit un décalage significatif entre le prix, même à – 10 %, et la valeur d’expertise. A minima, les sociétés de gestion pourraient faire un effort sur les frais pour réduire cet écart. 

Faut-il scinder les SCPI à problème pour isoler les actifs obsolètes ?  

En effet, il est indispensable de faire le ménage pour affecter les bons investissements aux bons endroits et mettre de côté, sur une SCPI secondaire, les biens sur lesquels l’espérance de retour à meilleure fortune se chiffre en plusieurs années ! Ces actifs pourraient trouver preneurs chez des acteurs spécialisés dans les restructurations lourdes. 

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