Le guide de la gestion d'actifs 2022

CGP : la digitalisation n’est pas terminée

Publié le 27 avril 2022 à 11h29

Aurélie Fardeau    Temps de lecture 7 minutes

Renforcé par la crise sanitaire, le recours aux outils digitaux est désormais bien installé chez les conseillers en gestion de patrimoine. Mais ces derniers dépendent du degré d’avancement de leurs partenaires assureurs. En outre, de nombreuses améliorations sont encore à développer dans les années à venir.

Si la crise sanitaire n’a pas créé le mouvement de digitalisation que l’on constate dans l’univers de la gestion de patrimoine, il l’a indéniablement entériné. La plateforme Alpheys, qui propose notamment une solution de gestion de compte titres et de PEA 100 % dématérialisée, a d’ailleurs ressenti une hausse sensible d’activité pendant le confinement en 2020. « Au pic de la crise, les demandes d’ouvertures de compte ont été multipliées par deux à trois », indique Sisouphan Tran, son président. Le mouvement est général, selon Aïda Sadfi, directrice générale du cabinet Apredia : « Il y a eu une accélération claire pendant le confinement. Les cabinets de CGP ne se posent plus la question aujourd’hui : le besoin est acquis et ce quel que soit l’âge du dirigeant. » Pour certains cabinets, le premier confinement a même été l’occasion de rattraper un certain retard. « La première phase est celle de la collecte de données dans les logiciels, note Julien Séraqui, président de la CNCGP. Pendant la pandémie, les cabinets ont pu faire ce travail-là car les équipes étaient moins sollicitées. Aujourd’hui c’est fait au premier rendez-vous. »

Autre bienfait collatéral de la pandémie : des verrous ont sauté, tels que l’envoi de documents scannés et la généralisation de la signature électronique pour les principaux actes de gestion des contrats d’assurance-vie. « Avant, pour réaliser un versement sur le contrat d’un client, nous devions envoyer des documents par courrier ou par email et attendre que le client les renvoie par la Poste pour ensuite les faire parvenir à la compagnie, relate Thibault Roy, associé-gérant chez K & P Finance. Cela prenait plusieurs jours et induisait un risque d’exécution. Maintenant, les parcours digitaux sont très bien faits et l’opération se valide par signature électronique via l’envoi d’un code SMS. »

«Nous sommes de plus en plus sollicités sur le design de solutions digitales. »

Sisouphan Tran Président ,  Alpheys 

Des degrés d’avancement divers selon les assureurs

Les pratiques de conseillers envers leurs clients aussi ont évolué. « Nous avons découvert le télétravail et les rendez-vous en visioconférence, même si nous restons très attachés au fait de voir nos clients quand cela est possible », souligne Thibault Roy. Pour d’autres cabinets, plus habitués au travail à distance, la crise a été l’occasion de valider leur organisation. « Cela nous a aussi confortés dans le choix des outils que nous avions mis en place, témoigne Guillaume Lucchini, président du cabinet Scala Patrimoine. Nous avons un modèle de conseiller en gestion de patrimoine indépendant donc nous vendons du conseil et c’était très important pour nous de pouvoir continuer à partager facilement l’information entre les différents collaborateurs. »

Malgré ce constat, le digital n’est pas encore au rendez-vous partout. Dans les contrats d’assurance-vie, la pierre angulaire de la gestion de patrimoine, toutes les opérations ne sont pas encore dématérialisées. « Le périmètre de la signature électronique s’élargit, indique Julien Séraqui, président de la CNCGP. Cette dernière a d’abord été initiée sur les arbitrages, puis sur les actes de souscription. Maintenant, on souhaite l’élargir aux versements complémentaires, aux rachats et au changement de clause bénéficiaire. Sur ce dernier point, il y a encore beaucoup de travail. »

Les CGP sont contraints par le degré d’avancement des compagnies d’assurances. Or, celles-ci évoluent en ordre dispersé, pour des raisons de moyens et de contraintes juridiques. « Nous venons de mettre en place la signature électronique sur les arbitrages avec un partenaire assureur supplémentaire. C’est une excellente nouvelle pour nos clients, mais il faut parfois s’armer de beaucoup de patience avec les services juridiques des compagnies d’assurances pour aboutir ! », souligne Philippe Parguey, directeur général de Nortia. De plus, se pose la question de l’homogénéité des procédures et des outils. Des divergences technologiques empêchent encore les CGP de tout piloter depuis leur outil d’agrégation, car la technologie utilisée par ces CRM n’est pas acceptée par l’ensemble des assureurs. « L’objectif pour les CGP c’est d’avoir tous les éléments au sein de leur propre CRM sans avoir à sortir pour aller sur l’extranet de l’assureur, pointe Julien Séraqui. C’est un objectif que tout le monde a, mais cela prend du temps car tous les partenaires n’ont pas le même système informatique. »

«Il faut parfois s’armer de beaucoup de patience avec les services juridiques des compagnies d’assurances. »

Philippe Parguey Directeur général ,  Nortia

Du sur-mesure pour les gros cabinets

Pour certains gros cabinets, l’objectif consiste même à passer le cap supérieur avec des parcours dédiés. « Nous sommes de plus en plus sollicités sur le design de solutions digitales, détaille Sisouphan Tran. Avec la concentration du marché, il se crée des sociétés de taille importante qui souhaitent disposer de parcours personnalisés. Cela leur permet de fidéliser leurs conseillers et leurs clients et de donner un sentiment d’appartenance grâce à un écosystème totalement intégré. »

Au-delà des actes de gestion, d’autres besoins sont encore mal adressés, notamment l’assistance au conseil. « Seuls 1 à 2 % des cabinets sont équipés d’un robo-advisors. Ces outils sont plus complexes à mettre en place car ils ne doivent pas remplacer la compétence du CGP, commente Aïda Sadfi. Mais en cas de mouvements forts sur les marchés, ils peuvent les aider. » Le digital pourrait aussi aider à réconcilier les Français avec les sujets financiers. « En créant des parcours intégrés et ergonomiques, en développant des environnements digitaux bien pensés ainsi que des outils d’aide à la décision pédagogiques, on peut inciter les épargnants à s’intéresser aux sujets liés aux placements, à s’informer et à agir », estime Sisouphan Tran.

Un goût d’inachevé pour les vieux contrats

Reste que la digitalisation concerne essentiellement les nouvelles souscriptions. Le stock de vieux contrats pose, lui, un défi de taille. Pour ces derniers, les actes de gestion en ligne sont encore un lointain rêve ! Ils constituent pourtant l’essentiel du stock de nombreux cabinets. « Le transfert de contrats est toujours la meilleure solution, mais elle est trop souvent longue, fastidieuse et malheureusement pas toujours empreinte de bonne volonté. La solution de normer les données clients lors d’un transfert serait idéale pour les fluidifier mais certains acteurs ne s’engagent pas dans cette voie », regrette Philippe Parguey. Pourtant, la loi Pacte et l’érosion du fonds en euros plaident pour un essor des transferts vers des contrats plus modernes. Alpheys, de son côté, travaille sur la mise en place de solutions hybrides pour faciliter la connexion de ces vieux contrats. « Nous menons un travail juridique et opérationnel pour récupérer les flux d’informations sur ces contrats et même permettre, dans le meilleur des cas, certains actes de gestion en ligne », indique Sisouphan Tran. Un chantier colossal. 

Une question de survie pour l’industrie

Historiquement, le développement du digital vise à répondre au poids de la réglementation, dans un contexte de compression des marges. « Le recours à l’intelligence artificielle permet de normer le conseil, d’en assurer la conformité et aussi de garantir la sécurité des opérations », souligne Sisouphan Tran. Ce faisant, le recours à des outils digitaux permet de baisser les coûts de production et d’augmenter la productivité des conseillers. Le sujet est crucial à deux titres : d’abord pour continuer d’adresser tous les clients, quelle que soit leur taille. « Aujourd’hui, le processus réglementaire lié au conseil est tellement lourd et contraignant que si l’on ne met pas en place des outils digitaux pour le simplifier et l’industrialiser un minimum, alors il n’y aura plus de conseils pour les petits clients, pointe Philippe Parguey. D’ailleurs, la taille de notre contrat moyen augmente car certains conseillers font le choix de ne plus prendre les petits clients, pas ou peu rentables. » En outre, le bon respect de la réglementation a un impact direct sur la valorisation d’un cabinet. « L’évaluation d’un cabinet n’est pas un simple multiple du chiffre d’affaires, souligne Julien Séraqui. Il faut aussi être carré du point de vue réglementaire. »

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